Le secteur de la mutualité présente des limites et fait l'objet de critiques dont la bonne prise en compte pourrait contribuer à améliorer le climat social et renforcer le rôle et les chances de pérennité de la mutualité marocaine. Cette inflexion implique une vision renouvelée de l'avenir de la protection sociale au Maroc ainsi qu'une réelle concertation, documentée et structurée, entre les parties concernées. Les points de vigilance sont les suivants : - limitation des catégories et des effectifs organisés en mutuelles : aujourd'hui, exactement comme à l'époque du Protectorat, le secteur reste principalement concentré sur les fonctionnaires de l'Etat et les agents des établissements publics et des collectivités locales et leurs ayants droits, soit environ 1,5million d'adhérents et environ 4,5 millions de bénéficiaires - limitation des cotisations collectées, plafonnant sous les 2,4 milliards de dirhams - concentration sur la couverture maladie et quelques activités d'offre de soins que les mutuelles n'ont plus l'autorisation de développer. Cette concentration catégorielle et la limitation financière qui en découle confinent le secteur de la mutualité dans une configuration nettement inférieure à son potentiel d'activité et limitent sa contribution aux mieux-être social et au développement économique du pays. De nombreuses défaillances Des critiques récurrentes sont adressées au secteur mutualiste qui altèrent son image de marque. Plusieurs d'entres elles engagent la responsabilité des autorités en charge du contrôle du secteur. Ces critiques portent notamment sur : - la faiblesse de la qualité du service aux adhérents et aux bénéficiaires, à commencer par les délais de remboursements longs et les procédures administratives souvent jugées trop lourdes, inefficaces et trop longues. Certaines mutuelles ont entrepris de réels efforts pour améliorer la qualité de leurs services, mais ces progrès ont besoin d' être rendus tangibles et généralisés pour tout le secteur. - les défaillances des dispositifs de gouvernance des mutuelles, notamment les retards dans l'organisation des élections, le non-respect des délais de tenue des assemblées générales et, de ce fait, le dépassement des durées des mandats des délégués et des membres des conseils d'administration. Il convient de relever que, au cours des dernières années, à la faveur d'un renouvellement de générations et d'un renforcement des mécanismes de contrôle interne et d'une attention plus soutenue des pouvoirs publics, plusieurs mutuelles ont clairement amélioré leurs dispositifs de gouvernance. A cet égard, il y a lieu de signaler que plusieurs d'entre elles ont effectivement mis en place, au cours des dernières années, des procédures de gestion, ont eu recours aux services de commissaires aux comptes et d'auditeurs externes et veillé à l'approbation, dans les délais, de leurs comptes annuels par les assemblées générales ; - la confusion dans les rôles des différents organes dirigeants des mutuelles et l'absence de séparation rigoureuse entre les fonctions d'orientation et de contrôle, d'un côté, et les fonctions de gestion d'un autre côté ; - l'absence de suivi, évaluation et reddition de comptes à l'attention des membres sur les ressources, les dépenses, la volumétrie de l'activité, le degré de satisfaction des membres, etc.; - la défaillance du contrôle interne dévolu à la commission de contrôle instituée par l'article 14 du dahir de 1963, généralement imputée au manque d'expérience des membres de cette commission dans les domaines comptable et financier; - la défaillance du dispositif de contrôle dévolu aux départements ministériels en charge de la tutelle administrative, technique et financière sur les sociétés mutualistes (Ministère chargé de l'emploi : contrôle de l'effectivité de l'organisation des élections des délégués, de la tenue des AG, du renouvellement des administrateurs. Ministère chargé des finances : contrôle technique et financier permanent sur pièces et sur place. Ministère de la santé : approbation de création des oeuvres sociales à caractère sanitaire et contrôle technique de ces structures). Cette défaillance s'est longtemps aggravée par l'absence de désignation par les pouvoirs publics de leur représentant dans les commissions de contrôle. Il est par ailleurs à relever que le dahir de 1963 portant statut de la mutualité comportait bien une clause de sauvegarde de l'intérêt des mutualistes et des mutuelles en cas d'irrégularité grave. L'article 26 de ce dahir prévoyait en effet que : « Le ministre délégué au travail et aux affaires sociales et le ministre des finances peuvent, en cas d'irrégularité grave constatée dans le fonctionnement d'une société mutualiste, confier par arrêté conjoint motivé, les pouvoirs dévolus au conseil d'administration, ˆ un ou plusieurs administrateurs provisoires qui doivent provoquer de nouvelles élections dans un délai de trois mois.»