Tout puissant sur l'échiquier politique et diplomatique de l'Algérie il y a encore cinq ans, l'ex-ministre de l'Energie Chakib Khelil est désormais la cible d'un mandat international lancé par son propre pays pour corruption. Camarade de lycée du président Abdelaziz Bouteflika à Tlemcen (ouest algérien), Chakib Khelil, 74 ans, son épouse et ses deux fils sont recherchés pour "corruption, abus de fonction et appartenance à un réseau criminel international". Cet ancien président de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) avait souvent été présenté comme un "super ministre" ou encore "un homme fort du régime", "ultra libéral" avant d'occuper le devant de la scène avec les scandales de corruption du groupe pétrolier public Sonatrach qui ont éclaté en janvier 2010. Le 10 février dernier, le parquet d'Alger a ouvert l'affaire "Sonatrach II" en ordonnant une enquête sur une éventuelle corruption liée à des contrats entre le groupe italien ENI et Sonatrach dans lequel M. Khelil serait lourdement impliqué. Né à Oujda en 1939, Chakib Khelil part aux Etats-Unis dans les années 60 où il décroche à l'Université du Texas un doctorat d'ingénierie en pétrole. Ce polyglotte (anglais, français, arabe, espagnol et portugais) a d'abord travaillé pour Shell et Phillips Petroleum aux USA avant de revenir travailler à la Sonatrach en 1971 en Algérie. Il devient ensuite, de 1973 à 1976, conseiller technique à la présidence de la république sous Houari Boumediene. En 1980, il rejoint la Banque Mondiale mais revient à Alger pour devenir en novembre 1999 conseiller du Président Bouteflika. Ce dernier le nommera un mois plus tard ministre de l'Energie et des Mines poste qu'il conservera jusqu'en mai 2010. Durant sa décennie à la tête de ce ministère, il fait passer de nouvelles lois dont une très controversée sur les hydrocarbures en 25 mars 2005 qui porte sur le système de partage de production entre la compagnie publique Sonatrach et ses partenaires étrangers. Initialement, ce système de partage de production accordait automatiquement 51% de tout gisement découvert à Sonatrach et le reste (49%) faisait l'objet d'une négociation entre les compagnies étrangères et Sonatrach. La loi Khelil revient au système de concessions antérieur à la nationalisation des hydrocarbures, en énonçant qu'une société étrangère qui découvre un nouveau gisement en devient propriétaire à 100%. La loi libéralise aussi la production, le transport, le raffinage et la distribution donnant toute latitude aux compagnies étrangères d'importer du carburant raffiné à l'extérieur pour le revendre en Algérie. Sonatrach se retrouvait ainsi sur un pied d'égalité avec les compagnies étrangères. Gelée durant une année, la loi Khelil est finalement amendée en 2006 et le gouvernement revient au système de partage de production, mais à de nouvelles conditions désavantageuses pour Sonatrach, selon les experts algériens. Dans son éditorial de mardi, le quotidien francophone Liberté se demande, sans pouvoir y répondre, pourquoi et comment M. Khelil "a réussi à introduire une loi sur le bradage des hydrocarbures et à la faire valider et passer par un Conseil des ministres et plus grave par les députés?". En janvier 2010, un scandale de corruption à la Sonatrach éclabousse M. Khelil qui est démissionné. Ce n'est qu'après le lancement d'une nouvelle enquête en février 2013 que l'ancien ministre part aux USA. Le mandat d'arrêt international lancé contre lui ne devrait pas l'inquiéter tant qu'il vit dans ce pays qui n'extrade pas ses ressortissants. "Il est vrai qu'il a la nationalité américaine, mais pour nous il est Algérien. Il suffit qu'il quitte les Etats-Unis et tout dépendra du pays où il s'adressera...", déclarait lundi, cité par la presse, le procureur général près la Cour d'Alger Belcacem Zeghmati.