L'Union européenne est mobilisée pour tenter d'éviter une guerre civile en Egypte et use de sa capacité unique à parler à toutes les parties pour aider à une sortie de crise. De son côté, le président des États-Unis, Barack Obama, a demandé à deux sénateurs républicains de se rendre en Égypte la semaine prochaine pour presser les militaires d'organiser de nouvelles élections rapidement, a annoncé l'un des sénateurs mardi. Depuis le début de la crise, l'UE appelle à un dialogue «inclusif», à la libération des prisonniers politiques, y compris du président Mohamed Morsi, et à la reprise du processus démocratique. Mais la situation a dégénéré ces derniers jours, avec des affrontements entre l'armée et les islamistes au cours desquels des dizaines de manifestants ont été tués. Pour tenter d'éviter l'aggravation du bain de sang, la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, a repris le chemin du Caire. Lors d'un premier déplacement le 17 juillet, quelques jours après le renversement par l'armée de Mohamed Morsi, elle n'avait pas été autorisée à rencontrer le président démocratiquement élu un an plus tôt. Cette fois, elle a obtenu de s'entretenir avec lui lundi, montrant aux Frères musulmans qu'elle parlait bien à tous les camps. «La rencontre entre Cathy Ashton et Morsi montre clairement la valeur et l'importance de la diplomatie de l'UE», a aussitôt régi sur son compte Twitter le ministre des Affaires étrangères suédois, Carl Bildt. «Nous avons déjà joué un rôle très important de facilitateur en Egypte, et nous allons continuer», a déclaré le porte-parole de Mme Ashton, Michael Mann, soulignant que l'UE «est presque la seule organisation avec laquelle tout le monde veut discuter en Egypte». Pour Yasser El-Shimy, analyste de l'International Crisis Group au Caire, l'Union européenne «est dans une position unique pour jouer un rôle de médiateur enEgypte», notamment parce que l'approche de Mme Ashton a été «d'écouter toutes les parties, plutôt que de dire à chaque camp ce qu'il devait faire». «L'UE a plus de crédibilité» que les autres, confirme le président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, Elmar Brok. «Mais il ne faut pas être naïfs, ne pas être instrumentalisés», met en garde l'eurodéputé français Arnaud Danjean, président de la sous-commission sécurité et défense. «Le rapport de force en Egypte laisse peu de place à la naïveté et il faut voir si Mme Ashton sera capable de trouver une sortie de crise consensuelle et rapide», souligne-t-il. De source européenne, on estime que les Etats-Unis sont «hors jeu», précisément parce qu'ils ne sont pas en mesure de s'adresser aux islamistes. Même si l'UE n'a pas les moyens des Etats-Unis, qui fournissent chaque année au Caire quelque 1,3 milliard de dollars uniquement en aide militaire, elle peut jouer du levier de son aide financière, d'un montant global de 450 millions d'euros pour la période 2011-2013. «Toute notre aide est conditionnelle et dans les derniers mois nous n'avons pas dépensé beaucoup car il n'y a pas eu assez de progrès dans la transition politique», a rappelé mardi M. Mann. Le volontarisme de l'UE en Egypte s'inscrit plus largement dans sa tradition de «soft power», par opposition à une diplomatie plus coercitive à l'américaine. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles l'UE a obtenu le prix Nobel de la paix l'an dernier. Cette «diplomatie d'influence» s'est incarnée avec l'ouverture des négociations entre la Serbie et le Kosovo pour normaliser leurs relations. Dans le cas de l'Egypte, l'UE peut elle aller au delà du dialogue ? Mme Ashton ne s'est pas rendue en Egypte «avec un plan», assure son porte-parole. Elle pourrait malgré tout «faciliter les discussions destinées non seulement à la réconciliation mais aussi à la définition d'une issue que toutes les parties pourraient accepter», estime M. El-Shimy. Pour Jonathan Paris, analyste de l'Atlantic Council à Londres, «il est probable que l'UE va continuer à essayer de combler le fossé entre les Frères musulmans et le gouvernement». Car au bout du compte, «l'UE sera jugée sur les résultats», souligne une source européenne. Ouvrir le processus de réconciliation à toutes les parties Le président des États-Unis, Barack Obama, a demandé à deux sénateurs républicains de se rendre en Égypte la semaine prochaine pour presser les militaires d'organiser de nouvelles élections rapidement, a annoncé l'un des sénateurs mardi. L'Égypte vit des manifestations et des affrontements meurtriers depuis que le président Mohammed Morsi a été destitué par l'armée le 3 juillet. Ce coup d'État menace l'aide américaine de 1,5 milliard $ US versée chaque année à l'Égypte en guise d'aide économique et militaire. Le président a demandé aux sénateurs républicains John McCain et Lindsey Graham de se rendre en Égypte la semaine prochaine, afin de porter le message que le pays doit rapidement faire la transition vers un gouvernement civil en organisant des élections et en adoptant une approche démocratique inclusive, a indiqué M. Graham mardi. M. McCain, candidat républicain à la présidence qui a perdu l'élection de 2008 face à Barack Obama, a donné peu de détails sur sa mission en Égypte, mais a indiqué que M. Graham et lui tenteraient d'apporter leur assistance au processus de réconciliation en Égypte. La Maison-Blanche n'a pas fait de commentaire sur la mission des deux sénateurs. Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a de nouveau appelé mardi l'armée égyptienne à faire preuve de retenue, à l'heure où le pays s'enfonce dans la crise. M. Hagel s'est entretenu par téléphone avec le chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi après que la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a rencontré le président déchu Mohamed Morsi. Les deux hommes ont parlé «de la situation sécuritaire en Egypte» et Chuck Hagel a «exhorté les forces de sécurité égyptiennes à la retenue dans leur gestion des manifestations», a indiqué le porte-parole du Pentagone, George Little. Ils ont également parlé de la visite de Mme Ashton et de la «nécessité d'un processus de réconciliation ouvert à tous», a poursuivi M. Little. Les Etats-Unis ont appelé à plusieurs reprises l'armée égyptienne à faire preuve de retenue depuis la destitution de M. Morsi le 3 juillet. Washington se refuse pour l'heure à parler de coup d'Etat. Dans le cas contraire l'administration Obama se verrait contrainte de suspendre son aide au Caire (1,3 milliard de dollars en 2013) qui couvrirait près de 80% des achats annuels d'équipements par l'armée égyptienne. 5 membres de la sécurité tués dans le Sinaï Sur le terrain, un soldat égyptien a été tué mardi dans le Nord-Sinaï, portant à cinq le nombre des tués parmi les membres des forces de sécurité en 36 heures dans l'instable péninsule du nord-est égyptien, ont indiqué des sources médicales et de la sécurité. Des hommes armés ont attaqué un bâtiment militaire à Al-Arish, capitale régionale, tuant le soldat par balles, ont précisé ces sources. Depuis lundi, trois policiers et deux soldats ont été tués dans le Nord-Sinaï. Depuis la destitution le 3 juillet du président islamiste Mohamed Morsi par l'armée après des manifestations monstres réclamant son départ, 20 policiers et 11 soldats ont été tués dans le Nord-Sinaï, où des mouvements jihadistes ont multiplié les attaques. La région du Sinaï est majoritairement peuplée de bédouins, qui entretiennent depuis longtemps des relations difficiles avec le pouvoir central. Cette péninsule frontalière de la bande de Gaza et d'Israël connaît également un regain d'activité de groupes islamistes radicaux qui l'utilisent comme base pour des attaques contre l'État hébreu.