Les premiers manifestants hostiles au président islamiste Mohamed Morsi se rassemblaient dimanche en Egypte pour réclamer sa démission face à ses partisans également mobilisés, faisant craindre de nouvelles violences un an exactement après sa prise de fonctions. Redoutant de graves troubles, l'armée et la police se sont déployées à travers le pays pour renforcer la protection des installations vitales, notamment du canal de Suez. En une semaine, l'épreuve de force a déjà fait huit morts, dont un Américain. Des opposants ont commencé de se rassembler place Tahrir, dans le centre du Caire, où des militants hostiles au président campent depuis plusieurs jours. Plusieurs défilés anti-Morsi devaient converger hier en fin d'après-midi vers le palais présidentiel à Héliopolis, un quartier proche de celui de Nasr City, où des islamistes campent quant à eux depuis vendredi, déterminés à défendre la «légitimité» du premier président civil du pays. Des manifestations sont également attendues en province. Le Parti de la liberté et de la justice, émanation des Frères musulmans, dont est issu M. Morsi a appelé à une «mobilisation générale» pour défendre le chef de l'Etat, premier président égyptien à avoir été librement élu. La journée d'hier dimanche, constituait le point d'orgue de la campagne Tamarrod (révolte en arabe), le mouvement à l'origine des appels à manifester en masse pour réclamer le départ de M. Morsi, le jour même de l'anniversaire de son investiture. Tamarrod, soutenu par de nombreuses personnalités et mouvement de l'opposition laïque, libérale ou de gauche, dit avoir collecté plus de 22 millions de signatures pour une présidentielle anticipée, soit plus que le nombre d'électeurs de M. Morsi en juin 2012 (13,23 millions). Après un an d'une présidence mouvementée, déjà marquée par plusieurs crises, M. Morsi vit son «Jour du jugement», titraient dimanche certains journaux. Le quotidien al-Tahrir, né dans le sillage de la révolte qui a chassé début 2011 le président Hosni Moubarak, y allait lui d'un franc «Dégage» barrant sa Une tout en rouge. Les clivages sont profonds en Egypte, pays arabe le plus peuplé avec plus de 80 millions d'habitants où le climat persistant de crise pèse lourdement sur une économie marquée par une inflation et un chômage en hausse, et une chute de sa monnaie, la livre égyptienne. Les adversaires de M. Morsi dénoncent une dérive autoritaire du pouvoir destinée à instaurer un régime idéologiquement et politiquement dominé par les islamistes, ainsi que son incapacité à relancer l'économie. Ses partisans en revanche soulignent qu'il puise sa légitimité dans la première élection présidentielle libre de l'histoire de l'Egypte. Ils accusent l'opposition laïque de vouloir un «coup d'Etat», et de faire le jeu des nostalgiques de l'ancien régime. Mohamed El Baradei, l'une des figures de l'opposition, a appelé samedi M. Morsi à «écouter le peuple» et à laisser se tenir une présidentielle anticipée avant la fin de son mandat en juin 2016. Le président américain Barack Obama a exprimé samedi son «inquiétude» face à la crise en Egypte et appelé M. Morsi et l'opposition à engager un dialogue «plus constructif». Craignant des dérapages violents, le département d'Etat a annoncé le départ d'une partie de son personnel diplomatique et conseillé aux Américains de différer tout voyage non-indispensable en Egypte. Plusieurs pays, dont la France et la Grande-Bretagne, ont diffusé des consignes de prudence à leurs ressortissants, leur recommandant d'éviter les rassemblements ou de limiter leurs déplacements. Certaines compagnies étrangères ont demandé à leurs salariés expatriés ou leurs familles de partir. La crainte d'une aggravation de la crise provoque en outre depuis plusieurs jours une ruée des automobilistes sur les stations service, et pousse de nombreux Egyptiens à faire des provisions. Samedi, plusieurs parlementaires de la chambre haute (Choura), de tendance laïque, ont démissionné pour afficher leur soutien aux manifestations anti-Morsi. L'opposition a refusé l'appel au dialogue, jugé de «pure façade», lancé cette semaine par M. Morsi pour qui la polarisation extrême du pays pourrait conduire au «chaos». Sa première année au pouvoir a déjà été marquée par plusieurs crises, en particulier fin 2012 lors de la rédaction et l'adoption par référendum d'une nouvelle Constitution soutenue par les islamistes.