Le Raja est de nouveau champion. Et il disputera la Coupe du Monde des clubs pour la deuxième fois. Un exploit exclusivement et par deux fois rajaoui. En plus, le Raja évoluera chez lui, au Maroc au moins pour cette première édition mondialiste allouée par la FIFA au Maroc, à Marrakech et Agadir. Ce nouveau sacre rajaoui s'est achevé sur un goût d'inachevé, exagéré par les concurrents directs du Raja et d'aucuns y ont même vu un soutien tout autant flagrant que maladroit de l'arbitrage. A travers des faits de jeu et -certainement- de fautes d'arbitrage révélées, on n'a pas hésité à mettre le sifflet dans la bouche du jeune président Mohamed Boudrika. Au point que la fête du sacre a manqué de ce piment qui avait caractérisé l'inauguration de l'An I du professionnalisme, à Rabat, avec un FUS-MAT mémorable, achevé sur un but de Benhnia (0-1), dans un stade plein et frappé ce soir-là par la fièvre festive du supportérisme vrai. LE PLUS HABILITÉ À JETER LA PREMIÈRE PIERRE À L'ARBITRE Du moins pour les gens du Nord qui continuent à surprendre, à ce propos, dans le bon sens. Le Raja n'y a pas eu droit pour diverses raisons, les rumeurs colportées sur l'arbitrage, la violence et les incarcérations qui en ont découlé, après les évènements du «jeudi noir» et les casses qui en ont suivi à Casablanca, la présentation au même moment de 132 personnes devant la justice, tout cela a empêché le déplacement des supporters traditionnels du Raja, à Rabat, un mercredi. La fête fédérale a donc été minimisée et on s'attend à ce que ce sacre 2013 soit exclusivement rajaoui. Et ce n'est pas la première fois que le Raja soit sanctionné, avant qu'il ne monte sur le podium. Il y a eu ce précédent, en 1962 quand on avait voulu imposer au Raja un play-off à trois, avec l'ASFAR et le KAC. Le Père Jego en avait décidé autrement et préféré une tournée en Algérie, plutôt que d'admettre qu'on confisque de facto le titre aux Diables Verts. Dommage que le Raja se préoccupe peu de son Histoire, mais à en croire les fondateurs, du côté des avocats, le Père Jégo a produit des textes administratifs qui restent des références en la matière à une époque où la métaphore et la maxime colportaient sens et contre-puissance! Que d'accumulations depuis et on a l'impression, en l'absence de références historiques, que le Raja est un mythe et qu'il ne vit que d'exclusion ou d'usurpation, le propre des héros positifs des contes. Onze titres, certes, mais une présence continentale et aussi mondiale (Raja Al Alami) qui en font la spécificité, par rapport à ses concurrents traditionnels, très tôt déclarés champions et qui occupent le leadership, le WAC et l'ASFAR. Mais qui mérite d'assumer la charge de représenter le Maroc, en Coupe du Monde des clubs, sans en ternir l'image? Au vu du niveau affiché tout au long d'une saison exténuante, avec pas moins de 55 matches disputés par le Raja, entre matches amicaux (dont le 8-0 concédé au Barça...), Coupe du Trône, Coupe Arabe et championnat, on doit dire que le club champion a cavalé dur dur, jusqu'à s'épuiser physiquement et aussi et surtout mentalement. Et comme le Raja n'avait pas de préparateur mental, on se rend compte des ravages commis dans un club où la majorité de l'effectif est le produit du Mercato. A l'exception d'El Had, de Rbati recruté très jeune de Fnidek par Larbi Gourra qui l'a placé au Centre du Raja, Iajor et Oulhaj, le produit rajaoui semble sous-valorisé et peu enclin à concurrencer les vedettes les mieux cotées sur le marché des transferts. La faute à l'école, dont les failles ont été relevées par Youssef Rossi, avant l'arrivée de Hassan Harmatallah le désormais directeur technique du club, appelé à remettre en marche la machine rajaouie en vue d'assurer l'autosuffisance et produire des godasses exportables. On rêve de retrouver l'Europe, à l'image des Académies subsahariennes, qui arrosent l'Afrique du Nord et placent des pépites dans les grands championnats européens. POUR QUELQUE MILLIARDS DE PLUS Mais en attendant, toute approche prospective passerait pour ridicule si on ne place pas le Raja dans sa contextualité et son présent. Il est légitime de crier au triomphalisme, justifié pour les réussites en Coupe du Trône et en championnat, mais comment se présentent les choses sur le plan financier? Zaki Lahbabi, la mamelle du sponsoring, est optimiste et parle des entreprises qui suivent à 94% et qu'il n'y pas de crise à ce propos. Le déficit sera occasionné par les charges des recrutements des joueurs et si les chiffres officiels ne sont pas divulgués, au Raja comme ailleurs où la transparence fait défaut, on prévoit un trou de 4 à 5 milliards de centimes, en tenant compte des 2 milliards de dettes laissées par le comité sortant. Les primes fédérales et les droits télé, en plus des 1,2 millions de dirhams du Centre de formation n'atteignent pas le milliard, au moment où la recette du stade, propriété de la ville de Casablanca et exploité en commun avec le WAC, a été grevé de plus de 40%, en raison des huis clos, des faits de violence, de la resquille et de nombreux supporters qui se rabattent sur la télé et évitent des déplacements devenus de plus en plus dangereux. ENGRAISSER LE MAMOUTH? En plus, le nouveau président Mohamed Boudrika veut démolir les anciens édifices du club pour y construire de nouveaux bâtiments, destinés à abriter un nouveau Centre de Formation et une nouvelle administration. Cela demandera pas moins de deux années de fermeture où le Raja sera SDF et se débrouillera avec les moyens du bord. On parle, aussi, de l'éventualité de la construction d'un stade au profit du Raja, sur 10 hectares, à en croire des sources proches du président du côté d'Arrahma. Mais si tous ces projets semblent crédibles, le jeune président du Raja a fait le vide autour de lui, en débarquant les anciens dirigeants du Comité Directeur et les anciens tout court, qui ont donné au Raja pas moins de dix titres et une participation plus que remarquable en Coupe du Monde, au Brésil. A cette occasion, Joseph Sepp Blatter avait eu ce mot à l'attention du Raja et qui a fait florès sur toute la Planète Foot: «Avec la prestation du Raja du Maroc, il n'y a plus de petits et de grands clubs, tous se valent». A inscrire en lettres d'or sur le fronton du club. Par ailleurs, l'aide des anciens aurait été d'un grand apport, dans un club ouvert sur toutes ses composantes, dans le cadre d'une réunification consensuelle et générationnelle. Boudrika a beau se présenter comme un self made man, il n'en doit pas moins faire attention à tous ceux qui passent pour gagnants en l'isolant pour en faire, in fine, un solitaire. Et comme dit, à juste titre, M'Hamed Fakhir, le foot est un sport collectif où on privilégie le groupe et non l'individu. Cela s'applique, aussi, aux dirigeants du foot. On retiendra, également, dans le cadre de ce pré-bilan que Mohamed Boudrika a essayé, sans y réussir, de mobiliser les autres dirigeants de clubs autour d'un nouveau projet fédéral national. A ce propos, il s'inscrit dans la ligne des anciens et des fondateurs, qui sont toujours passés pour des frondeurs et donné des sueurs froides à tous les présidents passés à la tête de la FRMF. Mais il semble ne pas encore avoir la légitimité nécessaire pour donner une teinte rajaouie à l'enceinte fédérale. Cela ne devrait pas le dissuader pour préserver l'image d'un Raja porteur de projets de réformes et de relance. Mais encore faut-il qu'il réunisse la famille rajaouie autour de tous ces projets, sans exclusive!