Un attentat meurtrier a frappé lundi Benghazi, berceau de la révolte ayant renversé le régime de Mouammar Kadhafi, dernier épisode sanglant en Libye en proie à une insécurité croissante sur fond de crise politique. Des bilans contradictoires ont été avancés par les autorités, le vice-ministre de l'Intérieur Abdallah Massoud évoquant «15 morts et au moins 30 blessés», tandis que le ministère de la Santé a fait plus tard état de quatre morts et de six blessés. Un responsable de la direction de police à Benghazi, Tarak al-Kharaz a affirmé à la chaîne Libya al-ahrar que 13 personnes étaient mortes et 41 blessées. Dans la soirée, le directeur de l'hôpital al-Jala, à côté du quel l'explosion a eu lieu, a précisé que son établissement avait accueilli «trois corps et neuf blessés, dont trois dans un état critique». «Nous avons aussi reçu des restes de corps dont nous ne pouvons pas déterminer le nombre dans l'immédiat», a indiqué Mohamed Belaid. Sur le site de l'attentat, des centaines de jeunes se sont rassemblés pour dénoncer les violences et les attentats qui secouent régulièrement leur ville, certains aidant à collecter des restes de corps déchiquetés par l'explosion dans des sacs plastiques. «Benghazi réveille-toi», scandaient les manifestants, au milieu des carcasses de voitures et des débris, reprenant le premier slogan de la révolution libyenne qui a fait tomber le régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Les manifestants qui se sont dirigés par la suite vers la place de l'Hôtel Tibesti dans le centre de Benghazi réclament notamment la sécurité et la dissolution des milices armées. «Non aux milices, nous voulons une armée sous une seule bannière», ont-ils scandé. Tout de suite après l'attentat, le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité du pays, a annoncé la tenue d'une «réunion d'urgence» avec les responsables de sécurité. A l'ONU, le Conseil de sécurité a condamné l'attaque, soulignant «la nécessité de poursuivre en justice les responsables», et appelant «tous les pays (..) à coopérer activement avec les autorités libyennes». De son côté, le gouvernement libyen a dénoncé dans un communiqué «un crime odieux», et un «acte terroriste», qui a provoqué la mort d'»innocents», promettant de «faire son devoir pour arrêter les criminels et les traduire devant la justice». L'armée a ordonné le déploiement d'unités spéciales pour assurer la sécurité dans la ville, selon l'état-major de l'armée libyenne. «On ignore jusqu'ici si l'attaque visait des civils ou une personne particulière qui était sur les lieux», selon un responsable local de sécurité. Cette attaque est la première à se produire en plein jour au beau milieu de civils et dans un quartier animé de la ville, les attaques se produisant d'habitude de nuit ou très tôt le matin, vraisemblablement pour éviter de faire des victimes parmi la population. La ville de Benghazi, bastion de la révolution libyenne, a été le théâtre ces derniers mois de plusieurs attentats et attaques contre les services de sécurité et des intérêts de pays occidentaux. Ces attaques sont généralement attribuées aux islamistes radicaux, à l'instar de celle du 11 septembre contre le consulat des Etats-Unis, qui avait coûté la vie à quatre Américains dont l'ambassadeur Chris Stevens. Plusieurs attentats à l'explosif ont visé la semaine dernière des commissariats à Benghazi témoignant de l'insécurité croissante en Libye où les autorités, qui peinent à mettre sur pied des forces de sécurité efficaces, sont engagées dans un bras de fer avec des milices armées. Cet attentat intervient deux jours après la levée du siège des ministères des Affaires étrangères et de la Justice à Tripoli, imposé depuis près de deux semaines par des miliciens. Londres et Washington ont décidé d'évacuer une partie du personnel de leurs ambassades à Tripoli, où d'autres chancelleries occidentales ont réduit leurs effectifs en raison de risques sécuritaires. Les Etats-Unis ont même prépositionné des forces militaires pour intervenir en cas de menaces contre leur personnel diplomatique en Libye, quelques mois après l'attaque contre leur consulat, a annoncé lundi le porte-parole du Pentagone George Little.