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L'expérience marocaine en matière de justice transitionnelle mise en exergue au Caire
Publié dans L'opinion le 14 - 05 - 2013

L'expérience marocaine en matière de justice transitionnelle a été au centre d'un forum régional arabe, qui a ouvert ses travaux dimanche au Caire.
Dans un exposé intitulé «Justice transitionnelle et expériences internationales: le cas marocain», le secrétaire général du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), M. Mohamed Sebbar a mis l'accent sur les caractéristiques de l'expérience du Royaume, rappelant notamment l'ouverture du processus de règlement des dossiers des violations passées des droits de l'Homme dans le cadre du même contexte politique et constitutionnel avec le but de rompre avec le passé.
M. Sebbar a fait savoir que la survie des victimes des disparitions forcées figure parmi les «caractéristiques» de l'expérience marocaine, soulignant que l'Instance Equité et Réconciliation (IER) avait de larges prérogatives dans la mesure où elle a été chargée d'enquêter sur différents types de violations flagrantes des droits de l'homme telles que les disparitions forcées, les détentions arbitraires de longue durée, les exécutions extrajudiciaires et l'exil forcé.
Le Maroc a connu, depuis le début des années 90, des développements significatifs dans le domaine des droits de l'Homme, marqués par une ouverture politique, la libération des détenus politiques, le retour des exilés et la révision d'un certain nombre de législations en la matière, ainsi que la réconciliation politique avec une grande partie de l'opposition et qui a abouti à l'installation d'un gouvernement d'alternance, a-t-il ajoute.
Le SG du CNDH a passé en revue l'expérience de l'IER qui, dans son rapport final, a procédé à une analyse exhaustive des contextes historique et politique qui ont accompagné les violations flagrantes des droits de l'Homme, en mettant la lumière sur les lieux de détention secrète et élucidant le sort de centaines de disparus.
Pour sa part, Me Mohammed Mustafa Raissouni, membre de l'Instance indépendante d'Arbitrage pour l'indemnisation a indiqué que le Maroc a connu, entre 1956 et 1999, des manifestations populaires, marquées par des violations graves, des arrestations et des procès entachés d'irrégularités avant de s'atteler au début des années 90 sur un règlement définitif des violations passées des droits humains.
Dans ce sens, M. Raissouni, également membre de l'IER, a rappelé l'installation en 1990 du Conseil consultatif des droits de l'Homme qui a été suivie de la refonte de l'arsenal juridique et son adaptation aux conventions internationales.
Dans ce sens, il a qualifié de «premier pilier de la justice transitionnelle» l'action menée depuis 1999 par l'Instance d'Arbitrage Indépendante pour la réparation des préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la disparition et de la détention arbitraire et leurs ayants droits.
Le juriste a fait savoir que le travail accompli par l'instance s'est basé sur les mécanismes de la justice transitionnelle en matière d'enquête, d'investigation et d'écoute ou d'indemnisation.
De son côté, le président du Centre d'études des droits de l'Homme et de la démocratie (CEDHD), Lahbib Belkouch, a mis l'accent sur l'expérience marocaine en matière de justice transitionnelle, qui est le fruit d'une vision prospective de l'institution monarchique pour consolider le choix démocratique auquel s'est engagé le pays.
Il a souligné que cette expérience s'est manifestée par l'avènement d'un gouvernement d'alternance, la constitutionnalisation de la langue amazighe, le renforcement du rôle de la femme dans le Code de la famille et le règlement des dossiers des violations graves des droits de l'Homme commises par le passé.
L'expert marocain a relevé que la justice transitionnelle au Maroc a été concrétisée dans le cadre d'une série de réformes, mises en avant par l'institution royale en interaction avec les revendications des mouvements des droits de l'Homme.
Il a dans le même sillage rappelé le “contexte particulier" de l'expérience marocaine consistant en le lancement de réformes dans le cadre de la continuité et en se basant sur les acquis antérieurs dans le domaine politique.
Il a expliqué que la phase de transition au Maroc a été marquée aussi par l'évaluation de l'action des établissements étatiques à travers les rapports de la commission Equité et Réconciliation et du cinquantenaire en matière de gestion économique.
M. Belkouch a relevé que le Maroc a été considéré comme un modèle avancé en matière de transition démocratique dans les pays qui ont connu des changements politiques, soulignant que la justice transitionnelle ne devrait pas être une alternative à l'adhésion politique dans la consolidation du choix démocratique mais un mécanisme accompagnant la transition politique et aidant à remédier aux violations passées et à renforcer l'Etat du droit.
Pour sa part, Driss Belmahi, membre du Centre des Etudes en Droits Humains et Démocratie a évoqué la question de la gouvernance sécuritaire et son rôle dans le processus de justice transitionnelle, rappelant à cet égard les recommandations de l'IER visant à réformer le secteur de la sécurité au Maroc, tant sur le plan législatif que des politiques publiques ou au niveau de la responsabilité du pouvoir exécutif.
Il a souligné que les recommandations comprenaient notamment l'adoption et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale intégrée de lutte contre l'impunité à travers, outre des réformes juridiques, la mise en place de mesures efficaces et transparentes et des mécanismes de contrôle justes.
M. Belmahi a insisté sur le rôle de la réforme sécuritaire dans le développement humain, relevant que la réussite de la justice transitionnelle dans son ensemble est tributaire de la gouvernance de la sécurité.
Dans le même ordre d'idées, Mme Amina Bouayach, membre du conseil d'administration de l'Organisation arabe des droits de l'Homme, a mis l'accent sur un certain nombre de leçons tirées de l'expérience marocaine dans le domaine de la justice transitionnelle, notamment le rôle de la société civile comme un acteur majeur dans le développement et la concrétisation des propositions.
Elle a souligné le rôle des institutions nationales dans le suivi et la mise en oeuvre des revendications des différents acteurs, ce qui a abouti à l'élargissement des prérogatives du CNDH et des champs de son intervention.
Mme Bouayach a noté un élargissement du champ des libertés publiques au Maroc et le respect des obligations internationales par la signature d'un certain nombre de conventions relatives aux droits humains, notamment celles se rapportant aux disparitions forcées et à la torture.
Ces droits ont été également renforcés par la nouvelle Constitution, s'est-elle réjouie.
Ce forum de deux jours sur la justice transitionnelle dans le monde arabe est initié par l'Organisation arabe des droits de l'homme en coopération avec le Centre des Etudes en Droits Humains et Démocratie et le Programme des Nations Unies pour le Développement.
Le forum, qui met en lumière les difficultés rencontrées par les pays arabes dans le domaine de la justice transitionnelle et la transition démocratique, discutera d'un certain nombre d'expériences dans ce domaine et du rôle des organisations de la société civile dans la réalisation de cette transition.


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