Les Journées du Patrimoine de Casablanca sont revenues dans leur 5ème édition les 5, 6 et 7 avril, organisées par l'Association Casamémoire en partenariat avec le ministère de la Culture, le Conseil de la ville, le Conseil régional du Tourisme et l'Institut Français du Maroc. Elles intervenaient à l'occasion de la journée internationale des monuments et des sites de l'UNESCO et regorgeaient de manifestations spectacles, expositions et conférences. Cette année ces journées ont fait des émules puisque les villes d'El Jadida et Tétouan s'y sont mises à leur tour. A El Jadida l'évènement a été co-organisé les 5 et 6 avril par l'Institut Français, l'Association Citerne portugaise et la Délégation de la Culture à El Jadida. A Tétouan les Journées du Patrimoine sont organisés par la Maison de l'Architecture et l'Ordre Régional des Architectes de Tétouan. Ici et là, le même objectif: mettre en valeur le patrimoine respectif des trois villes, le sauvegarder comme valeur sûre de développement, d'avenir. Les Journées cette année ont coïncidé fortuitement avec le Salon du livre de Casablanca ouvert le 29 mars et qui prenait fin hier dimanche 7 avril, et l'ouverture des manifestations du centenaire du port de Casablanca 1913-2013 mardi 2 avril pour se poursuivre jusqu'à fin juin prochain. Pour l'histoire, la première édition des Journées du patrimoine fut organisée à Casablanca en 2009. L'événement a constitué une innovation. En effet pendant un week-end ces journées permettent de visiter des monuments historiques où l'accès n'est pas toujours libre, du moins dans toutes les parties du bâtiment comme c'est le cas pour des monuments comme la Banque du Maroc, la Poste, le Tribunal, la Wilaya ex-Hôtel de ville etc. Les visites guidées gratuites avec explications sont effectuées grâce à des «guides médiateurs», de jeunes bilingues formés pour cette fonction. Cette année, 150 jeunes bénévoles, garçons et filles, sont engagés en tant que «guides médiateurs». L'objectif des journées c'est la sauvegarde et la valorisation du patrimoine architectural casablancais par la sensibilisation des nouvelles générations sur la richesse de ce patrimoine d'où le partenariat avec l'Académie Régionale de l'Education et de la Formation du Grand Casablanca (AREF) et l'Association Al Jisr pour toucher une population d'élèves. Les visites permettent d'accéder de manière pédagogique à des données d'histoire de la ville à travers l'architecture et l'aménagement de l'espace. Au début, Casamémoire ne s'intéressait qu'au dit «centre historique» l'ancienne «ville européenne coloniale» où de grands architectes avaient laissé leur empreinte entre les années vingt et les années cinquante du XXème avec différents styles architecturaux. Cet intérêt sélectif était apparemment déterminé par le souci de préserver ce patrimoine historique de valeur du fait qu'il faisait l'objet de destruction et d'abandon. Beaucoup d'exemples s'offraient en effet comme ces immeubles disparus sous la pression de la spéculation foncière et immobilière ou simplement d'abandon par les pouvoirs publics. Ll'exemple qui semble avoir joué un rôle important dans l'éveil du mouvement est l'hôtel Lincoln et les méfaits en chaîne de son abandon sur le plus important boulevard du vieux centre de la ville, le boulevard Mohammed V. D'ailleurs, le centre s'est déplacé vers les quartiers Gauthier, Maarif, Racine tout au long des boulevard Zerektouni et Anfa tandis que le boulevard Mohammed V est devenu une sorte d'agglomération périphérique. Selon certaines estimations, c'est près de 40% du patrimoine architectural de Casablanca qui a disparu sous les coups de pioches ou du fait de manque de politique de sauvegarde de monuments. Les Journées du patrimoine ont élargi par la suite leur champ d'intervention pour toucher aussi d'autres sites importants pour les Casablancais en fait de symboles et d'histoire où l'on s'identifie comme l'ancienne médina qui fait l'objet actuellement d'un projet de réhabilitation et le quartier populaire Hay Mohammadi, l'emblématique Carrières Centrales. Les deux agglomérations constituent un creuset d'histoire de résistance notamment dans les années cinquante contre le colonialisme. El Jadida et Tétouan emboîtent le pas Comme pour Casablanca, les Journées du patrimoine d'El Jadida réservent une bonne place pour les élèves des établissements scolaires. Ce fut le cas pendant la journée du vendredi 5 avril. Le programme comportant des expositions et ateliers tournait autour de visites guidées de la Cité portugaise et du centre de la ville. De Mazagan, cité portugaise édifiée par les Portugais au XVIè siècle, à la ville moderne El jadida, c'est entre cinq à six siècle d'histoire dense qu'offre la ville qui a vu la naissance d'écrivains comme Abdelkbir Khatibi et Driss Chraibi. Pour Tétouan dite la «colombe blanche», les journées ont été marquées, outre les expositions et conférences, par des visites guidées et des journées portes ouvertes pour les musées de la ville, le musée archéologique, le musée ethnographique, ainsi que l'Ecole des Arts et Métiers, l'Institut National des Beaux-Arts, le bâtiment du ministère des Travaux publics et la résidence d'artiste Dar Benjelloun. Pour les visites guidées elles ont concerné aussi bien l'Ensanche qui est la ville moderne née pendant le Protectorat espagnol avec ses bâtiments de style colonial, que la belle médina andalouse inscrite patrimoine de l'Humanité par l'Unesco et dont les origines remontent au XVème siècle. Pour la médina, la visite guidée concerne deux circuits. D'abord celui de l'eau, Scoundo système hydraulique, pour la canalisation de l'eau vers les maisons, fontaines publiques et mosquées, technique importée d'Andalousie au début du XVIème siècle par les fondateurs de la ville pour servir les habitants en eau potable de Jbel Dersa. A leur arrivée au début du XXème siècle, les Espagnols ont installé d'autres canalisations d'eau potable d'où le fait que l'ancien système hydraulique est appelé Scoundo, c'est-à-dire le deuxième réseau désaffecté à côté du nouveau. Le Scoundo, bien que ne fonctionnant plus aujourd'hui pour l'eau potable reste un patrimoine inestimable pour la grande histoire et la civilisation lumineuse d'une ville telle que Tétouan. Le deuxième circuit de la médina est celui des murailles avec les sept portes. Les journées du patrimoine s'avèrent donc une idée judicieuse surtout quand elles peuvent fédérer les efforts autour de l'idée d'un patrimoine à partir duquel il est possible de développer la ville et donc servir l'avenir.