Les organisateurs des journées du patrimoine à Casablanca récidivent pour une quatrième édition où, pour la première fois, on s'ouvre vers un grand quartier populaire qui est Hay Mohammadi, ex-Carrières Centrales, qui connait actuellement des changements historiques avec le déménagement du bidonville le plus ancien de Casablanca annonçant la fin de près d'un siècle d'histoire d'habitat précaire. C'est ce qu'on apprend d'une conférence de presse tenue mardi 20 mars par les organisateurs, l'association Casamémoire en partenariat avec le ministère de la Culture, la ville de Casablanca et l'Institut français. On se souvient que les premières Journées du patrimoine étaient consacrées au vieux centre de « la ville européenne », autour du boulevard Mohammed V et les grands bâtiments publics : Wilaya, Tribunal, Grande Poste et Banque Al Maghrib, ce que certains appellent le « centre historique » de Casablanca, c'est-à-dire là où des réalisations architecturales représentent des étapes de développement de la mégapole avec un cachet architectural paysager hors norme. Par la suite, dans les éditions suivantes, on s'est tourné vers l'ancienne médina qu'on semblait totalement ignorer et que les Français du Protectorat appelaient « la ville indigène ». Cette médina fait l'objet depuis fin 2010 d'un grand programme de réhabilitation jamais advenu pour la ville de Dar Beida et qui est, en partie, une retombée du long plaidoyer pour la sauvegarde du patrimoine. L'année dernière c'est l'association Docomomo (Documentation et conservation du mouvement moderne de l'architecture, de l'urbanisme et du paysage du XXème siècle), animée par des architectes marocains, dont feu Ahmed Hariri, mort dernièrement, qui avait choisi, à l'occasion des journées du patrimoine, de visiter l'immeuble Nids d'Abeilles à Sbata, loin du centre de la ville dans un quartier périphérique, Sbata et qui représente une manière nouvelle d'exploiter l'espace en hauteur pour résorber l'habitat précaire. Une idée similaire est reprise par Casamémoire, cette édition, pour visiter l'immeuble Nid d'Abeilles à Hay Mohammadi. Une très bonne chose pour s'intéresser à la vraie vie des Casablancais et à des espaces qui ont vraiment compté pour la vie de la population, ouvriers et artisans qui ont été à l'origine de la construction de la ville champignon en travaillant dur dans les chantiers de constructions, les usines et le port. Ces 4èmes journées du patrimoine qui sont organisées dans le cadre de la journée mondiale des monuments et des sites de l'Unesco, se dérouleront les 6, 7 et 8 avril prochain. Pendant ces journées du 6 au 8 avril, 150 jeunes « guides médiateurs » bilingues serviront de guides pour les visiteurs des monuments et sites historiques. En dehors des sites habituels de la Place Mohammed V (Wilaya, Tribunal, Grande Postes et Banque Al-maghrib), le boulevard Mohammed V, l'ancienne médina et le quartier des Habous, il y a donc Hay Mohammadi avec le site des anciens abattoirs, les Carrières Centrales, l'immeuble Nid d'Abeilles et le célèbre cinéma Saada, aujourd'hui fermé comme bon nombre de salles obscures, faute de public. Hay Mohammadi comporte des lieux de mémoire, parfois douloureux comme le commissariat de Derb Moulay Chrif, mais il est surtout doté d'un passé de résistance dans les années cinquante du siècle passé et constitua un véritable creuset culturel brassant des populations marocaines de toutes les régions du pays en complète mosaïque avec éclosion de talents comme les groupes de musique Nass Ghiwane, Lemchaheb, entre autres parus début années soixante-dix. Ces sites seront librement visités le samedi et le dimanche 7 et 8 avril de 11h à 17h. C'est l'occasion d'entrer dans des sites monuments et d'en faire le tour comme il n'est guère possible de le faire en d'autres jours. Le vendredi 6 avril est une journée spécialement dédiées aux visites des établissements scolaires publics et privés grâce à un partenariat avec l'Académie régionale de l'éducation et de la formation de Casablanca. Au cours de la conférence de presse, les organisateurs disent que ces journées sont dédiées à de grands disparus ayant milité pour la sauvegarde du patrimoine culturel et architectural de Casablanca et aussi au niveau national. Il s'agit notamment de l'architecte Ahmed Hariri et de Simon Levy, le créateur du musée du judaïsme marocain qui viennent de mourir récemment. Cet hommage posthume n'est toutefois pas indiqué dans le dossier de presse qui prévoit, semble-t-il, un très riche programme d'animation avec des conférences et des expositions notamment des interventions du ministre de la Culture Mohamed Amine Sbihi et Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) dans une conférence sur les « Enjeux du patrimoine au Maroc », le 6 avril. D'autres conférences concernant la sensibilisation au patrimoine dans le Maghreb, le tramway et rénovation urbaine, les archives au service de la connaissance et de la valorisation du patrimoine, le rôle du secteur privé dans la sauvegarde du patrimoine etc. Et aussi et surtout l'implication du tissu associatif avec des manifestations décentralisées avec des spectacles de théâtre, de danse, de musique andalouse à Dar al-Ala (Habous), des expositions de photos avec notamment Association Initiative Urbaine qui présente une exposition « Regard d'enfants sur Hay Mohammadi » et présentation du livre « Mémoire et dignité ». Ce programme d'animation a pu se faire donc grâce à la participation d'autres associations s'intéressant de près ou de loin à la sauvegarde du patrimoine. On apprend aussi qu'à cette occasion, un partenariat est conclu avec la ville de Bordeaux (ville jumelée avec Casablanca) pour la sauvegarde des archives de la ville. On sait que c'est là l'un des problèmes majeurs évoqués depuis très longtemps. Le moins qu'on puisse dire c'est que ce n'était pas un souci des responsables qui se sont relayés tout au long des décennies sur le destin de la ville. La preuve patente c'est la situation de l'unique grande bibliothèque historique, la Bibliothèque Municipale datant de 1918 et qui est fermée depuis des années alors qu'elle fait partie intégrante de l'histoire de la ville. Le travail de sensibilisation des journées du patrimoine est susceptible de faire que des choses de ce genre ne puissent plus arriver dans l'avenir.