Le projet de loi relative au droit du citoyen d'accéder à l'information, visant la mise en œuvre de l'une des plus importantes dispositions de la Constitution, vient d'être déposé au Secrétariat général du gouvernement pour examen. Le droit du citoyen d'accéder à l'information est consacré par l'article 27 de la loi fondamentale qui dispose que « les citoyens ont le droit d'accéder à l'information détenue par l'administration publique, les institutions élues et les organismes investis d'une mission de service public. Le droit à l'information ne peut être limité que par la loi, dans le but d'assurer la protection de tout ce qui concerne la Défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l'atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi ». L'accès à l'information est l'un des droits majeurs parmi les droits et libertés des citoyens prévus par la Constitution, l'un des piliers fondamentaux de l'Etat de droit et un levier puissant de l'exercice de la démocratie et du progrès par la responsabilisation, la participation et l'inclusion. Dans le processus d'élargissement, d'approfondissement et de consolidation des Droits de l'Homme, de la garantie de sa sécurité et de protection de sa santé, le droit à l'information a investi tous les domaines de la politique, du droit et de l'économie dont il constitue aujourd'hui un fondement. Ce droit naissant sera décliné dans ces domaines et celui de la culture des Droits de l'Homme au moyen d'autres législations, de l'information et de la sensibilisation des citoyens et de l'ensemble des parties concernées, ainsi que par les pratiques dans ces domaines. Edifice reposant sur ce droit, l'Etat, représenté par ses entités administratives et ses services, est la partie concernée par la mise en œuvre de ce droit exercé par les citoyens, qu'il doit leur garantir par ses propres réglementations et ses pratiques et par l'instauration d'une véritable culture de l'information. Dans son préambule, le projet de loi relative au droit d'accès à l'information précise que la consécration de ce droit réaffirme les engagements du Maroc dans la mise en œuvre des Droits de l'Homme tels qu'ils sont universellement reconnus, de l'article 19 de la déclaration universelle des droits civils et politiques, de l'article 10 de la convention de l'ONU relative à la lutte contre la corruption qui engage les administrations publiques à permettre aux citoyens d'accéder à l'information et à prendre toutes les dispositions nécessaires à l'exercice de ce droit en vue du renforcement, de la transparence et de l'instauration d'une culture de bonne gouvernance. En considération de l'importance extrême qui revêt le droit d'accès à l'information dans l'approfondissement de la démocratie, tant au niveau des valeurs, des principes que des pratiques, le projet de loi relative au droit d'accès à l'information vient traduire de manière pratique et concrète la mise en œuvre des dispositions de la Constitution et de ce que celles-ci prévoient sur le plan juridique et institutionnel, ainsi que la volonté politique affirmée qui répond aux besoins exprimés par l'évolution quantitative et qualitative de l'administration et de la société. Cette loi contribuera pour une large part à l'instauration de l'Etat de droit et au renforcement de l'édifice législatif et à la consolidation des autres constituants juridiques posés par le Maroc sur cette voie, comme la promulgation d'une loi qui oblige les administrations publiques et les collectivités locales à justifier leurs décisions administratives, d'une loi qui protège les personnes physiques contre le traitement des données personnelles, la mise en place des institutions des archives, de l'intermédiation, du Conseil national des Droits de l'Homme et de l'instance centrale de prévention de la corruption. Ce texte juridique contribue à la vulgarisation et au renforcement des règles d'ouverture et de transparence, de la confiance au niveau de la relation entre l'administration et les usagers, de la consolidation de la démocratie participative, de l'instauration de mesures à même de moraliser la garantie de la crédibilité et de l'impartialité dans la gestion de la chose publique. Il aidera les citoyens à comprendre les mesures et procédures administratives, à protéger leurs droits et, partant, à développer chez eux la conscience juridique et administrative, et ce, en outre que l'accès à l'information qu'il permet a une portée en tant que facteur d'attraction de l'investissement et de dynamisation de l'économie. Le projet de loi relative au droit à l'accès à l'information dispose, en son article 2, que tout citoyen, citoyenne et personne morale, assujettis au droit marocain, a le droit d'accès à l'information et aux documents détenus par les instances concernées, et ce, conformément aux dispositions de la loi. Ces instances concernées sont définies à l'article premier comme étant : - Les administrations publiques ; - Les établissements publics ; - Les collectivités territoriales ; - Le parlement ; - L'institution de la justice ; - Toute instance soumise au droit public ; - Toute instance contrôlée ou financée par les instances sus-mentionnées ; - Toute entreprise relevant du secteur public ou privé en charge d'un service public. Le même article premier définit la «personne en charge» comme le fonctionnaire ou l'employé désigné par l'instance concernée pour recevoir les demandes d'accès à l'information et de mettre celle-ci à disposition, et en cas de non désignation de la personne en charge ou de son absence, le président de cette instance est considéré comme la personne en charge. L'article 3 prévoit qu'il est possible, sans porter atteinte au service public et aux services particuliers aux personnes, de réutiliser les informations publiées, ou remises par les instances concernées. Le dépôt des documents administratifs remis à «Archives du Maroc», comprenant les informations demandées, n'est pas considéré comme interdisant le droit d'y accéder. Toute instance concernée doit désigner une ou plusieurs personnes en charge, en tant qu'interlocuteurs officiels, de la tâche de recevoir les demandes d'accès à l'information, de mettre à disposition les informations demandées et d'aider à la formulation des demandes d'accès à l'information en cas de besoin. La personne en charge doit justifier le refus total ou partiel d'accès à l'information par une réponse écrite remise ou adressée au demandeur dans les cas suivants : - Non disponibilité des informations demandées ; - Les informations entrant dans le cadre des exceptions mentionnées à l'article 19 de la loi, la réponse doit, dans ces cas, mentionner l'exception ou les exceptions visées ; - Les informations demandées sont publiées et mises à la disposition du public. Dans ce cas, la réponse doit comprendre la référence et le lieu où il est possible d'accéder à l'information demandée ; - Les demandes exagérées de manière évidente ou réitérées plus de deux fois, durant la même année, émises par le même demandeur et concernant les mêmes informations ; - Les informations demandées non claires. La réponse doit contenir la mention relative au droit du demandeur de s'opposer à la décision de refus de la demande d'information. Les instances concernées sont tenues, au titre de l'article 7 de la loi, de publier le maximum d'informations qu'elles détiennent et ne portant pas sur les exceptions, et ce, par tout moyen de publication, et en particulier : - Les textes juridiques et réglementaires qui les concernent, les projets et propositions de lois ; - Leurs missions et structures administratives et les informations en vue d'une prise de contact avec elles ; - Les services qu'elles fournissent aux citoyens et aux usagers, les procédures y afférentes, en sus des bilans de ces services ; - Les agréments, permis et autorisations d'exploitation ; - Les voies de recours mises les à la disposition des usagers ; - Les droits et les obligations du citoyen envers l'instance concernée. Les offres d'emploi et les listes des bénéficiaires ; - Règlements, procédures, notes, circulaires et pièces justificatives conservés par les instances concernées ou utilisés par leurs fonctionnaires ou employés pour s'acquitter de leurs tâches ; - Rapports, programmes, communiqués et études ; - Travaux préparatoires liés à l'opération de prise de décision, y compris les rôles des inspections et des instances de contrôle. - Evénements importants en relation avec les décisions générales et les politiques qui ont un impact sur les citoyens, aussitôt qu'elles deviennent publiques ; - La nature des informations conservées par l'instance concernée avec mention des documents électroniques disponibles ; - Leurs budgets et tous les programmes d'aides financières ; - Projet de loi de finances et documents l'accompagnant et lettres de cadrage des budgets ; - Budgets des comptes privés de l'Etat et des finances locales ; - Budget citoyen et budgets ouverts ; - Marchés publics, leurs résultats et les listes des bénéficiaires de ces marchés ; - Les informations qui garantissent la saine et loyale concurrence et l'égalité des chances ; - Les statistiques économiques et sociales, y compris les données détaillées et anonymes, les recherches pratiques et les recensements de la population, de l'habitat et des entreprises. Les instances concernées doivent publier les informations mises à disposition en réponse aux demandes sur leurs sites électroniques ou d'autres sites. Procédures d'accès à l'information L'accès à l'information s'effectue sur la base d'une demande formulée par l'intéressé directement, contre un récépissé que lui remet la personne en charge, et dans laquelle sont clairement détaillées les informations qu'il désir obtenir. La demande d'information peut être adressée par voie postale avec accusé de réception ou voie électronique contre avis de réception. Les modèles de demande, du récépissé et leurs contenus seront déterminés par voie réglementaire. Toute personne qui est dans l'incapacité de présenter une demande d'information peut la faire par voie orale que la personne en charge enregistre suivant le modèle de demande requis et dont il remet une copie à la personne intéressée. Selon l'article 13, la personne en charge doit répondre à la demande d'accès à l'information dans un délai qui ne dépasse pas 15 jours et qui prend effet à la date de la remise de la demande. Ce délai peut-être prorogé de 15 jours supplémentaires si la personne en charge ne peut pas répondre totalement ou partiellement à la demande de l'intéressé dans le premier délai et que cette demande porte sur un grand nombre de documents, ou que celle-ci nécessite de recourir à conseil d'autrui avant la remise des informations demandées. La personne en charge est tenue d'informer au préalable l'intéressé sur cette prorogation du délai par écrit ou par voie électronique en lui précisant le délai nécessité par la réponse. Le modèle de la réponse à formuler à la demande ainsi que son contenu seront précisées par voie réglementaire. La personne en charge doit répondre à la demande d'information dans un délai de deux jours ouvrables dans les cas d'urgence où l'obtention des informations est nécessaire pour la protection d'une personne ou sa liberté. La mise à disposition des informations est gratuite. Cependant, il peut être requis du demandeur de supporter les frais de reproduction et d'envoi des informations suivant la tarification des services publics, les lois et réglementations en vigueur. Si la personne en charge se rend compte que les informations demandées ne sont pas disponibles auprès de l'instance de laquelle il dépend, et qu'elles sont détenues par une autre instance, celle-ci doit adresser la demande à cette dernière instance, dans un délai de 5 jours ouvrables, et ce, en informant la personne intéressée par écrit ou par voie de courrier électronique. Dans ce cas, le délai mentionné à l'article 13 prend effet à partir de la date de réception de la demande par la deuxième instance. Si cette instance ne dispose pas des informations demandées et qu'elle ne sait pas quelle autre instance détient ces informations, elle doit le notifier à la personne intéressée. Si la personne qui sollicite l'accès à l'information n'est pas satisfaite du traitement réservé à sa demande et, avant le recours auprès de la Commission nationale de garantie du droit d'accès à l'information prévue à l'article 23, elle peut présenter une plainte au président de l'instance concernée dans un délai de 60 jours suivant la présentation de sa demande. Le président de l'instance doit examiner la plainte et informer la personne qui l'a formulée de la décision prise à son sujet dans un délai de 30 jours à partir de la date de sa remise. Le modèle de la plainte et son contenu seront déterminés par voie réglementaire. Si la personne qui sollicite l'accès à l'information n'est pas satisfaite du traitement réservé à sa demande, ou à sa plainte adressée au président de l'instance concernée, elle peut formuler une plainte à la Commission nationale de garantie d'accès à l'information mentionnée à l'article 23. Si cette personne n'est pas satisfaite du traitement de sa demande par cette commission, elle peut se pourvoir devant la justice.