par Abdelkrim BELGUENDOUZ, Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migrations Relevons tout d'abord que dans la perspective d'établir un système européen de réadmission, la Commission européenne a adopté une approche standard en matière de négociation de la réadmission avec les pays tiers, utilisant en quelque sorte un modèle type, proposé à tous les processus de négociation avec les pays concernés. Précisons ici que les négociations menées par l'Union européenne ont pour l'instant débouché sur l'entrée en vigueur (date indiquée) de onze accords de réadmission: Albanie (1er mai 2006), Bosnie Herzegovine (1er janvier 2008), Arym (1er janvier 2008), Hong Kong (1er mai 2006), Macaco (1er janvier 2006), Moldavie (1er janvier 2008), Monténégro (1er janvier 2008), Russie (1er juin 2007), Serbie (1er janvier 2008), Sri Lanka (1er mai 2006), Ukraine (1er janvier 2008). A celà, il faut ajouter la signature, le 26 octobre 2009, d'un accord avec le Pakistan, ratifié le 1er décembre 2010 et la signature avec la Géorgie d'un accord le 22 novembre 2010. L'accord avec le Turquie a été paraphé le 21 juin 2012. La célérité d'abord Présentée comme une procédure administrative et opérationnelle, la réadmission concerne l'éloignement rapide d'étrangers considérés comme non autorisés. Sont concernés non seulement les ressortissants des parties contractantes à un accord, mais aussi les ressortissants de pays-tiers ainsi que les apatrides ayant transité sur le territoire des parties contractantes. Ce qui est recherché dans le projet d'accord euro-marocain, c'est la célérité et l'efficacité de la réadmission d'abord des nationaux marocains, qui ne doit souffrir aucune entrave de procédure par les consulats marocains, aussi bien pour ceux entrés illégalement, que pour les personnes qui ne répondent plus aux critères fixés par la législation en cours concernant le séjour dans les pays européens d'immigration. Marocains et étrangers en transit par le Maroc Dans la « Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier » en date de 2002, la Commission européenne précise que les accords de réadmission visent à faciliter l'éloignement « des personnes qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus, les conditions d'entrée, de présence ou de séjour dans l'Etat requérant ». Cependant, le projet d'accord de réadmission que l'Union européenne s'est fixée de faire entériner par le Maroc, concerne également la réadmission de ressortissants de pays tiers ou même d'apatrides « qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour en vigueur sur l'Etat membre requérant, lorsqu'il est établi ou valablement présumé, sur la base du commencement de preuve fournie que ces personnes : a) sont en possession d'un visa ou d'un permis de séjour en cours de validité par le Maroc, ou b) sont entrés sur le territoire des Etats membres de manière illégale en provenance du territoire du Maroc ». (alinéa 1 de l'article 3 du projet d'accord de réadmission Ue-Maroc). Dans ce cas, la même procédure de délivrance des documents de voyage que pour les ressortissants marocains doit être suivie par le Maroc, sinon l'UE lui imposera un document type de voyage aux fins d'expulsion vers le Maroc. Accords en chaîne Précisons ici, que selon l'article 13 du projet d'accord décrivant la procédure de transit, celui-ci peut ne pas se limiter au Maroc, mais aller jusqu'à la frontière de l'Etat de destination finale. Ceci sous entend que l'UE (ou bien le Maroc avec l'aide de l'UE) va, dans le cadre d'un « réseau », établir des accords de « libre-échange » particuliers, à l'intérieur de la zone migratoire potentielle pour pouvoir organiser le transit. Deux situations pour le Maroc peuvent se présenter : - « si le transit est effectué par voie aérienne, la personne à remettre et les escortes éventuelles sont exemptées du devoir d'obtention d'un visa de transit d'aéroport »; - « si le transit est effectué par d'autres voies, les autorités compétentes de l'Etat requis, (le Maroc), sous réserve des consultations mutuelles, soutiennent le transit, notamment par la surveillance des personnes en question et la mise à disposition d'équipements appropriés à cet effet ». Ceci signifie que cet accord va demander la mise en place de centres de rétention pour abriter ces irréguliers. Il s'agit aussi de sécuriser ces camps, de permettre l'identification des refoulés et d'assurer les prestations requises en matière de santé, d'accompagnement psychologique, d'aide juridique et de traduction. Comme le précise l'hebdomadaire marocain « La Nouvelle Tribune » daté du 21 octobre 2010 et à titre d'exemple : « La ville d'Oujda pourrait devenir un « hub régional », une sorte de plateforme... logistique, dotée d'infrastructures tels que des lieux d'hébergement, centres hospitaliers ou encore d'espaces dédiés aux enfants. Histoire d'humaniser l'accueil et le transfert de miltiers d'hommes et de femmes ». Après avoir vu à quelles obligations le projet d'accord communautaire de réadmission de l'UE soumet le Maroc, concentrons nous sur le fait de savoir ce qui a retardé sa conclusion, sachant que depuis 2008, il fait désormais partie du package relatif au « statut avancé ». En effet, lors du septième Conseil d'association UE-Maroc tenu à Luxembourg le 13 octobre 2008, une formulation attire l'attention dans la Déclaration de l'UE sur le statut avancé accordé au Maroc. Dans le point 26 de ce document, il est mentionné que l'approfondissement du dialogue bilatéral pour la concrétisation de ce statut avancé, est conditionné par la nécessaire signature par le Maroc de l'accord de réadmission avec l'UE. En clair, tant que l'accord de réadmission n'est pas signé, il ne peut y avoir de possibilité de développement de la coopération... Demain : III- Pourquoi le Maroc a refusé jusqu'ici de signer l'accord de réadmission