Le 19ème Salon International de l'Edition et du Livre (SIEL) se déroulera du 29 mars au 7 avril 2013 à Casablanca. Lors de ses précédentes 19 éditions, jamais le Salon ne s'est préoccupé de culture et d'édition sportives. Comme si le sport ne relevait pas de la culture ou n'était pas un phénomène culturel, capable d'expliquer un corps social, à travers ses acquis et ses travers. Personne n'est parfait et n'est-ce pas là une valeur sportive qui fait qu'on gagne ou qu'on perde, sans que cela n'affecte le sport dans sa continuité, sa dialectique... Pourtant, en matière d'édition, le livre a, depuis longtemps, relaté le sport pour le restituer sous plusieurs facettes, de manière pluridisciplinaire, y compris en philosophie ou en sociologie. D'ailleurs, ce sont les sociologues qui ont travaillé et réussi à débarrasser le sport de la gangrène, qui en a sali l'image et failli le mettre à l'agonie : la violence ! A cet égard, l'exemple anglais est plus que symptomatique, car on a réussi à éradiquer le hooliganisme, en allant jusqu'à changer les habitudes de l'affluence et de la fréquentation des stades. Le stade conçu comme une tribu, un village voire même une micro-société, traversés par des enjeux de pouvoir. On peut lire à ce propos, l'œuvre prolifique de Christian Bromberger ou l'Algérien Fates, portant sur le stade et le football. Au Maroc, des livres existent, certains sont bons et participent à l'enrichissement de l'imaginaire et de l'Histoire sportifs, avec nos stars, de Radi, Larbi Benbarek, Mahjoub à ceux qui ont intégré la Planète des stars, les Trois Mousquetaires en tennis, les médaillés des JO en athlétisme, etc. La légitimation de la production sportive existe, elle est réelle et a séduit quelques uns de nos intellectuels, dont Mohamed Aziz Lahbabi, supporter du MAS, Abdelkbir Khatibi, du DHJ, Abdallah Laroui, Nouredine Saïl, etc. Mais peu de nos intellectuels ont empiété le pas à Albert Camus, qui disait que : « Tout ce que j'ai appris de la morale, c'est au football que je le dois », Heidegger, fanatique du kaiser Franz Beckenbauer, Umberto Eco, Roland Barthes sur le catch et toute la collectivité des gens de l'esprit qui, en Amérique Latine, ne sont reconnus et appréciés que s'ils font révérence à ces héros modernes, élevés au rang de mythes, Garincha, Pelé, Maradona, le Dr Socrates et tant d'autres dont la vie et le parcours sont narrés, sur les espaces publics, par les troubadours de l'Histoire orale populaire. Au SIEL, on semble peu sensible aux questions sportives, qui traversent notre société jusqu'à mettre en péril, l'ordre public et la tranquillité des gens, dans un réel orphelin de véritables loisirs et d'espaces ludiques. Est-ce dû à la démission des intellectuels et du peu de crédit (pécuniaire aussi!) accordé au sport, perçu comme moyen de camouflage et « opium du peuple »? La question, plutôt que de la réduire à sa dimension caricaturale est non moins signifiante, quand on voit le nombre de séminaires, de colloques et de tables rondes qui prolifèrent et qui ont pour thème le sport. Balandier avait travaillé sur la dimension anthropologique du Colloque, dont il a analysé tous les aspects, son espace, sa temporalité, ses animateurs, ses préoccupations idéologiques et son insignifiance au niveau de la pratique. Il a même fait état d'une maladie qu'attrapent les colloqueurs et qu'il a nommée la colloquite! Au Maroc, on continue, après des années de colloquisme, à nourrir cette illusion que le colloque peut solutionner la crise du sport. A travers des recommandations, souvent hors-jeu (merci l'arbitrage!) et qui ne valent que par leur complexité, dans une société pauvre en enquêtes de terrains et généreusement assoiffée de conclusions empiriques. Le peu d'intérêt accordé à la culture sportive -ici à travers le livre et le SIEL- se répercute négativement sur la dynamique sociale secrétée par le stade, lequel stade se venge quand on s'en soucie peu. On ne vit pas que de pain, n'est-ce pas, il y a aussi la culture du sport!