Hugo Chavez est mort. Le vice-président du pays, Nicolas Maduro, l'a annoncé mardi 5 mars dans la soirée. «Nous avons reçu l'information la plus éprouvante et la plus tragique que nous puissions annoncer à notre peuple. A 16H25 (20H55 GMT) aujourd'hui 5 mars, est mort notre commandant président Hugo Chavez Frias après avoir combattu avec acharnement une maladie depuis presque deux ans», a déclaré M. Maduro, au bord des larmes. Atteint d'un cancer dans la région pelvienne depuis 2011, le président vénézuélien était au pouvoir depuis 1999. Le leader de la révolution bolivarienne a été opéré à quatre reprises depuis l'annonce de sa maladie, mais son état s'était fortement dégradé ces derniers jours. Une page se tourne pour le Vénézuela. Retour sur l'arrangeur de foule, populiste pour certains ; homme fort et charismatique pour d'autres. Les autorités ont décrété sept jours de deuil et des funérailles nationales sont prévues pour vendredi. Réduit au silence au cours des trois mois qu'a duré son agonie, Hugo Chavez, qui était aussi le chef de file de la gauche latino-américaine, n'a pas pu prendre congé de ses compatriotes, mais il avait préparé sa succession en chargeant le vice-président d'assurer la transition et de se présenter en tant que candidat du parti socialiste au pouvoir en cas d'élection. «Nous allons être les dignes héritiers d'un géant», a d'ailleurs assuré Nicolas Maduro, au bord des larmes. Le ministre des Affaires étrangères Elias Jaua a confirmé que M. Maduro assurerait l'intérim à la tête de l'Etat et qu'une élection présidentielle aurait lieu dans les 30 jours, conformément aux instructions laissées par Hugo Chavez. Toutefois, sur la transition, les interprétations de la Constitution divergent entre le gouvernement et la plupart des opposants, qui réclament que l'intérim soit assuré par le président de l'Assemblée nationale Diosdado Cabello et non par le vice-président. Appels au calme Chantre exubérant et charismatique d'un «socialisme du XXIe siècle» sous perfusion des plus importantes réserves de pétrole mondiales, Hugo Chavez, ancien lieutenant-colonel parachutiste, était au pouvoir depuis 1999. Si son parcours politique est vierge de toute défaite dans les urnes, son siège avait vacillé pendant quelques heures au moment d'une tentative de coup d'Etat finalement déjouée en 2002. Peu après l'annonce de son décès, Caracas a été plongée dans un silence pesant. De nombreux commerces et l'ensemble des transports publics ont immédiatement cessé de fonctionner, tandis que des centaines de partisans du «comandante», visiblement incrédules, sont spontanément sortis dans la rue. Devant l'hôpital militaire de la capitale où il était soigné, plusieurs centaines de personnes ont improvisé une manifestation, brandissant son portrait et scandant des slogans à sa gloire. «Chavez au panthéon!», «Nous sommes tous Chavez!», criaient certains. 15 ans à la tête du Venezuela «Cet homme nous a appris à aimer notre patrie, le commandant part physiquement, mais reste dans nos coeurs», a réagi Francis Izquierdo, une employée municipale. Le vice-président Nicolas Maduro a lancé plusieurs appels au calme et souligné que l'armée et la police avaient été déployées «pour accompagner et protéger notre peuple et garantir la paix». Le ministre de la Défense Diego Molero a, quant à lui, déclaré que les forces armées restaient «unies pour respecter et faire respecter la Constitution». Un responsable militaire de haut rang, le général Wilmer Barrientos, a ensuite affirmé qu'»une situation pleinement normale» régnait au Venezuela. «Si le gouvernement a la capacité d'organiser l'élection même avant un mois, il le fera», a estimé l'observateur politique Luis Vicente Leon. «Le plus tôt sera le mieux, il va profiter électoralement de l'émotion provoquée par la mort du président», a encore prédit l'analyste. Pour ce scrutin anticipé, M. Maduro sera probablement opposé au gouverneur Henrique Capriles, 40 ans, battu par Hugo Chavez en octobre et qui a appelé devant la presse le gouvernement à respecter ses «devoirs constitutionnels», disant en outre que le défunt chef de l'Etat avait été pour lui un «adversaire» et non «un ennemi». Hugo Chavez luttait depuis juin 2011 contre un cancer dans la zone pelvienne. Après plus de deux mois d'hospitalisation à Cuba, il était rentré par surprise à Caracas le 18 février, mais n'avait ni été vu ni entendu publiquement depuis cette date. Le Venezuela vivait ces derniers temps au rythme des rumeurs et des démentis autour de la santé du président, le gouvernement affirmant qu'il continuait de diriger le pays, l'opposition réclamant des informations claires. Hugo Chavez, né en 1954 de parents enseignants et élevé par sa grand-mère, avait été réélu pour un nouveau mandat de six ans, le 7 octobre 2012. Le 10 janvier, il n'avait pas été en mesure de prêter serment et son investiture avait été repoussée sine die par le gouvernement, une décision avalisée par le Tribunal suprême de justice (TSJ), mais contestée par l'opposition. Trois jours de deuil national à Cuba La nouvelle de sa mort a été rapidement commentée à l'extérieur du Venezuela. Brasilia a évoqué «la perte d'un ami», le président bolivien Evo Morales s'est dit «anéanti» cependant que Barack Obama a espéré des «relations constructives» à l'avenir avec Caracas. M. Morales et d'autres présidents de gauche, l'Uruguayen José Mujica et l'Argentine Christina Kirchner, étaient attendus dans les prochaines heures au Venezuela. Cuba, pays sous perfusion des pétro-dollars vénézuéliens, a décrété trois jours de deuil national et rappelé les liens très étroits qui unissaient Fidel Castro et son héritier politique. «Le président Chavez a été un grand leader du Venezuela ainsi qu'un grand ami du peuple chinois», a noté Mme Hua Chunying, porte-parole de la diplomatie chinoise. «C'était un homme hors du commun et fort, qui regardait vers l'avenir et qui était toujours extrêmement exigeant envers lui-même», a dit de lui le président russe Vladimir Poutine. «C'est en réalité un martyr pour avoir servi son peuple et protégé les valeurs humaines et révolutionnaires», a commenté le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, affirmant qu'il avait succombé à «une maladie suspecte». «Chavez a toujours soutenu les droits légitimes arabes, y compris face au complot contre la Syrie et il avait à maintes reprises exprimé sa solidarité avec la direction et le peuple syriens face à l'attaque impérialiste sauvage», a écrit l'agence officielle de presse syrienne Sana.