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Etude: Le transport maritime, un secteur en perte de vitesse Des acteurs au bord du naufrage
Des capacités portuaires bien plus importantes que la demande actuelle
Point de passage de la quasi-totalité du commerce extérieur (près de 95%), le système portuaire marocain constitue un levier important du développement économique et social du pays. C'est ce qu'indique l'Observatoire de l'Entrepreneuriat dans sa nouvelle étude sectorielle sur le transport maritime qu'il vient de rendre publique. Le point sur les principales conclusions de cette étude. Grâce aux efforts considérables consentis durant les années 80 pour, d'une part, construire de nouveaux ports à Agadir, à Jorf Lasfar et à Tanger puis, et, d'autre part, pour agrandir les ports existants, le Maroc dispose aujourd'hui d'un ensemble portuaire plus complet et mieux équilibré. Ainsi, poursuit la même source, le Royaume totaliserait une quarantaine de ports répartis sur les côtes atlantique et méditerranéenne. - 13 ports ouverts au commerce extérieur (Nador, Al Hoceima, Tanger Med I, Tanger Med II, Kénitra, Mohammédia, Casablanca, Jorf Lasfar, Safi, Agadir, Tan-Tan, Laâyoune et Dakhla). - 10 ports de pêche à vocation régionale (Ras Kebdana, El Jebha, M'diq, Larache, Mehdia, El Jadida, Essaouira, Sidi Ifni, Tarfaya et Boujdour). - 9 ports de pêche à vocation locale (Cala Iris, Sidi Hssaine, Chmaala, Fnideq, Ksar Sghir, Assilah, Salé, Souiria Lakdima et Imesouane). - 7 ports de plaisance (Saidia, Kabila, Marina Smir, Bouregreg, Sables d'or, Marina d'Agadir et Tanger-ville). L'entrée en service de « Tanger-Med II» au second semestre de 2014 porterait les capacités opérationnelle et théorique des ports de commerce nationaux à respectivement 200 et 243 millions de tonnes. En outre, ces infrastructures se caractérisent par leur spécialisation. A titre d'illustration, le port de Mohammedia est essentiellement dédié à l'import des hydrocarbures, tandis que ceux de Jorf Lasfar, Safi et Laâyoune assurent l'export du phosphate. S'agissant du trafic domestique de conteneurs, le port de Casablanca demeure la plate-forme la plus sollicitée. Parallèlement, l'essentiel du trafic « passagers » transite par les ports de Nador et de Tanger, alors que celui de Dakhla est principalement destiné à la pêche. Enfin, Tanger Med a fortement contribué au renforcement de la position du Maroc dans le marché du transbordement dans le bassin méditerranéen. Tanger Med, Casablanca et le vrac solide drainent l'essentiel du trafic En 2011, le volume global du trafic portuaire ne s'est accru que de 4,1%, à plus de 96 millions de tonnes, contre une performance de 30% l'année précédente, selon l'ANP. L'activité de transbordement à Tanger Med, s'étant renforcée de 10,2%, aurait capturé l'essentiel de cette croissance, aussi modeste soit-elle. Le trafic domestique (import/export) a, pour sa part, atteint 73,8 millions de tonnes, en légère hausse de 2,4 % par rapport à 2010. Ce chiffre renferme une progression de 4,1% des importations et un recul de 0,4 % des exportations, mais révèle surtout un important déséquilibre. En effet, par catégorie de marchandises, le trafic de marchandises générales et de vracs liquides est plus élevé à l'import qu'à l'export. Quant aux vracs solides et aux agrumes / primeurs, c'est le phénomène inverse qui se produit de plus. La ventilation de ce trafic domestique par conditionnement fait ressortir la prédominance du vrac solide qui représente 51%. Il s'agit essentiellement des phosphates, céréales, souffre, engrais et charbons. Le vrac liquide vient en deuxième position et les conteneurs bouclent le trio de tête. Le reste est constitué de marchandises diverses. Enfin, le trafic des passagers s'est élevé à 05millions de passagers (y compris 5301 croisiéristes), soit une baisse de 4,6% par rapport à 2010. En somme, les différentes activités ont souffert de la conjoncture économique et de plus de trois mois de tensions sociales mettant aux prises les deux sociétés concessionnaires de Tanger Med (APM Terminals & Eurogate) et l'Union Marocaine du Travail (UMT). Par ailleurs, la structure des trafics domestiques traités par l'ensemble des ports du Maroc place, par ordre d'importance, ceux de Casablanca, Jorf Lasfar et Mohammedia en tête de peloton. Une mainmise des compagnies étrangères sur l'activité En dépit du contexte actuel peu favorable, toujours selon la même source, le chiffre d'affaires du transport maritime a, à l'échelle nationale et pour la première fois dans l'histoire, dépassé la barre des 20 milliards de DH. L'activité a en effet généré en 2011 près de 21,6 milliards de DH au titre de la facture du fret maritime, en croissance annuelle moyenne de 6% depuis 2007. Toutefois, et à y voir de plus près, 79,2% de ce montant est versé aux armateurs étrangers qui ne sont pas installés au Maroc ou naviguent sous les pavillons de libre immatriculation, également dits de complaisance. De plus, la part réalisée par les opérateurs nationaux (20,8%) s'est inscrite en recul de 5,3 points de pourcentage entre 2009 et 2011, avec un chiffre d'affaires stagnant de 5 milliards de DH, alors que les dépenses payées aux armateurs étrangers ont progressé de 35,7% sur la même période, à plus de 17 milliards de DH. Le déficit de la balance des paiements du transport maritime continue ainsi de se creuser et se serait même établi en 2011 à près de 13 milliards de DH. Cette donne témoigne de l'agressivité de l'armement étranger, du développement accru des régimes de libre immatriculation et, surtout, de l'absence de taille critique pour la majorité des intervenants domestiques qui, de surcroît, continuent de pâtir d'un taux de retour des conteneur1 insuffisant. Aujourd'hui, les armateurs marocains assureraient donc moins de 10% des échanges extérieurs du Royaume alors qu'ils s'en adjugeaient près de 30% durant les années 1980. Ce pourcentage remonterait à presque 50% pour le trafic dans le détroit de Gibraltar. Leur taux de participation au transport de passagers est par contre plus élevé (pratiquement les 2/3). Jamais l'armement national sous pavillon marocain n'a été aussi faible Cette situation est aussi la conséquence de l'affaiblissement continu de la flotte domestique, fret et passagers, qui s'est comprimée d'une quarantaine de navires en l'espace d'un peu plus d'une vingtaine d'années. En effet, durant l'année 1987 et sous l'impulsion du code d'investissement maritime, l'armement marocain, détenu à l'époque par une vingtaine de compagnies, se composait de 66 bâtiments de transport avec une capacité de chargement de 660 000 tonnes. Le Royaume s`était même prévalu du titre de nation maritime de par les compétences de ses ressources humaines et l'importance de sa flotte. Aujourd'hui, après la suppression des mesures incitatives et outre les navires en affrètement, le pays n'en compterait que 23, avec une capacité de chargement de moins de 100 000 tonnes (soit 91 38 tpl). Il est à noter que les groupes IMTC (7 navires sous pavillon marocain) et Comarit Comanav Ferry (11 navires sous pavillon marocain) restent les principaux transporteurs locaux. Ce déclin, ponctué tant par la disparition d'armements nationaux comme Marphocean, Petramar et Reduan Ferry que par le resserrement du nombre de compagnies marocaines (une dizaine désormais), est notamment imputable au vieillissement important de la flotte, au processus de dépavillonnement ou de cession d'actifs jugés non stratégiques entrepris par CMA-CGM, MSC Maroc et Ex Maris entre autres, mais aussi aux erreurs de management et déboires financiers de bon nombre d'intervenants. La libéralisation mal maîtrisée éclabousse le reste Au moment où l'accompagnement direct fait défaut... L'état critique du secteur couve depuis longtemps. Aujourd'hui, il éclate au grand jour dans le sillage des récents conflits sociaux et de la crise née, il y a quelques mois, des saisies de navires marocains dans des ports européens. Sur le plan institutionnel, cette situation est surtout le fruit d'une libéralisation mal conduite, d'une législation inadaptée et d'une fiscalité jugée pénalisante. En effet, après une politique de promotion du pavillon pendant les années 70-80, le pays a libéralisé en 2007 son trafic maritime à l'ensemble des compagnies maritimes installées au Maroc ou pas (open sea). Cette libéralisation, soldée par l'anéantissement graduel des avantages précédemment acquis et la privatisation de la Comanav (vendue en 2007 à CMA-CGM), puis consacrée par l'abrogation en 2010 du dahir de 1962 portant organisation des transports maritimes, n'inclut aucune réciprocité pour le pavillon national dans les pays dont les flottes opèrent désormais librement au Maroc. En somme, elle profite essentiellement aux armateurs étrangers sans qu'aucune réelle mesure d'accompagnement n'ait été accordée aux intervenants marocains. Par ailleurs, le droit applicable au domaine maritime est toujours constitué de textes datant de 1919, ne permettant pas à l'armement marocain d'être flexible au niveau de la nationalité des bateaux, du financement des navires (leasing, affrètement coque nue, etc.) et de la gestion des gens de mer. Les diverses tentatives de modernisation de cet arsenal législatif n'ont jamais abouti. S'agissant du volet fiscal, le secteur continue d'être régi par un régime empêchant toute concurrence saine et loyale. D'une part, les navires étrangers ne paient aucun impôt au Trésor marocain quelle que soit la taille de l'entreprise et quel que soit le montant de son bénéfice. D'autre part, les opérateurs marocains sont imposés non pas en fonction du tonnage des navires qu'ils exploitent, à l'instar de plusieurs pays, mais plutôt en fonction des bénéfices qu'ils réalisent. Toujours dans le même ordre d'idées, le marché de l'affrètement de navires est assez insignifiant au Maroc en raison de la retenue à la source de 10% sur les redevances versées par les affréteurs marocains aux armateurs étrangers. Dernier point et non des moindres, les coûts d'assurance pour les navires marocains seraient supérieurs à ceux supportés par les concurrents internationaux. Ce surcoût serait engendré par le commissionnement des courtiers locaux pour la couverture de risques non garantis à leur niveau et faisant généralement l'objet d'appels d'offres internationaux. C'est notamment le cas de l'assurance « corps et machines » qui couvre les navires contre les dommages et pertes en tous genres. ... le soutien indirect est plutôt substantiel Tous ces écueils ne doivent pas masquer les efforts, cette fois-ci indirects, consentis par les pouvoirs publics pour soutenir la demande adressée au secteur et lui offrir de nouvelles opportunités d'affaires, notamment via le maintien de la cadence des investissements portuaires. Le dernier indice de connectivité des transports maritimes réguliers de la CNUCED abonde bien dans ce sens. Il révèle que le classement du Maroc s'est amélioré de 59 places entre 2007 et 2011. Le Royaume a bondi de la 77ème à la 18ème position mondiale, devançant l'Afrique du Sud et l'Egypte. Ce niveau de performance s'en trouverait nettement amélioré par la stratégie portuaire devant être adoptée au cours des deux prochaines décennies. Près de 60 milliards de DH devraient ainsi être investis, afin de porter la capacité de tonnage du pays à 370 millions de tonnes d'ici 2030, et six grands pôles portuaires devraient être développés. Sur un tout autre registre, force est de noter que le Maroc a décliné, ces dernières années, une kyrielle de politiques sectorielles. Le pacte « Emergence», « Maroc vert » et « Halieutis » sont en définitive autant de chantiers dont la conjugaison, s'ils sont bien menés, aurait des retombées non négligeables sur le taux de remplissage des armateurs marocains. Des acteurs au bord du naufrage ? Les MRE au centre des convoitises, mais la conjoncture difficile et le low cost font tache Conscientes du chiffre d'affaires généré par les MRE lors des opérations-transit estivales et confortées par le capital « sympathie » dont elles jouissent auprès de ces mêmes ressortissants, les compagnies marocaines Comarit, IMTC et Frs Maroc se sont longtemps rivalisées pour se positionner sur le détroit et se concentrer sur le transport maritime de voyageurs. Avant la crise actuelle, Comarit opérait sur un peu moins d'une dizaine de lignes maritimes partant de Tanger Med, Tanger-ville, Nador et El Hoceima à destination d'Algésiras, Sète, Gène, Tarifa et Almeria. Elle détenait même un quasi-monopole sur les liaisons Tanger-Sète et Nador-Sète. IMTC et Frs Maroc desservaient pour leur part respectivement les lignes Tanger-Algésiras et Tanger-Tarifa. Toutefois, les tensions sur les charges et la concurrence de plus en plus rude, notamment du low-cost aérien, n'ont pas manqué d'entacher les bénéfices des armateurs marocains sur ce créneau bien particulier qui risque de basculer inéluctablement vers des compagnies étrangères. Des bévues managériales aux conséquences préjudiciables De mauvais choix de gestion ont englué quelques compagnies marocaines, et non des moindres, dans un endettement croissant. Le cas du groupe Comarit-Comanav ferry en est le plus flagrant. En effet, et dans un laps de temps assez réduit, Comarit a multiplié les investissements sans l'assurance d'une certaine synergie d'ensemble. Le rachat en 2008 des parts de son capital auprès de Fred Olsen, la prise de contrôle en 2009 de Comanav ferry, la construction d'un nouveau siège à Tanger et l'acquisition en 2010 de deux navires auraient sérieusement altéré sa stabilité financière. Aujourd'hui, son cumul d'arriérés de frais d'amarrage, de factures de combustible et d'entretien naval, puis son non règlement de redevances envers l'administration des douanes, la CNSS et différentes autorités portuaires au Maroc et à l'étranger, font craindre un effet domino sur le reste de la flotte nationale. Un groupement pour la dernière chance A la lumière de tous ces faits, un groupement, baptisé réseau des associations Maritimes et portuaires du Maroc (RAMPM), a dernièrement vu le jour afin de défendre au mieux les revendications des acteurs du secteur et de quémander la signature d'un contrat-programme avec l'Etat. Sur le plan fiscal, le RAMPM souhaite l'instauration de la taxe au tonnage et la défiscalisation de la redevance de leasing et des frais d'affrètement des navires de commerce. Au niveau législatif, il milite pour l'adoption d'un nouveau code du commerce maritime, la création d'un pavillon Bis ou de complaisance et la mise en place d'une législation incitative à l'investissement à l'instar du code des investissements du dahir de 1973. Le réseau vise, par ce biais, à atteindre 35% de parts de marché pour les entreprises nationales à l'horizon 2017. Il ambitionne également de disposer d'une flotte marchande nationale comptant 50 navires (dont au moins 5 vraquiers, 5 pétroliers et chimiquiers) avec une capacité de chargement de 500 000 tonnes. Enfin, il compte attirer des investissements de plus de 18 milliards de DH.