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Une recherche de l'université de Liége
Faut-il bannir l'huile de palme de l'alimentation
Publié dans L'opinion le 27 - 12 - 2012

Bannir l'huile de palme de l'alimentation ? Pas si simple ! D'abord parce que les produits de substitution, prétendument meilleurs pour la santé, font défaut sur le marché ou n'offrent pas les mêmes qualités technologiques. Ensuite, parce que les conséquences sur l'environnement d'autres cultures pourraient être tout aussi néfastes. Et si la véritable solution se trouvait à la fois dans l'huile de palme « certifiée » - la CSPO, trop peu connue - et dans l'amélioration volontaire du contenu de nos assiettes ?
Depuis trois à quatre ans, ce n'est plus une simple volée de critiques, mais un véritable tir de barrage qui s'exerce à l'encontre de l'huile de palme. Le numéro 1 mondial de l'huile végétale (devant le soja et, surtout, le colza et le tournesol) est en effet accusé de tous les maux, tant environnementaux (déforestation, émissions de gaz à effet de serre) que liés à la santé (abondance d'acide gras saturés contribuant aux maladies cardiovasculaires), voire sociaux (déstabilisation de la petite paysannerie, surtout en Asie). Des critiques justifiées ? En grande partie, oui. Mais de là à résoudre les problèmes par le boycott pur et simple du produit, il y a un pas. Qu'un nombre croissant d'acteurs - y compris les organisations de consommateurs - ne sont plus forcément prêts à accomplir. Certaines études livrent toutefois, aujourd'hui, des résultats plus indulgents à l'égard de certains profils d'acides gras. Ce qui a permis à leurs auteurs, par exemple, de réhabiliter le beurre.
Y a-t-il des alternatives ? Avec son équipe, Marianne Sindic, responsable du Laboratoire Qualité et Sécurité des Produits Agro-alimentaires de Gembloux Agro-Bio Tech Université de Liège, s'est jetée au cœur de la polémique. «Dans le cadre du projet européen Interreg IV « Nutrisens », nous nous sommes attelés à une étude située au carrefour de plusieurs disciplines (technologie, nutrition, socio-économie, sécurité alimentaire, qualité sensorielle, etc.) Il s'agissait en fait de répondre aux interrogations des entreprises agro-alimentaires confrontées - souvent assez brutalement - aux exigences des distributeurs désireux de réduire sensiblement le recours à l'huile de palme, voire de s'en passer totalement. Ce glissement était-il bien réaliste sur le plan technique ? Le bénéfice environnemental était-il réel ? Qui, finalement, voulait quoi dans ce domaine ? Le consommateur était-il correctement informé ? Autant de questions auxquelles nous avons tenté de trouver une réponse.»
Attitudes plus nuancées
Les chercheurs du Laboratoire se sont intéressés aux alternatives proposées par les industriels, mais aussi aux représentations véhiculées par les distributeurs et les consommateurs. «Au plus fort de la tempête médiatique déclenchée autour du palme, c'est-à-dire vers 2009/2010, les exigences de la grande distribution envers leurs fournisseur étaient assez radicales, rappelle Sophie Delacharlerie, coordinatrice de l'étude : elles visaient la suppression totale de l'huile de palme. Mais, aujourd'hui, on voit apparaître des attitudes plus nuancées». Ce retournement s'explique assez aisément : les contraintes technologiques liées à la substitution de l'huile de palme sont énormes. On ne peut pas, en effet, remplacer cette graisse par d'autres matières grasses tout en assurant aux produits finis une qualité organoleptique - goût, odeur, texture, aspect, etc.- parfaitement identique aux produits actuels. Car si l'huile de palme s'est hissée à un tel niveau de succès depuis tant d'années (sa production a décuplé en trente ans), ce n'est pas par hasard ! Le palmier à huile, en effet, n'offre pas seulement un rendement dix fois supérieur à celui du colza (soit une moyenne de 4 tonnes à l'hectare et jusqu'à 6, voire 8 tonnes). Il permet aussi d'obtenir une huile quasiment idéale puisqu'en plus de présenter une bonne stabilité à l'oxydation (elle se conserve donc très bien) et une bonne plasticité, elle se prête à une grande polyvalence, servant à la fois d'huile de table ou d'huile de friture mais également d'ingrédient commode pour mille applications : boulangerie, pâtisserie, pâte à tartiner, plats préparés, etc.
Autant dire que, malgré son défaut nutritionnel majeur (sa richesse en acides gras saturés augmente sensiblement le risque de maladies cardio-vasculaires), un tel produit miracle ne se remplace pas aisément. Voyons quelques-unes des principales alternatives. Avoir recours à d'autres huiles végétales ? Parfois, c'est possible mais, pour une majorité d'applications, la fraction solide de l'huile de palme est indispensable. En outre, malgré ses impacts négatifs en termes de déforestation, le palmier à huile exige souvent moins de pesticides et de fertilisants que d'autres cultures plus ou moins proches (colza, soja...). Avoir recours à des matières grasses animales (laitières)? Les qualités sensorielles du produit fini seraient modifiées, sans parler d'une conservation plus aléatoire. Sur le plan nutritionnel, l'inconvénient serait identique à la situation actuelle: les matières animales contiennent, elles aussi, des acides gras saturés. Troisième voie possible: utiliser des matières grasses hydrogénées. Un tel scénario reviendrait à effectuer une volte-face radicale : riches en acides gras trans, hautement préjudiciables à la santé, ces graisses hydrogénées ont été en bonne partie bannies par les distributeurs sous la pression des consommateurs. De plus, les surfaces à cultiver dans ce cas (colza, soja, etc.) seraient sensiblement augmentées, au détriment des écosystèmes naturels. Actuellement, les producteurs ne sont pas tenus d'afficher sur leurs produits la nature exacte de la (les) matière(s) grasse(s) végétale(s) utilisée(s). Ils y seront obligés dès 2014 à la suite de l'entrée en vigueur d'un règlement européen. L'étiquetage nutritionnel portera également sur la teneur exacte en acides gras saturés
Réduire toutes les matières grasses
La conclusion saute aux yeux : quelle que soit la manière d'aborder le problème, il faut réduire la consommation des matières grasses. De toutes les matières grasses. «Ce n'est pas seulement l'huile de palme qu'il faut réduire, mais l'ensemble des produits transformés, qui contiennent de grandes quantités de matières grasses, et notamment de graisses saturées, précise Sophie Delacharlerie. Le consommateur ne peut pas réclamer la fin de l'huile de palme au nom d'une série de principes généreux tout en continuant, parallèlement, à utiliser régulièrement des préparations alimentaires sophistiquées ou des pâtes à tartiner chocolatées. Un effort d'éducation et de sensibilisation s'avère primordial».
Or, c'est là que le bât blesse. En interrogeant en face à face 210 consommateurs choisis au hasard dans 7 grandes villes belges, les chercheurs du Laboratoire Qualité et Sécurité des Produits Agro-alimentaires ont fait la découverte suivante : si 32 % des personnes interrogées se sont montrées méfiantes envers les matières grasses saturées et hydrogénées pour des raisons de santé, pas loin de la moitié de celles-ci fondaient leur raisonnement sur des argumentations scientifiquement erronées. Le plus surprenant est que ce constat ne concerne pas uniquement le « grand public », mais aussi des cercles jugés a priori plus « avertis ». L'équipe de Marianne Sindic s'est en effet intéressée également aux connaissances de 35 personnes dotées d'un profil de chercheur ou d'étudiant dans les champs de la chimie, la biologie, l'agronomie, etc. Si, parmi ce groupe, l'enjeu environnemental de la culture du palmier est mieux appréhendé que par le public « tout venant », les aspects nutritionnels ne semblent pas mieux maîtrisés pour autant : le tiers des raisonnements invoqués en matière nutritionnelle par ce public plus « scientifique » s'est avéré erroné. «Il semble qu'au supermarché, scientifiques ou pas, nous sommes tous avant tout des consommateurs, explique Sophie Delacharlerie. A ce titre, nous sommes influencés par une somme d'informations publicitaires ou médiatiques orientées en tous sens. Au moment de l'achat, le prix et les qualités organoleptiques restent des facteurs déterminants».
Une nouvelle alternative,
l'huile de palme certifiée
Cette imprécision, voire cette méconnaissance, porte aussi sur une facette méconnue de la « question » huile de palme : le CSPO. Or cet aspect pourrait constituer une des principales voies de salut face aux difficultés évoquées. Le CSPO (« Certified Sustainable Palm Oil ») est l'huile de palme certifiée durable. Commercialisée depuis 2008, cette huile provient de palmiers cultivés dans le respect de 8 principes et 39 critères mis au point par tous les acteurs de la filière, mais aussi par des organismes financiers et des ONG (et non des moindres : WWF, Oxfam, etc.). Ces lignes directrices ne visent pas seulement à freiner voire empêcher la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre. Elles ont également pour ambition d'assurer des revenus décents aux cultivateurs et de développer le respect de leurs droits sociaux.
A l'heure actuelle, seuls 4 à 5 % de l'huile de palme produite à l'échelle de la planète respectent les critères CSPO, mis au point par la RSPO (Roundtable for Sustainable Palm Oil, Table ronde sur l'huile de palme durable). C'est encore peu, notamment en raison de la jeunesse de l'initiative et du laps de temps nécessaire (quatre ans) avant que les premières plantations certifiées produisent leurs fruits. Sophie Delacharlerie et Marianne Sindic notent, cependant, que 5 des 6 grands distributeurs belges et français contactés par leurs soins considèrent aujourd'hui cette huile durable comme une alternative acceptable du point de vue environnemental.
Voilà qui est encourageant. Là aussi, néanmoins, il semble y avoir un déficit d'informations du côté du consommateur. Ainsi, si une personne sur trois consultées par les chercheuses dans le groupe « tout public » se montre favorable au principe d'une huile durable, seuls 7 répondants sur 210 connaissent réellement l'huile labellisée CSPO ! Quant au public « scientifique » interrogé, seuls 2 répondants sur 35 déclarent connaître le CSPO. Et... aucun n'a reconnu le logo, ce qui est d'autant plus criant que la plupart des sondés connaissent le label FSC (Forest Steward Council), apposé sur les produits dérivés du bois et philosophiquement assez proche.
«Bien plus qu'un boycott de l'huile de palme, la CSPO , ou un système équivalent , semble à l'heure actuelle la meilleure voie possible pour promouvoir la durabilité de la filière huile de palme, commente Marianne Sindic. Mais il manque une communication volontariste sur ce type d'alternative». Cet effort de promotion s'annonce délicat, car la filière CSPO est actuellement soumise à un paradoxe : alors qu'il n'y a évidemment pas assez d'huile certifiée sur le marché mondial pour répondre ne fût-ce qu'à la demande des producteurs agroalimentaires européens (dans l'hypothèse où ceux-ci y auraient recours pour l'intégralité de leurs produits), l'huile CSPO actuellement disponible ne trouve pas acquéreur. En 2010, par exemple, moins de la moitié de l'huile certifiée selon cette méthodologie a pu être écoulée. Si une certaine spéculation peut expliquer ce paradoxe, il est un autre facteur permettant de comprendre la lenteur du développement de l'huile certifiée : en proposant plusieurs niveaux de certification - donc de garanties - aux consommateurs, la RSPO pèche par manque de transparence et de lisibilité. Et cela, les ONG les plus critiques ne se privent pas de le dénoncer.
Ainsi, le niveau le moins exigeant proposé par la RSPO - le « Book and Claim », basé sur un système de certificats - permet à l'entreprise de mentionner sa participation au système d'huile durable certifiée, alors qu'en réalité une partie (parfois très importante) de ses produits contient de l'huile de palme classique ! A l'inverse, le niveau d'exigence le plus élevé - dit « Segregated » - constitue vraiment, lui, une filière totalement indépendante, reposant sur la traçabilité intégrale et un contrôle sophistiqué. « Pour le consommateur, cette lecture à plusieurs niveaux de la filière CSPO est source de confusion voire de discrédit, fait remarquer Sophie Delacharlerie. Il y a un besoin évident de transparence sur les critères fixés, mais aussi sur les contrôles effectués et les résultats obtenus ».
Pas d'angélisme prématuré envers le CSPO, donc. Les chercheuses gembloutoises rappellent également que, même si cette voie semble le meilleur moyen pour établir la durabilité environnementale et sociale de l'huile de palme, elle ne résout aucun des problèmes nutritionnels. Et que sur le plan macroéconomique, l'Europe et les Etats-Unis représentent, à eux deux, à peine 25 % de la consommation mondiale d'huile de palme, le marché asiatique étant à ce stade peu sensible aux arguments « durables » (NDLR : à l'instar du bois tropical labellisé). Mais sans doute faut-il un début à tout... « Plus le label CSPO sera connu, plus la demande d'huile certifiée sera forte ; et plus la pression du marché s'exercera en faveur de plantations respectueuses de l'environnement et des paysans », commente Sophie Delacharlerie.
Si une plus grande transparence est assurée, on peut raisonnablement espérer que le consommateur acceptera de payer son huile de palme un peu plus cher. Mais à lui, également, d'accepter que certains produits de son caddie subissent une légère évolution de goût ou d'aspect lorsque d'autres matières grasses ou d'autres combinaisons de celles-ci sont utilisées.
Après tout, ce serait tout bénéfice pour sa santé. Quant à l'industrie, estiment les chercheuses, elle devrait elle aussi mettre la main à la pâte et arrêter de se retrancher derrière l'argument « c'est le consommateur qui nous dicte ses choix ». « Elle a, elle aussi, une part de responsabilité sur les choix du plus grand nombre, par exemple lorsqu'elle met sur le marché des produits douteux sur le plan nutritionnel, sans réflexion à long terme sur les maladies de civilisation telles l'obésité ».


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