Sous forme d'interview recueillie sur le bâteau Abda qui emmenait l'Emir Abdelkrim Khattabi à son exil à l'île de la Réunion, Roger Mathieu a eu la chance d'obtenir le maximum d'informations de la bouche de Abdelkrim sur le déroulement de la guerre du Rif de 1921 é I926 Son ouvrage de 165 pages, qui devient rare et introuvable sur ce conflit hispano-franco- rifain se trouve actuellement disponible grâce aux Editions La Porte à Rabat qui nous régale souvent de ses nouveautés. L'ouvrage répond à l'exigence de notre époque traversée au Maroc par un courant arabo- amazigh aigu dans les régions rifaines... Il est prouvé à travers « les Mémoires de Abdelkrim « que ce personnage devenu légendaire par ses victoires contre les Espagnols, se dit lui-même d'origine arabe et non rifain berbère, que ses ancêtres sont venus des côtes de l'Arabie Heureuse sur la Mer Rouge pour s'installer dans le Rif et s'assimiler au dialecte et aux coutumes locales. Si l'introduction de l'ouvrage présentée par Roger Mathieu prend une grande proportion du livre (34 pages ), le reste du livre consiste en un questionnaire posé à Abdelkrim par ce journaliste français sur le bateau Abda et raconte toutes les péripéties passées par l'Emir dans sa guerre de libération d'abord contre l'Espagne monarchiste ( 1921-1925 ) et ensuite contre la France républicaine (1925-1926 ). Si Abdelkrim a commencé la guerre contre l'Espagne, c'est parce que, selon lui, ce pays était expressément venu exploiter les multiples richesse minières du Rif par la pose de nombreux rails de chemins de fer, semer la terreur dans les populations rifaines en pratiquant l'enlèvement, l ‘assassinat, la mise à sac des maisons, surtout celles de la tribu de Abdelkrim les Beni Ouariaghel connues pour leur puissance de feu. Le père de Abdelkrim, avant de mourir, constatant les méfaits des Espagnols, jura devant ses deux enfants Mohammed et M'Hammed d'essayer de rejeter les Espagnols à la mer d'où ils étaient venus... Si on suit la lecture facile de l'ouvrage à travers les questions-réponses du journaliste, on apprend que dès la mort du père, la famille organisa la résistance au commencement avec deux cents vieux fusils de chasse et mobilisa des troupes devant les postes espagnols à TAFERSIT en vue de les attaquer opportunément. La famille Khattabi était vraiment déçue des comportements immoraux des Espagnols. Le maréchal français Lyautey, résident général à Rabat, faisait à l'époque des reproches à l'Espagne qu'il accusait de la mal gouvernance des Rifains. Le maréchal ne bougea pas le petit doigt pour aider l'Espagne dans sa guerre de six ans au Nord du Maroc. A TAFERSIT, où il resta vingt deux jours, le père de Abdelkrim, Cadi de son état, tomba malade et mourut, paraît-il, empoisonné par les Espagnols .Son corps fut enterré au marabout Sidi Mohammed Ben Ali d'Ajdir, siège de l'état major riffain. Abdelkrim prit aussitôt le commandement de tout le Rif pour en faire un pays libre. Auparavant, il prit le soin avec son frère d'écrire une lettre aux Espagnols pour une collaboration loyale. Rien n'y fit. Les Espagnols ne répondirent pas, influencés d'après Abdelkrim par les prêtres de l'église qu'ils écoutaient. A travers la lecture de cet ouvrage, on apprend des renseignements inédits sur la guerre et son déroulement, guerre d'après Abdelkrim, imputable exclusivement aux Espagnols... Même après la disparition du général espagnol Sylvestre en 1921 à la tête du commandement du Rif , Abdelkrim fit savoir qu'aucune aide ne lui était parvenue du général Sylvestre décidé à faire la guerre aux Riffains, d'où la guerre et l'aboutissement des désastres espagnols à Anoual et au Mont Al Aroui où le général Sylvestre subit une mort atroce et ses vingt mille soldats la guerre et la reddition de Abdelkrim aux Français qu'il préférait aux Espagnols arrêtés et libérés contre vingt millions de pesetas pour organiser le Rif et acheter aux Anglais des armes en prédiction d'une vengeance espagnole... Abdelkrim dément formellement qu'il cherchait à se venger du général Sylvestre qui commandait la ville de Mélilia parce qu'il l'aurait souffleté et jeté à terre quant l'Emir était cadi des Musulmans de Mélilia. Sylvestre mourut à la bataille d'ANOUAL et son corps fut transporté sur ordre de Abdelkrim aux portes de sa ville de commandement, Mélilia. Abdelkrim dit de lui qu'il était un militaire très brave, orgueilleux et dépourvu de tout sens politique. Abdelkrim avoue aussi qu'à la veille de la bataille victorieuse d'ANOUAL, l'émissaire du résident espagnol Primo de Rivera, le senior ETCHEVARIETE, l' incitait à plusieurs reprises contre armes et argent à attaquer la France dans la zone sud du Maroc. L'Emir refusa net, sachant que l'Espagne jouait le double jeu . Il attaqua, sans tarder, les Espagnols qui avançaient sur Sidi Boujane à proximité d'Anoual et fit massacrer et emprisonner par ses trois cents guerriers contre des milliers de soldats espagnols. En cinq jours, du 21 au 26 juillet 1926, la bataille d'ANOUAL fut emportée par Abdelkrim. Il fit capturer vingt mille soldats et les fit échanger contre vingt millions de pesetas par l'entremise de l'Angleterre. Sur le champ de la bataille, Abdelkrim découvrit subitement le corps de son ami intime à Mélilia quant il était Cadi, le colonel Moralès. IL ordonna le transfert immédiat du défunt à sa famille. En suivant la lecture passionnante de ce beau livre, on a hâte de savoir la fin de cette guerre de libération...