Les rebelles congolais du M23 sont entrés mardi dans Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), après plusieurs jours d'affrontements avec les forces gouvernementales et les casques bleus de l'Onu. Un correspondant de Reuters a vu entrer à pied de nombreux rebelles fortement armés dans les rues de la ville d'un million d'habitants sous le regard des soldats de la Monusco (Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC) et de petits groupes d'habitants saluant leur arrivée. Cette offensive éclair a accru les tensions entre la RDC et le Rwanda, que Kinshasa accuse d'orchestrer l'insurrection dans l'est du pays avec l'objectif de s'emparer des riches ressources de la région, ce que nie Kigali. «La ville de Goma est tombée à 11h33 heure locale. Malgré ses hélicoptères d'attaque et ses armes lourdes, les FARDC (Forces armées de la RDC) ont laissé la ville tomber entre nos mains», a déclaré par téléphone le colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23. Il a ajouté que les rebelles avaient laissé un couloir ouvert pour permettre aux forces congolaises d'évacuer la ville. Les casques bleus ont renoncé à défendre Goma après le départ des troupes gouvernementales, a expliqué un responsable de l'Onu. «Il n'y a plus d'armée dans la ville, pas une âme (...). Une fois qu'ils sont en ville, que pourrions-nous faire? Cela aurait pu être très grave pour la population», a-t-il dit. Des dizaines de civils ont pris la route du Rwanda voisin, expliquant avoir reçu de l'armée gouvernementale l'ordre d'évacuer Goma. Plus de 50.000 réfugiés ont abandonné les camps installés autour de la capitale du Nord-Kivu. «Nous souffrons tellement avec cette guerre. Je n'ai jamais rien vu de semblable de toute ma vie», a déclaré à Reuters l'une d'entre elles, disant s'appeler Aisha, serrant contre elle ses trois enfants. Le M23, qui tient son nom des accords de paix du 23 mars 2009 prévoyant l'intégration des rebelles dans l'armée, a pris les armes en avril dernier, accusant Kinshasa de ne pas avoir respecté les termes de ce pacte. Les combats ont repris ces derniers jours après plusieurs semaines de trêve. Les experts des Nations unies soutiennent l'idée entretenue par Kinshasa d'une ingérence de Kigali, qui est intervenue à plusieurs reprises en République démocratique du Congo au cours des dix-huit dernières années. L'immense pays d'Afrique centrale a connu plusieurs conflits entre 1994 et 2003 qui ont fait environ cinq millions de morts et de nombreuses régions de l'est de la RDC sont toujours le théâtre de violences. La Monusco, dont le mandat est de protéger les populations civiles, compte environ 6.700 hommes dans le Nord-Kivu, dont quelque 1.400 soldats à Goma et dans ses environs. Accusé avec le Rwanda dans des rapports des Nations unies de soutenir la rébellion, l'Ouganda dément vivement ces accusations et estime que l'Onu a nui à ses propres efforts de médiation dans la crise. «L'Ouganda avait un rôle de médiation dans ce conflit (...) et nous avions réussi à contenir le M23», a déclaré mardi le vice-ministre des Affaires étrangères Asuman Kiyingi. «L'Onu est alors arrivée avec ces fausses et folles allégations contre nous. Nous avons décidé de nous mettre à l'écart et de les laisser gérer la situation. Nous voyons aujourd'hui les résultats», a-t-il ajouté. Kampala a menacé de retirer ses troupes de l'opération de maintien de la paix en Somalie si l'Onu ne revient pas sur ses accusations. La télévision d'Etat congolaise a annoncé à la mi-journée que le président Joseph Kabila était en route vers la capitale ougandaise, qui pourrait ainsi jouer de nouveau les médiateurs.