La loi 46/02 du 24 mars 2003 relative au régime des tabacs bruts et des tabacs manufacturés ainsi que le décret 2-03-199 pris pour son application en matière d'octroi des autorisations de fabrication, de distribution en gros et de distribution au détail et de leur contrôle, demeurent les textes de base en la matière. Or ces textes ne favorisent pas la libre concurrence et leur conformité à la Constitution est aujourd'hui ouvertement posée. Cette dernière fait en effet peser sur l'Etat l'obligation de garantir la liberté d'entreprendre et la libre concurrence, en sanctionnant le trafic d'influence et de privilèges, l'abus de position dominante et de monopole, et toutes les autres pratiques contraires aux principes de la concurrence libre et loyale dans les relations économiques. Une libéralisation et une concurrence qui ne sont tout d'abord pas compatibles avec la fixation d'un prix minimum actuellement exigé par la législation marocaine. En effet, et en vertu de la loi 46-02, le prix de nouveaux produits tabagiques ne peut être inférieur à la moyenne arithmétique des prix de vente des produits de même catégorie. Cette règle pénalise les nouveaux entrants en fixant un prix en dessous duquel aucun autre produit ne peut être vendu, permettant à «l'opérateur historique» devenu pourtant multinationale comme les autres, de se maintenir sur un segment important sans concurrence aucune. Il a déjà été dit et répété que si la règle pouvait tenir à des considérations de santé publique et de maintien des recettes de l'Etat auxquelles une politique de taxation adaptée peut utilement répondre, elle n'en est pas moins incompatible avec les règles tant nationales que communautaires en matière de concurrence. Il faut en effet revenir au principe énoncé à l'Article 2 de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence qui veut que les prix des biens, des produits et des services soient déterminés par le jeu de la libre concurrence. Il n'y a pas en effet de réelle libéralisation de l'économie sans libéralisation des prix et encouragement de la concurrence. Le dispositif juridique national ne peut en outre être appréhendé indépendamment de son inévitable rapprochement et convergence avec la législation européenne conformément à l'article 52 de l'accord d'association à un moment où le statut avancé vise une plus grande intégration au marché intérieur de l'Union. Le législateur marocain ne peut rester indifférent à l'acquis communautaire à un moment où le statut avancé érige la convergence réglementaire en priorité. La Commission européenne a eu à cet égard l'occasion de réagir contre la fixation de prix minimaux de vente au détail des cigarettes. En effet, la Commission estime, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, que ces prix minimaux sont contraires à la législation communautaire, faussent la concurrence Il faut donc saluer le projet de loi modifiant la loi 46/02 dont la note de présentation est on ne peut plus claire: «Le prix minimal d'entrée pour les nouvelles marques des opérateurs du secteur des tabacs manufacturés... est un obstacle qui altère les conditions d'une saine concurrence entre les opérateurs et se traduit par une discrimination au profit de l'opérateur historique». Le projet se fonde également et à juste titre sur le fait que le système de prix minimal porte atteinte au libre jeu de la concurrence et ne respecte pas les engagements internationaux du Maroc. C'est pourquoi il est proposé de supprimer l'obligation du prix minimal pour les nouvelles marques de tabacs manufacturés introduites sur le marché. Parallèlement à cette mesure et dans un souci de consolidation et de renforcement des recettes du budget de l'Etat, le projet de loi de finances pour l'année 2013 prévoit la réforme du système de taxation des tabacs manufacturés». Ils ‘agit d'une approche intégrée qui tout en écartant les obstacles à la libre et saine concurrence -base de toute attractivité économique-, le projet veille à garantir les recettes fiscales de l'Etat. C'est pourquoi la réforme de la loi de finances en la matière et le projet de réforme de la loi 46/02 vont de pair. Il faut donc se réjouir de ce projet de réforme car l'étroitesse du marché libéralisé résultant de l'application de la moyenne arithmétique des prix a des effets négatifs sur le développement de l'outil de production et l'investissement dans le secteur, fait converger les prix vers le prix le plus cher et a été utilisée artificiellement comme une barrière au libre accès au marché. Il faut aussi s'en réjouir car ce projet s'inscrit dans le droit fil de l'avis du conseil de la concurrence et augure d'un dialogue entre le conseil et le législateur. Un dialogue tout bénéfice pour notre pays en termes de confiance, d'attractivité , de compétitivité et de bonne régulation du marché. Cette approche gagnerait enfin à activer le projet de décret fixant la teneur en goudron et en nicotine de toutes les cigarettes commercialisées au Maroc sans distinction aucune, pour que la protection de la santé soit assurée parallèlement à la dynamisation du marché .