Rabiâ Elafdel, qui n'a à son actif que quelques sporafiques expositions collectives (à Casablanca et à Mohammédia en 2011 notamment), et bien qu'elle ait débuté il y a dix ans, demeure une artiste peintre originale et ce qu'elle fait mérite tout l'intérêt. Après une période symbolique sur le thème du personnage, où dominent des couleurs foncées sur une fond matiériste favorisant peu la lumière, l'artiste tend à présent à éclaircir sa palette et « croque » des figures en buste à la limite du maque, avec ses familières allusions à la condition humaine qu'elle revendique, conteste ou dénonce : personnages reclus, visages bâillonnés, expressions d'abattement, etc.) Le personnage sert là de porte parole à une sensibilité éprouvée ; l'artiste finira par ne plus que le suggérer en une forme géométrisée, une ombre contournée, de plus en plus vidé de ses références typiques. Ce personnage va se retirer derrière un graphisme abstrait épais et laisser la place à la matière et à des accessoires plastiques pour meubler l'espace et faire avancer la recherche. Rabiâ Elafdel va évoluer vers une picturalité plus consistante, en s'exprimant maintenant sur de grandes surfaces où elle semble plus à l'aise, plus productive aussi. Commence alors une véritable exploration imaginaire, une sorte de mythologie personnelle, au langage inépuisable. La technique du collage va lui inspirer une nouvelle démarche. Le procédé est à première vue simple : des bouts de papier froissés puis défroissés et collés ensuite sur le tableau, ils seront enduits après d'un brou de noix plus ou moins foncé pour marquer la profondeur, ce qui donne à l'ensemble un aspect de peau tannée de basane. Mais là ne s'arrête pas l'investigation de Rabiâ Elafdel. Le collage va servir de réceptable à un condensé de motifs signalétiques, à une écriture et à des formes quasi talismaniques (main, œil, paupières, etc.), des éléments du patrimoine repris à la technique textile, à la décoration traditionnelle ; le tout semblable à une longue histoire séquentielle, débitée sous formes de codes ou d'énigmes. Rabiâ Rlafdal raconte, et ce qu'elle met dans le tableau renvoie à des visions d'antan, à des résonances de lignes et de matières, à des bribes de mémoire éclatant à la surface du réel comme des bulles colorées. La prédominance des ocres et des jaunes confère à l'œuvre ainsi peinte et composée une dynamique sensitive qui la place dans le contexte actuel de l'art plastique au Maroc. Peintre symbolique de la mémoire et du patrimoine, Rabiâ Elafdel revalorise à sa manière les acquis iconographiques traditionnels, où figuration et abstractiopn s'entremêlent avec bonheur, dans un dialogue spirituel en la mineur. Le travail qu'entame l'artiste ouvre la voie à d'autres fromes d'investigations de la même force ; c'est une recherche qui, par la nature et la richesse de ses formules, multiplie les horizons créatifs.