Un nouveau livre () sur les oeuvres de Sidonie Gabrielle Colette vient de paraître, “Par de-là le bien et le mal ?" (). Son auteur, Stephanie Michineau (Doctorat en littérature française, spécialisée dans les ouvres de Colette) (), tente d'y rendre justice à la romancière qui a souffert tant soit peu du dénigrement moral injuste de ses romans, ce qui a engendré la négligence de tous les aspects esthétiques et artistiques et la portée des causes audacieuses servant à ébranler plusieurs tabous ayant empêché la femme à jouir de son droit naturel à la vie et à la dignité. Les funérailles de Colette en 1954 furent un événement exceptionnel qui a rassemblé des foules immenses et surtout des femmes louant son rôle ayant bousculé un bon nombre de valeurs traditionnelles préétablies, ancrées et cristallisées et en hommage aussi à ses positions défendant le statut de la femme au sein de la société. L'église catholique a refusé l'enterrement religieux à l'écrivaine. Ce qui amena l'écrivain Graham Green à adresser une lettre de protestation au Cardinal de Feltin qui était archevêque de Paris à l'époque. Qu'a pu donc commettre Colette pour demeurer bannie et méprisée tant en vie qu'après sa mort? En revenant aux écrits critiques ayant accompagné ses oeuvres, il s'avère clairement qu'elles se focalisaient sur la moralité et critiquaient avec véhémence l'univers fictionnel comme si c'était une copie authentique des expériences de la vie même de Colette. C'est ce qui amena Stephanie Michineau à consacrer ses recherches autour des romans de Colette en lui rendant hommage pour les critiques sévères qu'elle a reçues afin de taire sa voix perturbatrice et qui criait haro sur les inégalités aléatoires et inéquitables sociales et de sexe féminin, tout en prônant la liberté de la femme et son égalité avec l'homme dans tous les domaines. Les oeuvres de Colette étant nombreux, la chercheuse s'en est limitée à l'étude de trois () en mettant en exergue les personnages féminins, en décrivant leurs souffrances dans une société patriarcale et catholique qui les a privées de leurs droits les plus élémentaires, en mettant l'accent sur leur rôle à se défendre elles-mêmes et à se rebeller contre les clichés stéréotypés masculins, les tabous sociaux qui emprisonnent leur liberté. Ce qui attire l'attention dans les écrits de Colette est son dénigrement de l'homme dans des situations lamentables (voleur, bandit, faible) en l'éloignant de l'arène pour donner à la femme davantage de liberté, l'incitant à retrouver confiance en elle-même et reconquérir sa féminité violée sa dignité perdue! Colette a dépossédé l'homme de son humanité et l'a fait descendre de sa tour d'ivoire, en l'éloignant des lumières afin de doter la femme d'une plus grande part d'expression de sa liberté, ses endurances et de ses aspirations à l'écart de la censure patriarcale et la tutelle sociale et religieuse. Parmi les difficultés qui agaçaient la femme au début du XX siècle, on peut citer: Sa dépendance absolue de l'homme, son caractère casanier, sa peur de la solitude et sa soumission aux contraintes morales et religieuses. Ce qui a affermi son rôle en tant que femme de foyer et sa crainte du divorce considéré naguère une humiliation voire un déshonneur. Les personnages féminins imaginaires (fictionnels) représentent une image de l'écrivaine et dans sa vie, les différentes expériences de ce qu'elle a dû affronter comme conflits. Ces différents personnages se trouvent face au dilemme liberté/amour. Tombant dans les pièges de l'amour, elle tente à la fois d'en échapper et de s'en libérer. L'amour n'étant pas issu d'un sentiment humain suprême, la touche et l'avilit au point de lui faire perdre sa dignité et son honneur et bouleverse son humanité et sa féminité Sa destinée est décidée d'avance, elle est contrainte à suivre ses traces, malgré les difficultés qu'elle lui cause et les obstacles qu'elle engendre. Elle se mariera très jeune et ne connaîtra qu'un seul homme dans sa vie .Elle se dévoue, casanière, aux affaires du foyer et à l'éducation des enfants. Colette a voulu se servir du complexe de la trahison pour ranimer le conflit entre l'homme et la femme la poussant à se séparer de l'homme afin de s'en libérer et ne point demeurer esclave entre ses bras. A la fin du roman" La seconde", la personnalité de Fany évoluera. Elle ne sera plus ce qu'elle était auparavant. Découvrant la trahison de son mari avec son amie intime Jane, elle refusera et se rebellera contre lui; Ce qui libérera son corps de femme à ne plus être objet pour le désir et sujet d'humiliation. Dans le même contexte, Claudine se révoltera contre son mari constatant sa trahison. Elle se réfugiera chez Montini en quête de tendresse et de sérénité. Dans tous ses romans, Colette se remémore le choc de la trahison qu'elle a dû subir lorsqu'elle assiste “séance tenante" à ce que Willy commettra contre elle. Sa vie rebelle a influé sur les contraintes limitant sa liberté, l'empêchant d'exercer ses droits tout en lui imposant des rôles à jouer sans son consentement. C'est ce que Nadine Trintignant essaiera de mettre en relief dans son film “Colette, une femme libre". Malgré sa nature tragique, la trahison joue un grand rôle dans la mutation de la femme de sa situation de paresse et de dépendance vers celle où elle jouit de son indépendance, de sa liberté et de sa responsabilité. Colette a utilisé plusieurs aspects dans le souci de montrer les capacités de la femme, ses manoeuvres de rébellion contre les résidus sociaux cristallisés. Parmi ses aspects : la coupe des cheveux courts, l'absence d'enfant, l'homosexualité ou l'hermaphrodisme. La chercheuse a démontré que les romans de Colette se caractérisent par tant d'aspects et de spécificités artistiques, ce qui affirme sa grande connaissance de la langue française et sa méfiance de l'atmosphère patriarcale et catholique dominante de l'époque. Parmi les aspects caractérisant le style de Colette, on peut citer principalement: La métaphore: Colette des relations avec la nature et ses composantes leur offrant l'expression à travers une atmosphère de désir, de bouleversements et leurs tendances sentimentales. (Comme lorsqu'elle compare Claudine à une chatte à l'étape de rut et imagine Renaud en tant que chien méchant et vorace, aspirant à rassasier la faim de son instinct...) Le silence : Colette met le lecteur sur la voie de ce qu'elle désire exprimer mais tout en le laissant seul à poursuivre son chemin en emplissant les fissures et intervalles afin de saisir la vérité qui s'échappe! La connatation et la concision : Colette préfère l'expression concentrée et suggestive sur les événements brefs et répétés, on ne peut atteindre les rives de la vérité cachée qu'à travers un style englobant l'incompréhension, la suggestion et l'allusion. La négation: Colette utilise le style de négation plutôt que celui de l'affirmation, comme l'entend Henri Bergson: «C'est une série de situations que l'esprit cerne pour l'affirmation d'une constatation fictive». L'esthétique du désir: Colette expose dans ses oeuvres un bon nombre de fondements sentimentaux et corporels qui contribuent à rapprocher la femme et l'homme ou à les éloigner l'un de l'autre. Le désir est gradué selon la nature de la relation unissant les deux parties à travers des classes disparates et contrastées. La plus basse : la classe inférieure ayant ses propres spécificités corporelles et leurs dépendances. () Et, finalement, la classe supérieure qui concerne l'interaction profonde entre deux âmes qui s'aiment mutuellement. Généralement, les écrits de Colette représentent dans leurs péripéties narratives, les clichés (stéréotypes) masculins et catholiques ayant dominé à la veille du XX ème siècle et conduit à la soumission de la femme, sa marginalisation, sa discrimination, et sa dépendance de l'homme, ce qui l'a privée de jouir de sa liberté et sa dignité. Le livre de Stephanie Michineau annonce l'ouverture de nouveaux horizons en ce qui concerne une lecture des oeuvres de Colette loin des préjugés moraux étroits qui mettaient des voiles entre le lecteur et le texte. Dans sa critique, la chercheuse s'est basée sur des oeuvres de Colette, sur la critique créative, () ayant pour objectif l'enrichissement narratif et la régénération de l'imagination et l'interprétation de l'univers caché dans le texte. (Traduction de l'arabe au français par Mohammed El IDRISSI)