Au Maroc, en matière de législation sportive, on se perd souvent en palabres voire en conjectures. Le mouvement sportif est désemparé, faute de campagne de communication et de sensibilisation du ministère de la Jeunesse et des Sports. Sans prétendre à l'exhaustivité, je voudrais cette fois-ci rebondir sur un point très important à la lumière de la nouvelle loi sur le sport, la loi dite (30-09). Il s'agit des statuts-types des fédérations qui ne sont pas encore publiés au bulletin officiel sous forme d'arrêté ministériel tout comme les statuts-types des associations sportives unidisciplinaires ou multidisciplinaires et bien d'autres textes qui ne sont pas promulgués par voie réglementaire. L'entrée en vigueur de la nouvelle loi est tributaire de la promulgation de ces textes réglementaires lit-on dans l'article dernier, l'article 118. Bien que les statuts-types qui régissent les fédérations n'aient pas encore vu le jour, des fédérations sportives ont déjà concocté le projet de leurs statuts pour les adapter et les harmoniser avec lesdits statuts-types. C'est une obligation stipulée dans la nouvelle loi sur le sport mais aussi une première dans les annales du Droit du sport au Maroc. Pour la première fois, le législateur marocain édicte des statuts-types pour les fédérations après les deux lois sur le sport de 1957 et de 1989. (Je n'ai cité ici que les lois promulguées après l'Indépendance du Maroc). Ce qui est cohérent avec les principes directeurs de la loi sur le sport où la configuration déclinée est bureaucratique pour ne pas dire étatique au sens de régulation et non d'ingérence. C'est ce qu'on lit d'abord dans le préambule de la loi sur le sport : « L'Etat est responsable du développement du mouvement sportif et en assume l'encadrement et le contrôle» : L'Etat est sans conteste un régulateur régalien. C'est d'autant plus cohérent avec ce que la loi stipule quand on sait que le ministère de la Jeunesse et des Sports charge ou plutôt subdélègue aux fédérations sportives la participation à «l'exécution d'une mission de service public ». Comme l'a si bien dit un grand légiste : « Les fédérations sportives sont des extensions bureaucratiques de l'Etat ». Pour qu'une fédération sportive soit délégataire de la mission de service public, il faut qu'elle soit dûment habilitée (l'habilitation doit être publiée au B.O via un arrêté ministériel dit viziriel) et pour qu'elle soit habilitée, il faut que ses statuts soient conformes aux statuts-types des fédérations sportives et homologués par le ministère de tutelle. Quant aux projets de statuts de certaines fédérations sportives que j'ai décortiqués, j'ai relevé une myriade d'antinomies et de bourdes monumentales. L'espace de l'Opinion-Sports ne permet pas de revenir sur tous les détails mais je vais essayer d'en faire état une prochaine fois. D'abord, il faut savoir que dans le projet des statuts-types des fédérations, il y a aussi des équivoques auxquels on n'a pas fait attention. C'est le fait de ne pas avoir légiféré la conciliation préalable dans les statuts-types telle qu'elle est énoncée dans l'article 43 de la loi. Si dans la loi 06-87, abrogée, cette conciliation était facultative, elle est obligatoire dans la nouvelle loi sur le sport. Les concepteurs de ces statuts-types voire le cabinet parisien dont la FRMF et le ministère se sont attachés ses services, ont commis une balourdise monumentale d'ordre terminologique. C'est normal car on n'a pas consulté des légistes patentés. Et quand je dis légistes, c'est pour faire référence à la légistique qui « englobe les connaissances et les méthodes spécifiques à l'activité législative. Elle sert à l'élaboration des actes législatifs (Dahirs, décrets, arrêtés ministériels etc...)». Car « la légistique a pour but de déterminer les meilleures modalités d'élaboration, de rédaction, d'édiction et d'application des normes juridiques. » Cette bévue légistique, c'est l'utilisation du terme juridictionnel pour qualifier les organes disciplinaires. C'est un terme qui prête à confusion car juridictionnel, c'est qui se rapporte à la justice et/ou à la magistrature pour ne pas dire au juge étatique. Le terme juste est disciplinaire et rime parfaitement avec la loi sur le sport qui stipule clairement que les fédérations sportives sont investies d'un pouvoir disciplinaire. Troisième antinomie soulevée dans ces statuts-types : Si la loi 30-09 a décliné l'appellation et/ou la configuration sous forme de comité directeur, tel n'est pas le cas dans les statuts-types qui parlent de bureau fédéral. Les deux configurations ne veulent pas dire la même chose car il y a là un glissement sémantique déconcertant sinon une altération. Quand on est face à un comité directeur, on est face à un organe décisionnel et de ce dernier émane un organe exécutif. Mais quand il s'agit d'un bureau fédéral, ce dernier est investi et du pouvoir décisionnel et du pouvoir exécutif. Encore faut-il ajouter que dans sa version en français, si la loi 30-09 parle de comité directeur, dans sa version en arabe, on a du mal à assimiler la traduction. Une traduction qui trahit ce qui a été stipulé en langue française. Ne dit-on pas que ‘'Traduire, c'est trahir !'' !? Au lieu de traduire comité directeur par (Allajna Al moudiriya), on a légiféré en arabe : Bureau Directeur. La nuance terminologique est certes abyssale même sur le plan sémantique. Faute de cénacle institutionnalisé en matière de droit du sport, faute aussi de recherche scientifique et d'orfèvres en la matière, l'Etat et le mouvement sportif s'emmêlent les pinceaux. Car on se fourvoie dans un drôle d'exercices de style. C'est quoi une bonne loi chez les légistes ? Une «bonne loi», c'est d'abord une loi applicable et, pour être applicable, une loi doit être : . Normative, c'est-à-dire qu'elle doit fixer des règles et des sanctions en cas d'inexécution de ces règles; . Claire, faute de quoi sa mise en œuvre sera ralentie par l'incertitude qu'elle suscitera dans l'esprit de ceux qui en seront chargés au sein du pouvoir exécutif; . A jour, c'est-à-dire s'appliquant très exactement au reste de la législation et de la réglementation en vigueur. Toute méconnaissance de cette dernière aboutit, en effet, à rendre redondant ou lacunaire, c'est-à-dire inopérant un texte de loi qui en serait entaché ; . Précise, c'est-à-dire avare de mots, d'adjectifs et d'adverbes, sinon son interprétation risque d'être une source de contentieux où interviendra le juge ; . Lisible, car les citoyens exigent aujourd'hui de comprendre la loi et ils n'hésitent pas à critiquer ses auteurs lorsque tel n'est pas le cas. François de René Chateaubriand n'avait-il pas dit : «Les meilleures lois sont inutiles lorsqu'elles ne sont pas exécutées : elles deviennent dangereuses lorsqu'elles le sont mal».