La déclaration de M. Mohammed Ouzzine, ministre de la Jeunesse et des Sports, à l'issue du match du onze national contre la Gambie a suscité l'ire au sein de ceux qui se retranchent derrière ce qui régit la FIFA. On déplore le « droit d'ingérence » de l'Etat voire de tout pouvoir politique dans les affaires du football. Comme si le football est devenu une « zone de non-droit » ! En matière du droit du sport, on se perd souvent en conjectures et en palabres : On s'emmêle les pinceaux ! La question qu'on se pose inlassablement est de savoir si le ministère de la Jeunesse et des Sports a le droit de dissoudre le comité directeur de la FRMF ? Mais avant de répondre à cette question rhétorique, il faut rappeler qu'à l'instar de la législation sportive d'autres pays plus développés, il y a deux ordonnancements juridiques : 1 / Un ordonnancement juridique étatique : Dahirs, décrets, arrêtés viziriels... 2 / Un ordonnancement juridique privé : Statuts, règlements généraux, Règlement Intérieur... Il est clair quand on se réfère à la nouvelle loi sur le sport (30-09), tout comme celle qui vient d'être abrogée, la configuration déclinée dans cette loi est « bureaucratique » voire « interventionniste » à l'instar de la France pour ne citer que ce pays. Rien n'est gratuit du fait que la tutelle (le ministère de la Jeunesse et des Sports) s'offre ce droit « interventionniste » et non d'ingérence en se fondant sur la participation à la mission de service public subdéléguée aux fédérations, lesquelles fédérations doivent être habilitées. Une habilitation qui doit faire l'objet d'une publication au bulletin officiel via un arrêté viziriel. A entendre par « interventionniste », régulateur au sens large du terme et non immixtion. Et c'est ce qui a été légiféré dans l'article 31 de la nouvelle sur le sport qui stipule en substance et sans aucune équivoque : « En cas de violation grave par une fédération de ses statuts ou de la législation et de la réglementation qui lui sont applicables, ou lorsque le fonctionnement ou les activités de cette fédération sont préjudiciables à la discipline sportive en cause, une mise en demeure est adressée à l'organe directeur concerné pour rétablir la situation objet de la mise en demeure dans un délai ne dépassant pas trois semaines. En cas de non réponse, l'administration peut procéder à la dissolution de l'organe directeur fédéral et prendre toutes les mesures utiles dans l'intérêt de la discipline sportive concernée, notamment désigner un comité provisoire ayant pour mission d'assurer la gestion de la fédération jusqu'à la tenue de l'assemblée générale dont le comité provisoire fixe la date dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de dissolution de la fédération concernée ». A aucun moment, cet article ne parle qu'en cas de performance du onze national, le ministère de la Jeunesse et des Sports s'arroge le droit de dissoudre le comité directeur d'une fédération sportive. Si on lit la première phrase de cet article, là le ministère de tutelle a de quoi motiver sa décision de dissolution de la FRMF après lui avoir notifié une mise en demeure. Car la FRMF ne respecte pas les statuts qui la régissent notamment en ce qui concerne la tenue de l'assemblée générale annuelle qu'elle n'a pas tenu depuis plus de trois ans (16 avril 2009). D'abord et jusqu'à présent, aucun responsable de la FRMF n'a déclaré ostensiblement et officiellement son opposition à la déclaration du ministre de la Jeunesse et des Sports. Ce sont des « infos » infondées véhiculées par des « bilaneurs », ces colporteurs de rumeurs. Encore faut-il ajouter que la réaction viscérale du ministre mérite un petit commentaire là-dessus. C'est lorsqu'il dit que des décisions fermes seront prises après la rencontre Maroc-Côte d'Ivoire. En filigrane, si le Maroc gagne, il n'y aura pas de décisions fermes ! Là on pourrait parler d'ingérence car le ministère de la Jeunesse et des Sports qui est une administration de mission, sa tutelle consiste à promouvoir le sport, à accompagner le mouvement sportif en lui allouant les moyens qu'il faut, et à veiller à l'application stricte de la loi pour réguler et instaurer la bonne gouvernance... Autrement dit, que le ministère décide de dissoudre l'organe directeur de la FRMF pour motif de contre performance, c'est sans conteste une ingérence éhontée ; qu'il le dissolve en arguant que la FRMF ne tient pas régulièrement son A.G statutaire, c'est une décision fondée qui ne peut en aucun être contestée. Et puis, il y a un autre point qui doit être élucidé : le socle sur lesquels sont fondés et élaborés les statuts de la FRMF est la législation sportive nationale. Il suffit de se référer à l'article 1 relatif à la constitution et la dénomination de la FRMF où à aucun moment on ne fait référence ni explicitement ni implicitement à la FIFA. Dans cet article, le législateur cite le dahir des libertés publiques du 15 novembre 1958, le dahir portant loi sur l'EPS et ses décrets d'application. C'est dire que la FRMF est tout bonnement sous tutelle du ministère en conservant une autonomie totale sur les plans organisationnel et fonctionnel mais une indépendance juridique partielle car les fédérations sportives ne sont pas dépositaires d'une mission de service public que le ministère leur concède pour y participer sur fond d'une habilitation qu'il leur retire en cas de non-respect des dispositions de la loi sur le sport. Pierre Bourdieu l'avait si bien dit : « En matière sport, la « main droite » de l'Etat n'est jamais séparée de sa « main gauche »». C'est ce qui s'apparente au sport marocain voire ailleurs !