Les dirigeants de l'Union européenne ont approuvé jeudi un «pacte pour la croissance», lors du Conseil européen à Bruxelles, mais l'Italie et l'Espagne ont subordonné leur signature à l'examen de mesures d'urgences pour alléger le coût de leur dette. Les 17 chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro ont poursuivi les discussions tard dans la nuit après un dîner lui-même tardif des dirigeants des 27 Etats-membres de l'UE. Ils doivent encore se revoir ce vendredi, lors d'un déjeuner. Après plusieurs heures de discussions, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a annoncé vers la fin de la nuit que les dirigeants de la zone euro s'étaient mis d'accord sur le principe de la création d'une instance unique de supervision des banques de la zone euro, et étaient convenus qu'elles pourraient être recapitalisées directement par le Mécanisme européen de stabilité financière (MES). Il a déclaré que l'objectif était de créer un mécanisme de supervision impliquant la Banque centrale européenne (BCE) d'ici la fin de l'année, et de rompre le «cercle vicieux» entre banques et Etats. Il a dit également que les pays qui se conforment aux critères budgétaires de l'UE pourraient avoir accès au MES pour soutenir leurs obligations sur les marchés financiers. En tout début de nuit, avant de rejoindre la dernière réunion, François Hollande avait déclaré à la presse qu'»un accord (sur le pacte de croissance) a(vait) été trouvé à 27, même si l'Italie et l'Espagne (avaient) voulu attendre que le sommet puisse donner tous ses résultats avant de se prononcer». Herman Van Rompuy avait aussi fait auparavant état des réserves italiennes et espagnoles tout en assurant qu'il n'y avait pas de blocage. Le «pacte pour la croissance et l'emploi» prévoit, pour stimuler l'économie de l'UE, la mobilisation de 120 milliards d'euros par le biais des fonds structurels, de la Banque européenne d'investissement et de «project bonds» destinés à financer de grands chantiers. France, Allemagne, Italie et Espagne s'étaient déjà accordées le 22 juin à Rome sur ce paquet de mesures, dont François Hollande a fait une condition à la ratification par le Parlement français du pacte sur le renforcement de la discipline budgétaire signé en mars par 25 des 27 pays de l'UE. Mais les Vingt-Sept ont été rattrapés par l'urgence de la situation financière de l'Espagne et de l'Italie. Le rendement des obligations souveraines espagnoles à dix ans frôle ainsi ces dernières semaines le seuil des 7% au-delà duquel la Grèce, l'Irlande et le Portugal ont dû solliciter un plan d'aide internationale. Pression italo-espagnole ? Sans prononcer le mot de chantage, François Hollande a admis que le président du Conseil italien Mario Monti et son collègue espagnol, Mariano Rajoy, avaient voulu faire pression sur leurs partenaires, en particulier sur l'Allemagne. «C'était une pression (...) pour qu'il y ait bien une organisation des travaux qui permettent d'examiner rapidement les mesures à engager à court terme pour stabiliser les marchés», a déclaré le président français. Il a précisé que les chefs des gouvernements italien et espagnol l'avaient averti à l'avance. «Il y a une bataille épique en cours entre ceux qui demandent une solidarité immédiate et inconditionnelle et ceux qui cherchent à changer fondamentalement la manière dont les économies européennes sont gérées», a pour sa part déclaré un responsable d'un pays du Nord de l'Europe après presque huit heures de débats, alors que la chancelière allemande, Angela Merkel, a pour sa part annulé une conférence de presse. Mariano Rajoy souhaite que l'UE accorde aux banques espagnoles une aide directe, afin que la recapitalisation de ces établissements ne pèse pas sur la dette publique de l'Espagne. Il veut aussi que le statut de créancier préférentiel soit retiré au Mécanisme européen de stabilité (MES) pour rassurer les investisseurs qui rechignent à acheter de la dette espagnole de peur de passer après ce fonds de sauvetage en cas de défaut de paiement de l'Espagne. Selon des responsables d'UE, il serait sur le point d'obtenir satisfaction sur ce point. De son côté, Mario Monti souhaite que le MES et le Fonds européen de stabilité financière (FESF) achètent sur le marché secondaire de la dette souveraine des pays de la zone euro les plus en difficultés afin de réduire le coût auquel ces Etats sont contraints de se refinancer. Mais selon des sources européennes, il serait plutôt question de faire en sorte que le FESF et le MES achètent des obligations des Etats italien et espagnol dès leur émission, c'est-à-dire sur le marché primaire. Lors du dîner, les Vingt-Sept ont par ailleurs discuté de l'avenir de l'Union économique et monétaire (UEM), objet d'un rapport de Herman Van Rompuy et des présidents de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et de l'Eurogroupe. Selon le projet de conclusions du Conseil européen -le 20e depuis depuis le début de la crise de l'euro début 2010- les Vingt-Sept demanderont à ces quatre présidents de rédiger une «feuille de route» pour renforcer l'intégration de l'UE. Cette feuille de route devra être «assortie d'échéances précises pour la réalisation d'une véritable union économique et monétaire», lit-on dans ce document obtenu par Reuters. «Un rapport intermédiaire sera présenté en octobre 2012 et un rapport final avant la fin de l'année», précise-t-il. Le texte du conseil, qui doit encore être entériné par les dirigeants européens, s'efforce de concilier les positions des pays qui, comme la France, souhaitent un processus d'intégration progressif, et celles de l'Allemagne, qui fait d'un saut fédéral un préalable à des mesures accroissant la solidarité, notamment financière, entre les Etats de la zone euro.