C'est le titre du livre que vient d'écrire l'ex-présentatrice télé Badiaa Ryane, celle qui a dominé le journal principal avec sa soeur Latifa Fassi pendant plusieurs décennies. Bien évidemment, cela concerne la génération des années 60 et 70, celle qui a vu naître la télévision marocaine il y a un peu plus de 50 ans. Dans ce livre, Badiaa Ryane, de son véritable nom Badiaa Fassi, et qui a choisi le nom de son mari Ahmed Ryane, lui aussi présentateur radio puis télé, revient sur son long parcours devant le micro puis devant la caméra. Dès la fin des années 50, elle s'érige comme une présentatrice d'informations puis une animatrice d'émissions douée et cultivée comme dans la pure tradition familiale issue de Fès, et surtout parlant un arabe parfait qui va jalouser plus d'une femme de théâtre. Le théâtre, tôt ou tard, devait tenter Badiaa Ryane. Elle intégra très vite la troupe de théâtre radiophonique, relevant de la R.T.M. et dirigée par Abdellah Chekroun. Ses compagnons d'époque se nommaient Hamidou Benmassoud, Hammadi Ammor, Larbi Doghmi, Abderrazak Hakam, Mohamed Ahmed Basri, Hammadi Tounsi et bien d'autres. Aujourd'hui, on reconnaît l'apport artistique du à cette troupe qui a formé plusieurs générations de comédiens. Si un jour Ryane abandonna avec regret la troupe, c'est pour se consacrer davantage à son métier principal, celui de présentatrice et d'animatrice d'émissions, si nombreuses et si variées. Le cinéma va également tenter Badiaa Ryane. Elle avait à peine 18 ans quand elle fut sollicitée par le cinéaste français Richard Chenay qui travaillait à l'époque pour le compte des studios Souissi. L'occasion est le film qu'il va tourner à la demande du ministère de la santé ayant pour titre "La terrible épreuve de Kaddour" (1957). Ce film s'inscrit dans le genre "cinéma de vulgarisation" comme savait si bien les faire les cinéastes de ces studios et ceux du centre cinématographique marocain. C'est un film de sensibilisation contre la consommation du kif, hélas une drogue largement appréciée à cette époque pré-coloniale que le jeune Etat marocain devait éradiquer par la sensibilisation par l'image. Tourné les studios Souissi et l'hopital Moulay Youssef, le film engageait comme autres acteurs Larbi Doghmi, Hammadi Tounsi et Ahme Ryane, le propre mari de la très jeune comédienne. Cette expérience sera suivie d'une autre de même genre: "Ahmed et Fatima" sous la direction du même Chenay. D'autres films vont suivre mais bien plus tard. Sous la direction du cinéaste Abdellah Mesbahi, Badiaa Ryane va participer à deux films durant la décennie 70: "Où cachez-vous le soleil?" et " Demain la terre ne changera pas". C'est l'occasion de côtoyer les stars du cinéma égyptien et libanais puisque la distribution comptait Nour Chérif, Nadia Lotfi, Mahmoud Maliji, Leila Baroudi, Ihssan Sadek. Nombeux artistes marocains et non des moindres participent au casting dont notamment Abdelouahab Doukkali, Abdelhadi Belkhayat, Abdellartif Hilal, Aziz Mouhoub, Habiba Medkouri, Ahmed Tayeb Laalej entre autres. Mais, Badiaa Ryane ne pouvait pas se cantonner aux seconds rôle. Dans "Bamou", il tient un role central entourée d'une pléiade d'acteurs de Rabat et Casablanca notamment Mohamed Habachi, Mohamed Hassan Joundi, Mohamed Miftah, Habiba Medkouri, Touria Jabrane et Zhor Maameri. Badiaa incarne le rôle titre de "Bamou" où elle se distingua particulièrement par un jeu calme et sobre face à la méchanceté et appétit des hommes. Adapté du roman d'Ahmed Ziad, coécritpar Joundi et Driss Mrini et réalisé par ce dernier, ce film relate une période obscure de l'époque coloniale et surtout met l'accent sur une vérité longtemps camouflée: La lutte contre le colonialisme n'était pas seulement une affaire d'hommes. En fait, très peu d'artistes marocains se sont prêtés à écrire leur mémoire malgré que leur parcours relève tôt ou tard du domaine public. Homme public par excellence, l'artiste est censé renforcer l'Histoire de son pays en apportant des éclaircissements souvent utiles. Hormis les artistes Ahmed Tayeb Laalej, Abdelkader Badaoui, Larbi Batma et Bachir Skirej, très peu d'artistes ont partagé avec le public leurs mémoires. Espérons que le livre de Badiaa Ryane va inciter bien d'autres.