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Avis du CES Mettre en œuvre les recommandations de l'IER sur les garanties des droits humains
Aligner la législation marocaine du travail sur les conventions internationales
Conformément aux attributions qui lui sont dévolues, et notamment celles consistant à « favoriser et consolider la consultation et la coopération entre les partenaires économiques et sociaux et contribuer à l'élaboration d'une charte sociale, le Conseil Economique et Social (CES) a fat de cet objectif, parallèlement à la question de l'emploi des jeunes, une priorité, et lui a consacré ses premiers travaux. Le résultat en est, aujourd'hui, plusieurs rapports, dont ceux relatifs aux deux questions précitées. Deux avis y afférents, extraits de ces rapports ont été publiés au Bulletin Officiel. Instance consultative, le CES n'en est pas moins une institution constitutionnelle dotée d'attributions majeures et dont le rôle, l'apport et les avis sont incontournables dans l'élaboration des politiques économiques et sociales et des lois, et ce, d'autant plus que ses rapports et avis tiennent compte des attentes de toutes les parties prenantes et des situations réelles que vivent les secteurs économiques et sociaux. Pièce maîtresse soutenant et orientant la Nouvelle Charte Sociale, le Référentiel élaboré par le CES, et qui en est l'instrument de matérialisation, est un ensemble de normes et d'objectifs formulés par cette institution qui constituent les repères et les jalons posés dans l'espace de la société marocaine et qui doivent assurer sa cohésion et la mettre en phase et en harmonie avec ses valeurs et sa personnalité, ainsi qu'avec les principes universels des Droits de l'Homme. Le rapport du CES intitulé « Pour une nouvelle charte sociale : des normes à respecter et des objectifs à contractualiser » et formalisant le Référentiel, affirment ses auteurs, s'appuie sur les droits fondamentaux protégeant la dignité de la personne humaine et les principes de démocratie sociale, affirmés par la Constitution et tient compte de l'intensité des attentes qui s'expriment dans la société marocaine en faveur de leur effectivité. Ce Référentiel vise quatre objectifs : - Identifier et solenniser les principes et les droits fondamentaux économiques, sociaux, culturels et environnementaux affirmés par les normes internationales ratifiées par le Maroc et garanties par la Constitution. - Décliner les objectifs et recommander les processus indispensables à l'effectivité de ces droits et de ces principes. - Définir les indicateurs pertinents pour leur suivi et l'évaluation de leurs progrès. - Promouvoir la gouvernance responsable, le développement et la sécurité économique et la démocratie sociale. Il a le statut de lignes directrices pour la conception, la mise en œuvre, et l'évaluation des politiques sociales, publiques et privées, et pour la concertation, le dialogue social et le dialogue civil, la négociation et la conclusion de contrats collectifs entre les acteurs qui concourent à la cohésion sociale et au développement du Maroc. Ce Référentiel a également vocation à servir de guide à la conception et l'application des lois et règlements. Le Référentiel comporte 39 principes et droits fondamentaux, déclinés en 92 objectifs opérationnels et 250 indicateurs de suivi et de progrès. Il est structuré en 6 volets complémentaires. Nous présentons, ici, quelques principes du premier de ces volets relatif à l'«accès aux services essentiels et bien-être social ». Le CES constate que le droit à la vie est un droit fondamental protégé par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et par toutes les religions. Il est universellement opposable aux instances judiciaires, à la médecine et à la science. Son respect est la condition de l'accès à tous les autres droits. Il est garanti par la Constitution (art. 20-21), rappelle cette institution qui ajoute que le droit à la vie implique la protection de la personne humaine contre toute atteinte à son être. Le droit à la vie est consacré par plusieurs juridictions, notamment la Cour européenne des droits de l'Homme comme "valeur suprême dans l'échelle des droits de l'Homme au plan international". Le Maroc a mis en place en 2004 une commission de vérité, l'Instance Equité et Réconciliation (IER), dotée de prérogatives élargies et chargée de compléter l'œuvre de l'Instance Indépendante d'Arbitrage pour la réparation des dommages subis par les victimes des disparitions forcées et de la détention arbitraire (1996-1999). Elle a examiné les violations graves des droits de l'Homme au cours de la période qui a suivi le recouvrement de l'indépendance, afin de rétablir la vérité, réparer les préjudices subis suivant les règles d'équité et indemniser les victimes des violations. Entre 2004 et 2006, l'IER, au moyen d'investigations, de recueil de témoignages, d'auditions publiques des victimes et d'audiences à huis clos avec des témoins et d'anciens responsables, de l'examen d'archives officielles et de la collecte de données de toutes les sources disponibles, a pu établir la nature, la gravité et le contexte des violations, à la lumière des principes et normes du droit international des droits de l'Homme. La mise en œuvre des recommandations de réformes préconisées par l'IER pour préserver la mémoire, garantir la non répétition des violations passées, effacer leurs séquelles, restaurer et renforcer la confiance dans les institutions et le respect de l'Etat de droit et des dispositions des droits de l'Homme, a été confiée au CCDH, le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (devenu actuellement le Conseil National des Droits de l'Homme). Cette mise en œuvre a essentiellement concerné : le volet de l'indemnisation individuelle (presque totalement réalisé); la réparation collective (en cours de réalisation, avec l'appui d'organismes internationaux, la constitution des archives en la matière et la préservation de la mémoire (objet d'un texte législatif), la réinsertion sociale et la couverture médicale, actuellement appliquée. Pour les recommandations relatives aux réformes institutionnelles et législatives (abolition de la peine de mort, protection contre les disparitions forcées, mise en œuvre du protocole facultatif contre la torture...), le CCDH a organisé des consultations et formulé des avis. CCDH : Les ONG déçues Depuis le début des années 1990, on constate une volonté du Maroc de «tourner la page » des violations commises par le passé. Ainsi des centaines de prisonniers politiques et d'opinion ont été libérés, des réformes juridiques et institutionnelles ont été réalisées et de nombreuses victimes d'atteinte aux droits humains et leurs proches ont été indemnisées. Cependant, ce sont la création de l'Instance équité et réconciliation (IER) en novembre 2003 et le travail accompli par cette instance, qui ont véritablement marqué une rupture symbolique avec le passé. Après que l'IER a achevé son mandat en novembre 2005, le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) a été chargé d'assurer le suivi de ses travaux et la mise en œuvre de ses recommandations. De nombreuses victimes et organisations non gouvernementales (ONG) se sont dites déçues par la façon dont les recommandations de l'IER sont mises en œuvre par le CCDH, en raison notamment des délais de réalisation, de l'absence de consultation d'organes indépendants et du manque de transparence. Par ailleurs, les réformes du cadre juridique et institutionnel tardent à être mises en œuvre, malgré l'objectif déclaré de l'IER de mettre en place et de consolider des garanties afin que ne puissent plus se reproduire ces atteintes aux droits humains. Des atteintes aux droits humains, telles que l'usage excessif de la force par des responsables de l'application des lois, les allégations de torture et d'autres formes de mauvais traitements ne faisant l'objet d'aucune enquête, ou encore les restrictions abusives du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion s'agissant de questions jugées sensibles par les autorités marocaines persistent aujourd'hui encore, bien qu'elles soient moins nombreuses. Les recommandations issues des constats des parties prenantes auditionnées par le CES appellent à : - La mise en œuvre des recommandations de l'IER portant sur la consolidation des garanties constitutionnelles des droits humains. - La mise en œuvre des plans d'actions publics visant la protection de la vie à travers des mesures destinées à prévenir, à réduire les accidents de la circulation, les accidents du travail, les homicides et les suicides. - La proclamation de l'abolition de la peine capitale. Législation en déphasage S'agissant du point relatif aux conditions de travail contenu dans ce premier volet, le CES rappelle les normes et principes en la matière en précisant que « Toute personne a droit d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté » (Pacte international des droits économiques et sociaux, art. 6). L'emploi salarié et l'emploi dans la Fonction publique sont des formes de travail parmi d'autres (professions libérales, auto emploi, coopération, etc.). Le droit au travail n'ouvre pas un droit général, inconditionné ou illimité à l'emploi public. La Constitution garantit, d'une part « le droit d'accès aux fonctions publiques selon le mérite » et, d'autre part, « l'appui des pouvoirs publics en matière de recherche d'emploi et d'auto emploi » (art 31). L'appui à la recherche d'emploi implique la généralisation et le renforcement des dispositifs dédiés à la formation professionnelle, à l'orientation et la reconversion professionnelles et à l'intermédiation pour l'emploi. Cet appui requiert l'intervention conjuguée des pouvoirs publics, des collectivités locales, des entreprises publiques et privées ainsi que des associations professionnelles. Le caractère « juste et favorable » des conditions de travail porte, sous ce chapitre, sur la protection des minima légaux de salaires et sur l'amélioration continue des conditions de travail, précise le CES. Il implique aussi l'élimination de toutes les formes de travail prohibées (travail forcé, trafics d'êtres humains, etc.). Avis du CES Globalement, le taux de chômage a baissé de 9,7% en 2007 à 9,1% en 2010. Mais, des disparités persistent en matière d'accès à l'emploi et de revenus, entre milieux urbain et rural, entre les régions et envers les catégories spécifiques. La croissance de l'activité économique ne se traduit pas par une répartition équitable des revenus entre rural et urbain, entre régions et entre couches et catégories de la population. En matière de lutte contre le chômage, des efforts importants ont été déployés en faveur des jeunes, dont en particulier la mise en place de trois programmes (Idmaj, Taahil et Moukaoualati) portant sur l'appui à la création d'entreprises, la qualification des chercheurs d'emploi et la formation-insertion. Ainsi, le programme Idmaj a concerné plus de 225.000 demandeurs d'emploi diplômés entre 2007 à juin 2011, 83% d'entre eux ayant été titularisés au sein des entreprises d'accueil. Le programme Taahil, quant à lui, a concerné 59 000 demandeurs d'emplois sur la même période, avec un taux d'intégration de 70%. Le Maroc a ratifié les conventions relatives au travail forcé. Cependant, la législation marocaine n'est pas en conformité avec les Conventions. Les sanctions appliquées en cas de violations des lois relatives au travail forcé ne sont pas suffisamment dissuasives. Dans la pratique, le cas des travailleurs domestiques, souvent des filles âgées de moins de 18 ans, peut parfois s'apparenter à du travail forcé. Des rapports affirment la présence de trafic d'êtres humains dans le pays, y compris d'enfants. En référence à la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (ratification : 2001), le Maroc est appelé en toute urgence à élaborer une loi sur le travail domestique, en prenant en considération le travail domestique des enfants de moins de 18 ans exercé dans des conditions assimilables à l'esclavage ou dans des conditions dangereuses. Le Maroc doit aussi veiller à ce que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes ayant soumis des enfants de moins de 18 ans à un travail domestique forcé ou à des travaux domestiques dangereux soient menées à leur terme et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique. Enfin, le gouvernement est invité à communiquer copie de l'enquête de 2010 sur la situation des petites filles domestiques à Casablanca. Le fléau de l'exploitation sexuelle des enfants demeure invisible et méconnu au Maroc, raison pour laquelle le gouvernement ne ménage pas ses efforts. Un numéro vert a été mis à la disposition des enfants victimes de violence par l'Observatoire national des droits de l'enfant. Néanmoins, l'élaboration de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants est toujours au stade du processus de consultation. En fin de compte, le CES remarque : - Une défaillance du cadre légal et insuffisance des dispositifs et des ressources dédiés à l'accessibilité, à la transparence et au contrôle des organes d'intermédiation de l'emploi. - l'inapplication et absence de contrôle de l'effectivité des dispositions de la législation du travail - l'insuffisance de programme de formation professionnelle. - la non application des mesures et instruments permettant d'assurer la protection des enfants et adolescents contre l'exploitation et le trafic ainsi que de l'emploi des mineures. En conséquence, le CES recommande : 1 - de promouvoir le concept de travail décent, qui repose sur les leviers fondamentaux suivants : • l'égalité des chances et de libre accès à un marché de travail transparent, organisé et garantissant à tous les conditions de l'équité. • la garantie des droits fondamentaux des travailleurs. • la sécurité au travail et la protection sociale des travailleurs contre les risques sociaux (les accidents de travail, les maladies professionnelles, la perte de revenu …). • la garantie de service minimum ou services essentiels. 2 - la promotion des programmes de formation adaptés aux besoins de l'entreprise et aux exigences du marché. 3 - la promotion et améliorer les programmes de reconversion professionnelle. 4 - la définition et la promotion les mesures spéciales pour interdire le travail des enfants de moins de 15 ans. 5 - le respect de l'âge minimal d'accès à l'emploi, et interdire toutes les formes d'exploitations des enfants. 6 - le contrôle le fonctionnement et le respect du droit du travail par les organismes d'intermédiation de l'emploi.