Le Forum marocain pour la vérité et la justice a exprimé, mardi 23 février, son inquiétude devant «le peu de progrès réalisés» dans la mise en œuvre des recommandations de l'IER. La majorité des recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (IER) n'a pas été appliquée. C'est ce qu'affirme le Forum marocain pour la vérité et la justice (FMVJ). Le Forum a exprimé, mardi 23 février, lors d'une conférence de presse, son inquiétude devant «le peu de progrès réalisés» dans la mise en œuvre des recommandations de l'IER. Le FMVJ a rendu public par la même occasion un document contenant ses diverses observations à propos du rapport du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) sur le suivi des recommandations de l'IER rendu public le 7 décembre dernier. Le document affirme dans le cadre des remarques préliminaires que «les recommandations de l'IER ne sont pas de simples propositions que l'Etat marocain peut retenir ou non. Elles ont un caractère obligatoire dans la mesure où elles sont le fruit d'un processus de solution de la crise des graves violations des droits humains». Selon le FMVJ, le CCDH a présenté dans son rapport une interprétation de son rôle de suivi dans l'application des recommandations de l'IER . Selon cette interprétation, explique le document, la responsabilité de ce suivi serait très parcellisée et partagée entre plusieurs acteurs. «Cette vision est très réductrice et dilue la responsabilité de la direction et de vigilance du processus de mise en œuvre de ces recommandations en tant que clé de la non réédition des graves violations», explique le Forum. Le document fait observer que plusieurs organisations internationales de droits humains, notamment Human Rights Watch et le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ainsi que plusieurs Etats liés au Maroc par des liens de partenariat ont exprimé leur inquiétude à propos de l'application des recommandations de l'IER. En dehors des observations préliminaires, le document du Forum énumère les recommandations de l'IER dont le suivi n'a pas progressé. Ainsi, concernant le volet des réformes institutionnelles et législatives, le FMVJ indique que le rapport du CCDH mentionne «succinctement» ses actions en faveur de ces réformes «sans aucune mention des réticences et des obstructions auxquelles il a dû faire face». Le Forum affirme, en outre, que le CCDH «prend l'initiative de son propre chef de déclarer que la revendication de présentation d'excuses officielles est dépassée et que par conséquent, il ne s'est pas préoccupé de l'application de la recommandation qui les concerne». Le FMVJ indique, également, que le CCDH considère que la recommandation d'une révision de la Constitution «ne saurait faire partie de son mandat car elle le dépasse». De nombreuses recommandations ont été également «occultées» par le CCDH, selon le Forum, notamment la ratification du Traité de Rome sur la Cour pénale internationale. Contacté par ALM, Ahmed Herzenni, président du CCDH, a refusé de commenter les observations du FMVJ. «Nous organiserons prochainement une conférence de presse pour exprimer nos observations. Je ne suis pas censé commenter tout ce qui se dit à propos de cette question», a-t-il révélé à ALM. A rappeler que le Parti Authenticité et Modernité (PAM) avait récemment interpellé le gouvernement à propos de la mise en œuvre des recommandations de l'IER. Cette formation politique estime que quatre ans après la publication du rapport de l'Instance, le gouvernement ne s'est toujours pas investi dans la mise en œuvre de ses conclusions. Le FMVJ critique les incohérences du rapport Le Forum critique dans son document les explications fournies par le CCDH à propos des victimes disparues, mortes ou présumées mortes. Le FMVJ estime que «le respect dû à la mémoire de ces victimes et le respect des souffrances et des attentes de leurs proches interdisent de ramener leurs cas à une question de chiffres arrondis». Le Forum détaille ensuite les incohérences du rapport du CCDH à propos des victimes disparues. «Le nombre de victimes des événements sociaux de Casablanca en 1665 et 1981 et qui ont été identifiées passe de 64 à 138 alors que 164 des 176 victimes de ces événements n'ont toujours pas été identifiées. Les cas de disparitions forcées non résolues par l'IER étaient selon le rapport final au nombre de 66. Sans aucune explication additionnelle, le rapport du CCDH parle de 67 cas. Une différence... Les 89 morts en détention selon l'IER deviennent 90 selon le CCDH, là encore aucune explication...». Ce sont là quelques exemples «d'incohérences» fournis par le document. Couverture médicale : «Seulement 3605 victimes ont reçu leur carte de la CNOPS» Le FMVJ affirme dans son document que la recommandation de l'IER sur «la couverture médicale concerne plus de 10.000 victimes alors que 3605 seulement ont reçu à ce jour leur carte de la CNOPS via le CCDH». Le Forum indique, en outre, la recommandation de l'IER relative à la création d'un centre national permanent et de centres régionaux pour l'orientation et l'assistance médicale des victimes «est restée lettre morte à ce jour». Le FMVJ remet en question, par ailleurs, l'exclusion de la couverture médicale des victimes du programme de compensations matérielles qui avaient déposé leurs demandes hors délais. Le cas des victimes exclues des compensations individuelles Le Forum marocain pour la vérité et la justice affirme qu'il n'a pas encore reçu une réponse satisfaisante à propos des demandes présentées hors du délai fixé par l'IER et dont le nombre est supérieur à 50.000 selon l'association. L'association qualifie d'incompréhensible le fait «d'admettre 283 cas des victimes du Polisario» dans le cadre du suivi des recommandations, alors que l'IER avait considéré que ces cas ne relèvent pas de son mandat et au moment même «où les élèves de l'Ecole militaire d'Ahermoumou, pourtant victimes de l'Etat marocain, continuent à être exclus des compensations parce que leur cas n'entrait pas dans le mandat de l'IER».