Jusqu'à quel point est-ce intéressant pour le Maroc d'intégrer l'organisation panafricaine dans sa structure actuelle ? C'est la question que se posent pas mal de Marocains quand il est question du retour du Maroc au sein de l'organisation panafricaine, qu'il avait quitté sous son ancienne forme, l'Organisation de l'Unité Africaine, il y a près de trois décennies. Depuis lors, l'OUA, à la création de laquelle avait activement participé le Maroc, en 1963, est devenue l'Union Africaine en 2002, sous l'impulsion du dictateur déchu, Kaddhafi, et de l'Afrique du sud, cet autre appui du mouvement sécessionniste polisarien. Le Maroc est le seul pays d'Afrique qui ne soit pas membre de l'UA. Il ne s'en est pas mal sorti pour autant. Sa diplomatie n'en a été que plus active à l'échelle continentale et il est lié par de multiples accords de coopération bilatéraux à plus d'une quarantaine de pays africains. Et sa défense des intérêts du continent à l'échelle internationale est tellement efficace et crédible qu'il a obtenu récemment le soutien de nombre de pays africains pour siéger au sein du Conseil de sécurité de l'ONU pour un mandat de deux ans. Au mois de juin prochain, c'est le Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères des pays du CEN-SAD, la Communauté des Etats sahélo-sahariens, qui devrait tenir une réunion extraordinaire à Rabat, comme l'a annoncé le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, M. Saad Dine El Othmani, lors de sa visite en Ethiopie, en marge du 18e Sommet de l'UA qui s'est déroulé à Addis-Abeba. Lors de ce sommet des chefs d'Etats et de gouvernements africains membres de l'UA, nombre de dirigeants africains se sont prononcés pour le retour du Maroc au sein de l'instance africaine. «L'Union africaine ne peut pas se passer d'un pays aussi important que le Maroc», a déclaré le nouveau président tunisien, M. Moncef Marzouki, dont le pays a été élu deuxième vice-président de l'Union Africaine. «La Tunisie va faire tout son possible pour que cette anomalie majeure qu'un grand pays comme le Maroc n'ait pas sa place dans la famille commune, que cette anomalie majeure soit corrigée et que nous ayons un jour nos amis marocains dans cette place». Parce que la Tunisie veut jouer un rôle actif dans le Maghreb, comme l'a souligné M. Marzouki, que les pays de cette région sont entrain de connaître une intense évolution démocratique et qu'un Maghreb unifié ne manquerait pas de peser d'un grand poids sur la scène politique africaine, il semblerait que cette perspective ne soit pas du goût de certains pays africains, pour des raisons purement géopolitiques. Il n'y a d'ailleurs que les dirigeants algériens qui semblent totalement dénués de toute vision géopolitique. Ou plus exactement de toute vision géopolitique à l'échelle continentale et mondiale, les généraux algériens ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez, c'est-à-dire le Maroc. Le genre d'alliances stratégiques noué par l'Algérie à l'échelle continentale est la preuve même de la bêtise géopolitique de ses dirigeants. Comment peut-on faire d'un concurrent naturel du Maghreb sur le continent un allié, si ce n'est le sentiment de haine poussé à la déraison qui tient lieu de réflexion stratégique. Du coûp, la structure panafricaine ne fait que refléter des idéologies archaïques et des contradictions politiques de ses concepteurs. Les chefs d'Etats africains réunis en conclave à Addis-Abeba les 29 et 30 janvier, n'ont même pas réussi à se mettre d'accord sur la personnalité qui devra présider la Commission de l'Union africaine. C'est le kenyan M. Erastus J.O. Mwencha Kin, vice-président de cette commission qui va assurer l'intérim jusqu'au prochain sommet de l'UA au mois de juin, à Cotonou, au Bénin. En attendant que les leaders africains finissent par se prononcer entre les candidatures du président sortant de la commission, le gabonais, M. Jean Ping, et la ministre sud-africaine de l'Intérieur, Mme. Nkosazana Dlamini-Zuma. Les nouveaux appétits étrangers L'Afrique a besoin du Maroc comme le Maroc a besoin de l'Afrique pour stimuler le développement socioéconomique du contient et se forger une position influente à l'échelle internationale. Mais l'UA, en tant que structure politique panafricaine, se prête-elle vraiment à un dessein aussi grandiose ? Il est légitimement permis d'en douter. Les richesses et marchés du continent africain attirent depuis toujours les appétits étrangers. Sauf que désormais, la concurrence pour la captation de ses richesses et marchés compte de nouveaux acteurs, les puissances régionales nouvellement industrialisées. Leur quête forcenée de matières premières pour alimenter leurs industries et de nouveaux débouchés pour leurs produits a sérieusement de quoi inquiéter. «Nous ne voulons pas d'une nouvelle phase colonialiste à prédominance économique qui a des relents politiques et qui va retarder l'accès du continent africain au développement et à la maîtrise des nouvelles technologies», a déclaré à ce sujet M. Mustapha Niasse, ancien premier ministre du Sénégal et candidat aux élections présidentielles, dans un entretien accordé récemment au confrère «Le Matin». Pour faire face à ce nouveau défi, le pragmatisme est de rigueur, car «il faut savoir où se situe la frontière entre l'intérêt stratégique de nos nouveaux alliés et la nécessité de faire un partenariat qui soit profitable à toutes les parties», a précisé M. Niasse. Autrement dit, l'Afrique a besoin d'un leader économique qui joue le rôle de locomotive pour les autres pays du continent et autour duquel se regrouper pour traiter avec les nouveaux partenaire de l'Afrique. Tels ont été exactement les sujets traités lors du forum de Rabat, qui s'est déroulé le 25 janvier dernier et qui était consacré aux «Enjeux d'une intégration régionale». Toutefois, aussi importants que soient les aspects économiques de cette intégration régionale, le politique garde toute son importance et une refonte des structures de l'UA, sur des bases plus rigoureuses et pragmatiques, est une nécessité incontournable. Il faudrait disposer des outils institutionnels adéquats pour s'atteler au chantier de l'édification d'une Afrique politiquement et économiquement souveraine. Et ce n'est pas ce canard boiteux qu'est l'Union Africaine, dans sa structure actuelle, qui a des chances de remporter la course.