Par Abdellatif Mouhtadi Dans notre édition du 17 Juillet 2011, nous avons entamé une première série d'articles qui ambitionnent de faire profiter aux lecteurs la synthèse d'études et de recherches consacrées au code de la rue. Dans ce premier article nous avons invité les lecteurs à ne pas le confondre avec le code la route ; comme nous avons défini le principe sur lequel est fondé ce code à savoir le principe de partage équitable de la voie public entre tous les usagers de cette voie, aussi bien les motorisés que ceux à mobilité réduite, en d'autres termes aussi bien les forts que les faibles. Dans l'édition du 8 Août 2011, nous avons développé les premières idées saillantes qui font l'apanage du code de la rue, notamment la création de zones dédiées à la marche, à la bicyclette, aux rencontres, aux jeux et aux loisirs. Dans l'édition du 16 Août 2011, nous sommes entré dans le vif de notre sujet avec comme premier plaidoyer la délivrance du trottoir, sa reconquête et sa remise au service au bénéfice des ayants droits qui sont les piétons. Aujourd'hui nous continuons notre quête du trottoir en présentant certains problèmes qui se posent à sa gestion. Les trottoirs dans nos villes présentent un témoignage accablant sur la mauvaise gestion, le manque de volonté des responsables, et le manque de savoir-faire des services ayant la charge de l'entretien de cette aire de l'espace public. Voilà des trottoirs qui ne sont rien d'autre que des amas de terre battue, ou des morceaux de pavés très mal posés, ou des pièces revêtus là et là par un matériau de très mauvaise qualité. Pire encore, des trottoirs recouverts de saleté, encombrés par des équipements non opérationnels, meublés par un mobilier soit disant public qui a cessé de produire le moindre service public depuis bonne lurette. Un mobilier qui ne sert plus à rien sauf occuper le peu d'espaces encore disponibles qui échappent encore et par un coup de chance inespéré aux nouveaux prédateurs des espaces urbains ; ces rongeurs ravageurs qui ont investi les trottoirs partout dans nos villes en les convertissant en des marchés, en des souks qui échappent à tout contrôle et en arènes assiégées par les nouveaux gladiateurs des temps modernes, les marchands ambulants, les délinquants, les hors la loi et les bandes armées à l'épée. C'est le cas de ces poteaux aux files électriques arrachés qui surprennent les passants par leur charge à basse tension, surtout quand il pleut ; parce que les employés ne finissent pas leur travail, où ces fuites d'eaux qui jaillissent pour donner une douche froide aux passants ; parce que les employés sont introuvables. C'est le cas des plaques de signalisation dressées à même le chemin du piéton sans le moindre souci de les placer là où ils ne doivent gêner personne, comme par exemple respecter la hauteur pour éviter les petits accidents de heurts au niveau de la tête et du visage. En plus, le plus souvent ces plaques de signalisation sont à un niveau aussi bas qu'ils cachent la co-visibilité exigée par le nouveau code de la route entre piéton à l'intention de traverser la chaussée et l'automobiliste. C'est le cas des enseignes publicitaires qui constituent un vrai casse tête pour les passants, qui rencontrent des difficultés pour les éviter et qui sont contraints à demeurer très vigilants pour ne pas être blessés ; parce que ces enseignes publicitaires non seulement occupent de grandes surfaces du trottoir, mais sont déposées à tort et travers et se trouvent parfois dans un état avancé de détérioration qu'ils deviennent très dangereux à cause de leur gabarit volumineux et à cause de leur mauvais entretien. C'est le cas de ces conteneurs à poubelle qui reçoivent des quantités énormes d'ordures jusqu'à la saturation et une fois remplis c'est le sol tout autour qui reçoit les surplus d'ordures contenus dans des sacs de fortune ou jetées directement sans emballage. Un comportement qui débouche sur des scènes de misère horribles qui affectent la sensibilité du regard et de l'odorat et qui terrasse la bonne humeur des piétons. C'est le cas de tous ces objets enracinés dans le sol qui deviennent de vrais pièges aux risques parfois majeurs ; à l'instar de ces morceaux de fer tranchants à la lame qui coupent les doigts et qui sont capables de crever l'estomac d'un écolier qui court sur le trottoir sans faire attention. C'est le cas de ces arbres vieillissants qui occupent de vastes espaces sur le trottoir au point que le piéton doive faire une manœuvre pour les contourner ; mais une manœuvre qui risque de lui coûter la vie si jamais il s'engage sur la chaussée. A vrai dire, marcher sur le trottoir dans nos villes ressemble au parcours du combattant ; mais combien de combattant rend ses armes et s'avoue vaincue, tellement le pauvre est dépassé par l'atrocité de la voie publique qui ne mène nulle part ; qui ressemble de plus en plus à un labyrinthe rempli de pièges, de taupiers, d'embuscades de traquenards et de souricières; à la manière d'un soldat pris dans un champ miné. Que peut-il faire un vieillard forcé (lui sans force) à contourner tous ces obstacles afin d'éviter un pire qui va tout de même inexorablement se produire ? Que peut-il faire ce pauvre vieillard face à des entrées d'immeubles qui mènent au sous sol et qui opèrent une plaie dans le trottoir et qui peuvent mesurer jusqu'à 80cm de profondeur. Ces entrées sont de véritables puits qui empêchent notre vieillard de progresser ; bien qu'il ne soit pas le seul à être stoppé dans son élan ; mais tous les enfants, les femmes enceintes, les malades, les aveugles, les handicapés, en plus des piétons chargés de colis, les boiteux ou les « mal à l'aise » Comment nos architectes ont-ils été capables d'une aussi grosse balourdise ? à savoir dessiner des caves d'immeubles sans régler techniquement leurs entrées, en recourant à la solution aussi simpliste qu'idiote de résoudre leur problème technique d'entrée aux caves au détriment de l'aire impartie au trottoir, c'est-à-dire se rabattre sans vergogne et sans scrupule sur l'espace public ; chose qui constitue un outrage au principe de l'inviolabilité du trottoir que nous avons développé lors de l'édition précédente. Ailleurs, ce principe relève du pénal. Les codes de la rue et les chartes de l'espace public adoptés par un nombre de villes européennes invitent les architectes à concevoir des entrées aux caves d'immeubles qui doivent rester au niveau du sol, afin de préserver la régularité du trottoir, sa platitude et sa continuité. Ces codes insistent sur le fait que la solution technique des entrées aux caves d'immeubles se trouvant sur une voie publique devra être puisée non pas à l'extérieur de l'immeuble, mais à son intérieur ; il suffit que les architectes conçoivent bien leurs plans pour que la pente qui mène à la cave soit douce, exactement comme le sont leurs maquettes destinées à l'expo. Chez nous, ces entrées aux caves sont une insulte à la dignité du citoyen ; qui doit être un athlète pour pouvoir sauter tous ces haies dressées sur son chemin. Comment se fait-il que les responsables qui ont la charge de protéger la voie publique ôtent le trottoir de leurs calcules et semblent ignorer même l'existence d'une voie publique dédiée au piéton baptisée « trottoir » ? Cela se voit bien que nos responsables ne sont pas conscients de l'existence de fait et de droit de ces aires spatiales qu'on ne cesse de grignoter pour élargir les chaussées. Comment cela est-ce possible de sacrifier la voie dédiée au piéton pour agrandir celle dédiée à la motorisation ? Ce n'est pas à nous de rappeler qu'il y a des trottoirs qui sont entièrement sacrifiées à l'autel des voies rapides carrossables et qu'il n'y a point de trottoir qui peut servir de refuge pour les faibles à mobilité réduite. Et quand les piétons se rabattent sur la chaussée, ils sont traités de ciglés et de sous développés par ces mêmes motorisés qui n'hésitent pas à utiliser le trottoir pour garer leurs engins. D'où toute l'importance et l'ingéniosité du code de la rue ; qui ambitionne de régler tous ces problèmes ‘et ils extrêmement nombreux' imposés quotidiennement par les conflits nés de l'usage musclée de la voie publique et des rapports conflictuels inégalés dans les périmètres urbains à suivre