Les dirigeants militaires de l'Egypte ont averti les manifestants, mardi, de ne pas nuire à «l'intérêt public», tandis que les protestataires poursuivaient leur siège devant le plus grand édifice gouvernemental du Caire tout en menaçant de s'installer dans d'autres lieux de la capitale. Des milliers de manifestants ont défilé mardi au Caire pour critiquer l'armée égyptienne, qui dirige le pays, et demander le départ de son chef, après avoir rejeté comme insuffisantes des mesures d'apaisement présentées par le Premier ministre Essam Charaf. Les autorités militaires ont lancé leur mise en garde avant une importante manifestation visant à exiger une vaste purge des membres du régime déchu du président Hosni Moubarak et le jugement des policiers accusés d'avoir tué des manifestants lors du soulèvement. Plusieurs centaines de manifestants campent depuis vendredi sur la place Tahrir du Caire, épicentre du soulèvement qui a mené à la démission forcée du président Moubarak, le 11 février. Ils promettent de ne pas quitter la place jusqu'à ce que les autorités répondent à leurs demandes. La déclaration du Conseil militaire, lue à la télévision nationale par le major-général Mohsen El-Fangari, est la mise en garde la plus sévère des dirigeants militaires depuis le renversement d'Hosni Moubarak. L'avertissement a été lancé sur un ton menaçant, qui suggère que les militaires sont peut-être sur le point de perdre patience face aux innombrables manifestations, sit-ins et grèves qui affectent l'Egypte depuis le soulèvement de l'hiver dernier. Mardi matin, une trentaine d'hommes armés de couteaux et de bâtons ont attaqué le camp de tentes des manifestants, blessant six personnes, avant d'être expulsés de la place par les manifestants. La continuité du régime MoubarAk ? En début de soirée mardi, après le coucher du soleil, des milliers de manifestants supplémentaires ont afflué vers la place, profitant d'une chaleur un peu moins écrasante dans la capitale égyptienne. De plus en plus de manifestants pro-démocratie considèrent les dirigeants militaires comme une simple extension du régime Moubarak, et les accusent d'être trop révérencieux envers l'ancien président, qui a été placé en état d'arrestation dans un hôpital de Charm El-Cheikh. D'une façon sinistre, le Conseil militaire a appelé les Egyptiens à «confronter» toute action qui empêche le retour à la normale dans le pays, un avertissement à peine voilé aux manifestants qui bloquent la place Tahrir et qui entravent la circulation dans le centre de la capitale. Les manifestants campent devant un édifice gouvernemental situé sur la place et ont menacé d'étendre leur siège aux bâtiments du ministère de l'Intérieur et de la télévision publique situés tout près. Le CSFA a, dans un message télévisé, répondu qu'il ne «renoncerait pas à son rôle dans la gestion des affaires du pays pendant cette période critique de l'histoire de l'Egypte». L'armée a aussi mis en garde contre «la dérive de certains manifestants par rapport à une approche pacifique». Un membre du CSFA, le général Mamdouh Chahine, a prévenu lors d'une conférence de presse que l'armée «n'utiliserait pas la force contre les manifestants, mais ferait preuve de fermeté face à toute tentative de sabotage». L'armée a également une nouvelle fois promis de rendre le pouvoir aux civils après la tenue d'élections législatives et présidentielle, et l'adoption d'une nouvelle Constitution. La rue veut la chute du maréchal et de Charaf Des milliers de manifestants ont défilé mardi au Caire pour critiquer l'armée égyptienne, qui dirige le pays, et demander le départ de son chef, après avoir rejeté comme insuffisantes des mesures d'apaisement présentées par le Premier ministre Essam Charaf. Les manifestants ont marché de la place Tahrir, occupée par des protestataires depuis plusieurs jours, jusqu'au siège du gouvernement, protégé par des soldats et des blindés. Ils sont ensuite revenus sur la célèbre place, haut lieu de la contestation qui fit chuter Hosni Moubarak en février. Le cortège a scandé «le peuple veut la chute du maréchal !», en référence au maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige désormais le pays. Hussein Tantaoui fut pendant vingt ans le ministre de la Défense de M. Moubarak. Ils ont également réclamé «justice pour les martyrs», en référence aux civils tués lors de la révolte anti-Moubarak. Les manifestants critiquent la lenteur des réformes, et réclament une purge dans la police ainsi qu'une justice plus ferme et plus rapide à l'égard des anciens dirigeants. Ils exigent aussi le limogeage des ministres proches de l'ancien pouvoir. Un Premier ministre affaibli Des grandes manifestations avaient déjà eu lieu vendredi dernier au Caire et dans plusieurs autres villes, pour critiquer l'armée ainsi que le Premier ministre de transition Essam Charaf. «Tahrir veut la démission de M. Charaf», titrait entre autres le quotidien indépendant Al Chourouq. Selon le quotidien anglophone Daily News Egypt, M. Charaf aurait mis sa démission dans la balance au cas où il ne pourrait remanier en profondeur son équipe gouvernementale et répondre aux demandes des manifestants, qui ont également poursuivi leur mobilisation à Alexandrie et de Suez. M. Charaf, un universitaire austère et réputé intègre, avait été chaleureusement accueilli par les mouvements pro-démocratie lors de sa prise de sa prise de fonctions en mars. Son pouvoir est toutefois rapidement apparu des plus limités face à la tutelle de l'appareil militaire qui le réduit à la gestion des affaires courantes. L'armée a réaffirmé mardi son soutien à M. Charaf, mais ce dernier apparaissait affaibli, pris entre les exigences des manifestants et les réserves de l'armée.