Après les prochaines élections législatives, SM le Roi aura à nommer le chef du gouvernement, celui dont le parti serait arrivé en tête des élections législatives. C'est-à-dire que le prochain gouvernement sera issu du suffrage universel direct, dans le strict respect des normes démocratiques. Même si c'est déjà le cas, puisque l'actuel premier ministre, aussi secrétaire général du parti de l'Istiqlal, M. Abbas El Fassi, et son gouvernement ont été ainsi nommés. Sauf que le Souverain n'était pas tenu de les choisir sur cette base, selon les dispositions de l'ancienne Constitution. Pour la première fois, donc, de leur histoire, les Marocains vont choisir eux-mêmes le programme politique qui leur semble le mieux répondre à leurs attentes et les moyens d'y parvenir. Et delà, de la couleur politique de leur gouvernement et de celui qui va le diriger. Un droit qui entraîne une bien lourde responsabilité. Car les attributions du Premier ministre ont été grandement élargies. « Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif », indique l'article 89 de la nouvelle loi fondamentale de la nation, signifiant la nette séparation entre les pouvoirs et prérogatives de SM le Roi, chef de l'Etat et des armées, ceux du Parlement, détenteur du pouvoir législatif, et du chef du gouvernement. Outre ceux du pouvoir judicaire, désormais indépendant. Contrairement à ce que prétendent quelques éternels insatisfaits, le Souverain a bel et bien cédé pas mal de ses pouvoirs que lui attribuait l'ancienne Constitution au chef du gouvernement dans l'actuelle, celui de dissoudre le parlement n'étant pas le moindre. Le chef du prochain gouvernement marocain aura donc à soumettre la liste de ses ministres et éventuellement de secrétaires d'Etat à SM le Roi, pour approbation. Après quoi, il aura à présenter, devant les deux Chambres du Parlement réunies, le programme qu'il compte appliquer. Ce programme fait l'objet d'un débat devant chacune des deux Chambres. Il est suivi d'un vote à la Chambre des Représentants. « Le Gouvernement est investi après avoir obtenu la confiance de la Chambre des Représentants, exprimée par le vote de la majorité absolue », selon l'article 88 de la nouvelle Constitution. L'article suivant précise que sous l'autorité de son chef, le gouvernement applique son programme et assure l'exécution des lois. D'après les dispositions de l'ancienne Constitution, c'était au conseil des ministres, présidé par le roi, que revenait la responsabilité de décider de la politique générale du pays. Dorénavant, selon les dispositions de la nouvelle loi fondamentale de la nation, c'est au Conseil du gouvernement, présidé par son chef, que revient cette charge. Le Chef du Gouvernement est tenu d'informer SM le Roi des « conclusions des délibérations du Conseil de Gouvernement », stipule l'article 92 de la Constitution. Des ministres pénalement responsables Mieux encore, le chef du gouvernement pourra présider même le Conseil des Ministres, sur instruction de SM le Roi et selon un ordre du jour préétabli. Le Chef du Gouvernement exerce pareillement le pouvoir réglementaire et peut « déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres », peut-on lire dans l'article 90. Ou il est également indiqué que « les actes réglementaires du Chef du Gouvernement sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution ». Le chef du gouvernement, qui a le pouvoir de proposer ses ministres à l'approbation royale, mais aussi de mettre fin à leurs fonctions, est responsable vis-à-vis des membres de son équipe. Les ministres, pour leur part, « sont responsables, chacun dans le secteur dont il a la charge et dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de la mise en oeuvre de la politique du gouvernement », d'après l'article 93 de la Constitution. Ainsi que d'exécuter les missions qui leur sont confiées par le chef du gouvernement et d'en rendre compte en conseil de gouvernement. « Ils peuvent déléguer une partie de leurs attributions aux Secrétaires d'Etat ». La volonté de responsabilisation plus poussée du chef du gouvernement et de ses ministres est clairement affichée par la nouvelle loi fondamentale. Ainsi, le tiers seulement des députés de la Chambre des Représentants peuvent présenter une motion de censure contre le gouvernement ou l'un de ses membres, alors qu'il fallait la majorité absolue selon les dispositions de l'ancienne Constitution. L'article 94 de la nouvelle Constitution souligne que « les membres du gouvernement sont pénalement responsables devant les juridictions du Royaume pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions ». Cette évolution inscrite désormais dans la loi fondamentale de la nation n'a pas échappé à l'attention de l'organisation internationale des Droits humains, Amnesty International. « L'inclusion dans la nouvelle Constitution marocaine de clauses qui engagent le gouvernement à faire respecter les droits humains - en protégeant le droit à la liberté d'expression, en assurant la parité entre hommes et femmes (...) et en criminalisant explicitement l'usage des abus a été un pas important dans la bonne direction », d'après une déclaration rapportée par la MAP. L'article 89 de la Constitution stipule que le Chef du gouvernement « dispose de l'administration et supervise l'action des entreprises et établissements publics », il a aussi le pouvoir de nomination « aux emplois civils dans les administrations publiques et aux hautes fonctions des établissements et entreprises publics », selon l'article 91, et peut déléguer ce pouvoir. Comme c'est aussi au chef du gouvernement que revient la nomination des gouverneurs et walis, la correcte mise en œuvre du programme gouvernemental à l'échelle régionale, préfectorale et provinciale n'en est que mieux assurée. Le département de l'Intérieur, pendant trop longtemps « Ministère de tous les Ministères », ne va plus constituer le gouvernement « fantôme » tant décrié par une bonne partie de la classe politique et de l'opinion publique nationales. Ainsi, l'exercice de la politique au Maroc va enfin prendre toute sa signification et les partis politiques verront leur rôle et importance accrus.