Les mécanismes esthétiques et spirituels dans le cinéma de Mohamed Abderrahman Tazi», est le titre du dernier ouvrage que vient de publier « L'Association Al Kabas pour le cinéma et la culture », c'est-à-dire le ciné-club de la ville d'Errachidia, centrant ses activités annuelles, sur des rencontres autour de cinéastes marocains et leur parcours artistique. La troisième rencontre avait comme thème l'expérience de Mohamed Abderrahman Tazi, qui a donné naissance à ce petit ouvrage de 100 pages, de format moyen et non illustré. Plusieurs chapitres composent ce livre dont le premier est réservé au parcours cinématographique du cinéaste en commençant par sa formation à l'IDHEC dont il est lauréat en prise de vue en 1963 parmi d'autres lauréats devenus des collègues au CCM et à qui l'on doit la réalisation de nombreux films, documentaires, de fiction ou de fiction documentaires, bref, ceux qui ont fait l'âge d'or du cinéma marocain et dont Tazi est l'un des piliers puisqu'il assura l'image des meilleurs d'entre eux. L'année 1981 va constituer évidemment un tournant quand, avec l'instauration du Fonds de soutien en 1980, plusieurs cinéastes-techniciens vont passer carrément à la réalisation notamment Ahmed Maânouni, Abdallah Zerouali, Ahmed Bouanani, et Mohamed Abderrahman Tazi. Ce passage ne va pas réussir à tout le monde, mais « Le grand voyage » est un film qui va tout de suite marquer la modeste filmographie nationale. Sept ans plus tard, Tazi marque un deuxième coup avec « Badis », film appréciable mais comme le premier, ne rallie pas le public par défaut de distribution surtout. Cependant, avec « A la recherche du mari de ma femme » (1993), le public est enfin conquis, non seulement au Maroc mais à l'étranger également, ce qui est une première pour le cinéma marocain, de plus en plus reconnu à l'étranger. Un regain de confiance et enfin établi entre le cinéma marocain et son public et dont Tazi y était pour beaucoup. Un deuxième chapitre est consacré à la perception du réel chez le cinéaste, à travers des films aussi riches que « Le grand voyage », « Badis, « A la recherche du mari de ma femme » et « Lalla Hobby », car les films de Tazi, au moins ceux qui sont en rapport avec le réel, se prêtent à plusieurs interprétations. On n'hésite pas à citer Edgar Morin pour illustrer de telles pensées considérant l'importance de ce penseur dans le domaine. « Les voisines d'Abou Moussa » est le dernier long-métrage de Tazi, ce film, à la différence des films précédents, est adapté d'un roman qui porte le même titre et qui a fait couler beaucoup d'encre en tant qu'œuvre littéraire, écrite par Ahmed Taoufik, alors professeur universitaire. Ce fut l'occasion où le cinéaste expérimente l'adaptation, vivre ses contraintes et subir même les jugements aussi néfastes qu'ils soient. Souvent, on crie à la trahison en maudissant le film au profit de l'œuvre ce qui est souvent injuste. Chaque lecteur finit par imaginer sa propre œuvre qui n'est pas forcément illustrée par le film, d'où l'inévitable déception. Le film « Badis » a droit évidemment à tout un chapitre. On doit reconnaître que l'œuvre est profonde et si bien illustrée grâce à un jeu d'acteur sans égal. Le lieu, le temps, le jeu, la musique, le drame tout aide à développer cette parfaite production qui ne trouve d'égale qu'auprès de « Wechma » ou « Le mirage », des œuvres de références reconnues par tous. L'entretien réalisé avec l'auteur est la cerise sur le gâteau, là où il apporte son jugement direct sur certains faits. Il nous raconte comment il est venu au cinéma où souvent le fait du hasard est déterminant pour voir s'épanouir à l'avenir les potentialités créatives enfouies. Mohamed Abderrahman Tazi n'a pas mis beaucoup de temps pour les dévoiler.