Rarement conférence des parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (Cites) aura autant fait parler d'elle. Ce coup de projecteur tient, pour beaucoup, à la focalisation sur le thon rouge, espèce convoitée et surpêchée dont le sort fait l'objet d'une intense bataille diplomatique. Son commerce pourrait être suspendu à l'occasion de cette réunion, qui se tient à Doha (Qatar) du samedi 13 au jeudi 25 mars. L'année internationale de la biodiversité, décrétée par les Nations unies en 2010, renforce encore l'intérêt pour la conférence. Plus d'un tiers des espèces sauvages recensées par l'Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN) est menacé d'extinction. La communauté internationale s'est engagée à stopper la destruction d'écosystèmes indispensables à l'homme, sans succès jusqu'à maintenant. Or la Cites est un des rares outils multilatéraux de protection de la nature ayant démontré son efficacité. A tel point qu'elle apparaît de plus en plus comme un recours. L'objectif de la convention, adoptée en 1973, est de s'assurer que le commerce international d'espèces sauvages, qui génère des milliards de dollars de recettes chaque année et porte sur plus de 350 millions de spécimens, ne menace par leur survie. «Chaque jour, nous consommons de la biodiversité pour notre alimentation, notre mobilier, nos cosmétiques, nos vêtements, nos bijoux, nos objets d'art, notre pharmacie, souligne Juan Vasquez, porte-parole du secrétariat de la Cites. La nature est une ressource renouvelable si on la gère bien, mais si on dépasse les limites, on provoque des extinctions.» Pour endiguer le phénomène, chacun des 175 Etats parties de la Cites peut, tous les trois ans, proposer d'intégrer une ou plusieurs espèces à l'une des annexes de la convention. L'annexe I est réservée aux animaux et végétaux menacés de disparition imminente. Si la proposition est votée à la majorité des deux tiers, le commerce international en est interdit. Les espèces surexploitées, sans être en danger critique, sont proposées à l'annexe II. Leur commerce est autorisé, mais les Etats doivent fournir des certificats garantissant qu'elles ont été prélevées légalement et qu'elles ne sont pas surexploitées. Quelque 33 000 espèces sont aujourd'hui classées, dont moins d'un millier à l'annexe I, qui inclut grands singes, éléphants, guépards, tigres, tortues, oiseaux de proie, crocodiles, cactées, orchidées... Le système a fait ses preuves. L'interdiction du commerce international de l'ivoire, en 1989, a été un moment historique pour la Cites. Sans cette convention, il n'y aurait sans doute plus à la surface du globe ni éléphants, ni tigres, ni rhinocéros, ni tortues marines... Une quarantaine d'amendements sont proposés à la quinzième conférence des parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites). Ils concernent pour la première fois un grand nombre d'espèces marines. Thon rouge. Monaco propose d'interdire le commerce international de cette espèce très lucrative menacée par la surpêche. Les Etats-Unis y sont aussi favorables. Au terme d'une longue bataille politique, la France a décidé de soutenir la proposition, avec une entrée en vigueur différée, tout comme l'Union européenne (UE). Le Japon, importateur de 80 % des stocks, a promis de «tout faire» pour s'opposer au classement à l'annexe I. Requins. Une dizaine d'espèces en déclin, dont le requin-marteau et le requin-taupe, exploitées pour leur chair et leurs ailerons, sont proposées à l'annexe II. Coraux. Les Etats-Unis et la Suède soumettent l'inscription du corail rouge et du corail rose, décimés par l'exploitation pour la fabrication de bijoux, à l'annexe II. Eléphants d'Afrique. La Tanzanie et la Zambie cherchent à obtenir l'autorisation de vendre, en une seule fois, les stocks d'ivoire prélevés sur les animaux morts naturellement depuis l'interdiction du commerce, en 1989. Cette proposition est combattue par les écologistes, qui redoutent que cette mise sur le marché crée un appel d'air favorable au braconnage. L'UE n'y est pas favorable. Un groupe de sept pays africains, mené par le Kenya, propose au contraire un moratoire de vingt ans sur tout assouplissement des mesures concernant l'ivoire. Ours blanc. Les Etats-Unis veulent l'interdiction totale de son commerce international. Le Canada y est opposé. La proposition ne fait pas l'unanimité parmi les défenseurs de l'environnement, pour qui l'ours blanc est surtout menacé par le réchauffement climatique, et non par le commerce. Autres animaux. L'Egypte et le Mexique cherchent à réduire les mesures de protection sur les crocodiles du Nil et de Morelet. A l'inverse, le Guatemala et le Honduras proposent l'inscription de quatre espèces d'iguanes recherchées par les collectionneurs. Végétaux. Madagascar demande l'inscription à l'annexe II de douze plantes endémiques. La Brésil et l'Argentine veulent réglementer le commerce du bois de rose et du «bois sacré», essences exploitées pour leur bois et la production d'huiles essentielles utilisées en parfumerie et en cosmétique.