Entre potentiel prometteur et défis structurels, le Maroc cherche à consolider sa place dans un environnement entrepreneurial régional en pleine mutation. Dans un monde où la dynamique entrepreneuriale s'impose comme moteur essentiel de croissance, le Royaume affiche des avancées notables, tout en faisant face à des défis persistants. Selon le Global Entrepreneurship Index 2025, publié par Opinium, le Maroc atteint un score de 50 sur 100, en progression par rapport aux 40 points enregistrés en 2011. Une évolution positive, qui masque néanmoins des disparités importantes entre les piliers évalués. Premier point saillant : le Maroc enregistre sa meilleure performance sur le pilier de la connectivité avec un score de 74. Cette avancée traduit les efforts soutenus pour moderniser les infrastructures numériques et de télécommunications, essentiels pour soutenir l'essor des startups dans le digital, l'e-commerce et les services innovants. À l'inverse, le capital humain reste le maillon faible avec un score de seulement 35. Cette faiblesse souligne, selon plusieurs observateurs, l'urgence de mieux aligner l'offre de formation aux besoins du marché de l'emploi, notamment dans les compétences techniques et numériques. L'inadéquation entre formation et emploi, couplée à un taux élevé de chômage des jeunes, limite fortement le dynamisme entrepreneurial. Accès au financement et potentiel de marché : Des leviers sous-exploités En matière d'accès économique et financier, le Maroc obtient un score de 48, un résultat modeste au regard des standards compétitifs. Malgré des initiatives comme le programme Intelaka, l'accès au crédit reste complexe, en particulier pour les jeunes pousses et les porteurs de projets innovants. Le potentiel de marché, également évalué à 48, révèle des opportunités réelles mais encore inégalement exploitées. Fort de plus de 50 accords de libre-échange, le Maroc bénéficie d'une ouverture commerciale stratégique, mais la taille limitée du marché intérieur et la concentration des activités économiques dans certaines régions en restreignent l'impact. Gouvernance : Un socle à renforcer Avec un score de 43 en gouvernance, le Maroc accuse un retard par rapport aux standards internationaux. La stabilité politique constitue un atout, mais les lourdeurs administratives, le manque de transparence et la lenteur de certaines réformes freinent encore l'initiative privée. Pour renforcer son attractivité, le Royaume devra, selon les spécialistes, poursuivre ses efforts en matière d'Etat de droit économique et de simplification des procédures. Comparé à d'autres pays de la région MENA, le Maroc affiche un profil intermédiaire. Les Emirats Arabes Unis, champions régionaux avec un score de 83 et une 11ème place mondiale, doivent leur succès à des réformes audacieuses, notamment l'ouverture à 100% du capital étranger et une fiscalité quasi nulle. De son côté, l'Arabie Saoudite, à travers Vision 2030, multiplie les initiatives pour renforcer son environnement des affaires.
À l'inverse, l'Algérie et la Tunisie, freinées par l'instabilité politique et des restrictions d'accès au financement, peinent à offrir un écosystème entrepreneurial dynamique. Dans ce contexte, le Maroc dispose d'une carte à jouer pour s'imposer comme un hub régional, à condition d'agir rapidement sur ses vulnérabilités. Inspirations venues des «rising stars» Le rapport Opinium révèle que certains marchés émergents, comme le Koweït (+9 places), le Mexique (+8) et l'Albanie (+6), ont su hisser leur attractivité entrepreneuriale grâce à des réformes pro-business et à une simplification drastique de l'accès au financement. Ces trajectoires prouvent qu'une transformation rapide est possible pour les économies ambitieuses. À l'échelle continentale, l'Afrique subsaharienne reste pénalisée par des défis structurels majeurs, avec un score global de seulement 26. Pourtant, quelques réussites isolées, comme celle du Rwanda dans les TIC, illustrent les marges de progression possibles pour les pays africains, y compris pour le Maroc. Pour hisser son écosystème entrepreneurial à la hauteur de ses ambitions, le Maroc doit actionner plusieurs leviers stratégiques. Il est crucial d'améliorer l'accès au financement en dynamisant le capital-risque local et en renforçant les dispositifs d'accompagnement aux startups. Un investissement massif dans le développement des compétences, notamment digitales et managériales, est tout aussi indispensable. En parallèle, le Maroc doit accélérer le déploiement de la fibre optique et de la 5G dans les zones rurales pour réduire la fracture numérique qui pénalise de nombreux porteurs de projets. La simplification de l'environnement réglementaire apparaît tout aussi essentielle : il s'agit de réduire les délais de création d'entreprise et de rendre les procédures administratives plus transparentes et accessibles. Enfin, accroître l'ouverture commerciale en valorisant pleinement les accords de libre-échange existants, tout en diversifiant les partenaires économiques, permettra de démultiplier les opportunités pour les startups marocaines sur les marchés régionaux et internationaux. À l'heure où les dynamiques entrepreneuriales mondiales se redessinent sous l'impulsion des économies émergentes et des mutations technologiques, le Royaume dispose de solides atouts. À condition de faire preuve d'audace et de constance, il peut prétendre, à terme, rejoindre le cercle restreint des économies les plus innovantes du nouveau paysage mondial.
3 questions à Zineb Hatim : «Les investisseurs se retrouvent toujours devant des conditions contraignantes qui limitent leur potentiel» * Comment évaluez-vous l'évolution du climat des affaires au Maroc, notamment pour les Marocains du Monde (MDM) ?
- Le climat des affaires au Maroc a indéniablement évolué positivement grâce à une vision claire, accompagnée de réformes visant à améliorer la compétitivité et attirer les investisseurs étrangers, en particulier dans des secteurs stratégiques comme l'industrie, les énergies renouvelables et les technologies de l'information. Cependant, des défis demeurent, notamment en ce qui concerne les complexités administratives et l'accès au financement. Certes, la digitalisation a simplifié plusieurs procédures, réduisant les délais et les obstacles bureaucratiques. De plus, des fonds d'investissement, des garanties bancaires facilitées et des programmes d'accompagnement offrent désormais plus d'opportunités aux entrepreneurs. Toutefois, les investisseurs se retrouvent toujours devant des conditions contraignantes qui limitent leur potentiel. D'où la nécessité de renforcer la communication sur les dispositifs mis en place et de continuer à œuvrer pour la généralisation de mécanismes de financement adaptés au profit des Marocains du Monde. * Les Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI mettent en avant la nécessité d'intégrer davantage la diaspora dans les stratégies de développement du Maroc. Comment mettre en œuvre cette vision dans un environnement encore en développement pour les entrepreneurs ?
- La vision royale constitue une véritable feuille de route, illustrée par des projets phares tels que la création de la Fondation Mohammedia. Pour concrétiser cette vision, il est nécessaire de renforcer continuellement les liens entre le Maroc et ses citoyens à l'étranger, notamment à travers la mise en place de guichets uniques pour faciliter les démarches administratives. Il s'agit aussi de plateformes de mise en relation pour encourager les collaborations entre entrepreneurs MRE et investisseurs. Ces initiatives permettront aux MDM de jouer un rôle essentiel dans le développement économique du Royaume en parfaite adéquation avec les orientations royales. * Quels conseils donneriez-vous aux MRE qui envisagent de créer leur propre entreprise au Maroc ?
- Mon premier conseil est d'abord osez, mais préparez-vous bien. Lancer un projet au Maroc, c'est une aventure passionnante, mais qui demande de la patience et de la résilience. Il faut bien s'entourer, connaître son marché et être prêt à s'adapter. Et surtout, il faut y aller avec un vrai engagement, car le Maroc est un pays d'opportunités pour ceux qui sont prêts à s'investir pleinement.
Deuxièmement, il faut créer un réseau solide. Le succès d'un entrepreneur repose en grande partie sur sa capacité à créer des connexions avec les acteurs locaux : entrepreneurs, institutions, experts sectoriels... Un bon réseau vous ouvrira des portes, vous aidera à surmonter les obstacles et à mieux comprendre les spécificités du marché marocain. Participez à des événements et n'hésitez pas à échanger avec ceux qui ont déjà sauté le pas. TPME : Les principaux freins au développement toujours d'actualité Les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), qui constituent 93% du tissu économique marocain, continuent de se heurter à des obstacles majeurs entravant leur développement. Selon une étude récente publiée par l'Association marocaine de sciences économiques (AMSE), plusieurs facteurs structurels ralentissent leur contribution à la croissance. La concurrence déloyale du secteur informel mine leur compétitivité, créant un déséquilibre durable face aux entreprises respectant les obligations légales. Le déficit en ressources humaines qualifiées freine également leur capacité d'innovation, d'adaptation technologique et de croissance durable. En parallèle, la corruption alourdit les coûts et introduit un climat d'incertitude néfaste aux affaires. Le cadre fiscal, jugé complexe, lourd et peu incitatif, freine la formalisation et décourage l'investissement des petites structures. L'accès au financement bancaire reste par ailleurs limité, en raison des garanties souvent prohibitives exigées et de taux d'intérêt peu compétitifs. Face à ces défis, l'AMSE préconise un ensemble de réformes : renforcer la lutte contre l'informel, améliorer la formation professionnelle, simplifier les procédures fiscales et faciliter l'accès au crédit pour libérer le plein potentiel des TPME. Ces mesures sont jugées essentielles pour permettre à ces entreprises d'accroître leur rôle dans l'économie marocaine, en termes d'emploi, de productivité et d'innovation.
Soutien à l'investissement : Tamwilcom déploie «MDM Invest» pour les entrepreneurs MRE Dans le cadre de ses efforts pour stimuler l'investissement productif porté par la diaspora marocaine, Tamwilcom a annoncé, fin 2024, le lancement du programme «MDM Invest». Le programme cible exclusivement les MRE disposant d'un titre de séjour étranger, d'une carte consulaire, ou de revenus au Maroc depuis moins d'un an. Les secteurs éligibles couvrent des domaines stratégiques tels que l'industrie, les services, l'éducation, l'économie verte, l'artisanat, le digital et la santé. Pour prétendre à ce soutien, le projet entrepreneurial doit représenter un investissement d'au moins un million de dirhams. Tamwilcom propose une contribution financière sous forme de subvention non remboursable, représentant 10% du montant global du projet, avec un plafond fixé à 5 millions de dirhams par opération.
Les porteurs de projets doivent impérativement mobiliser un apport personnel minimum de 20% du coût total, tandis que le reste peut être complété par un financement bancaire ou d'autres sources externes. Il est à noter que seules les demandes déposées via les banques partenaires seront prises en considération. Les projets déjà réalisés avant la soumission du dossier sont exclus du dispositif.