Dans les années incertaines des trente, quarante et cinquante, une résistance, à la fois profonde et silencieuse, se formait dans l'ombre des ruelles étroites des villes marocaines. Mon oncle Maati, une silhouette furtive parmi les ombres des znakis ( ruelles) avait pour mission de faire passer les armes de Tanger, cette ville à la fois refuge et frontière, jusqu'aux terres de Salé et de Rabat. Les armes voyageaient, lourdement posées sur le dos de mulets fatigués, comme des secrets que l'on tente de dissimuler mais qui, sous chaque pas, résonnent de la révolte à venir. Elles se glissaient dans les ruelles labyrinthiques de la médina, se faufilant entre les murs silencieux et les regards soupçonneux. La combat pour la libération n'était pas seulement frontal à armes inégalée, il se cachait dans les gestes quotidiens, dissimulée dans les festins, les rires feints, les mariages où la fête devenait un masque pour une mission secrète. Les armes étaient cachées dans les "tbouka", ces paniers tissés qui, au lieu de contenir les gâteaux et les douceurs sucrées d'un mariage, dissimulaient des fusils. L'innocence des festins devenait la couverture des combats à venir. Ma mère, Hajja Rahma, que Dieu ait son âme, m'a un jour raconté, dans le murmure d'une vieille mémoire, comment elle, jeune femme au cœur ardent mais fragile, faisait le ménage chaque matin. Le balai dans la main, elle pourchassait les poussières, les silences et, parfois, les armes. Sous le "Sedari", dans l'intimité de la chambre, elle trouvait des fusils, cachés sous les lits, témoins d'une guerre invisible. Le cœur battant, elle remettait les couvertures en place, dissimulant la vérité sous un voile d'innocence. Puis, sans un mot, elle allait préparer une soupe chaude pour son homme, mon père, que Dieu ait son âme. La guerre se faisait dans les regards, dans les gestes furtifs, dans les souffles d'une mère et d'une femme qui portaient à elles seules le poids de l'histoire, sans le dire, sans le crier, mais avec une force que seuls les cœurs brûlants du combat peuvent comprendre.