Face aux multiples questions, l'Intelligence Artificielle donne à réfléchir. L'ONG MoroccoAI, qui vise à promouvoir le développement de l'IA au Maroc, revient pour une nouvelle édition qui promet de « Conduire l'innovation à travers l'IA ». Discussion avec Pr Mohammed Khalil, président de cette Organisation et Enseignant-Chercheur à l'Université Hassan II de Casablanca. * MoroccoAI revient pour une quatrième édition, en ligne, les 4 et 5 décembre. A qui s'adresse cet événement et quels seront les temps forts à ne pas manquer ? L'Intelligence Artificielle (IA) est une technologie transversale qui impacte tous les secteurs, notamment l'éducation, la santé, la finance et l'agriculture. Après l'édition de l'année dernière qui a traité du sujet du travail à l'ère de l'IA, la thématique de la conférence de cette année, intitulée "Conduire l'innovation à travers l'IA", a pour objectif d'illustrer comment l'IA est en train de remodeler ces secteurs et comment elle peut stimuler l'innovation grâce à ces nouvelles avancées technologiques. Le programme diversifié de cette édition, marquée par la participation de conférenciers mondialement reconnus, aborde cette problématique sous différents angles. Le public cible inclut les professionnels de l'IA, les leaders d'entreprises et décideurs de divers secteurs, les professeurs d'université et chercheurs, les responsables gouvernementaux et régulateurs influençant les politiques de l'IA, et les représentants d'institutions nationales et internationales. Comme chaque année, les jeunes talents sont au cœur de nos priorités. Pour stimuler leur créativité et leur capacité d'innovation, nous avons organisé l'InnovAIHackathon, une compétition durant laquelle les participants, réunis en équipes, développent des solutions innovantes basées sur l'Intelligence Artificielle. Encadrés par des mentors, ils ont travaillé intensivement pendant une semaine, du 25 novembre au 1er décembre, pour concrétiser leurs projets. Cet événement a rassemblé plus de 750 participants. Les gagnants seront annoncés lors du deuxième jour de la conférence par un jury éminent. Plusieurs temps forts sont attendus, notamment : la cérémonie d'ouverture, qui accueillera Monsieur Ryad Mezzour, Ministre de l'Industrie et du Commerce, et Monsieur Omar Fassi Fehri, Secrétaire Perpétuel de l'Académie Hassan II des Sciences et Techniques ; une intervention du Professeur Karl Friston, l'un des plus grands neuroscientifiques mondiaux, qui explorera les liens entre l'innovation, l'IA et le cerveau humain ; des contributions d'experts internationaux, mettant en lumière les réussites de l'IA dans des pays comme le Japon ; des discussions sur les découvertes et inventions scientifiques, soulignant le rôle crucial de l'IA ; un focus sur la gouvernance et l'éthique de l'IA, animé par des représentants d'organisations internationales telles que l'OCDE et l'UNESCO ; le rôle important des sciences humaines, abordé à travers des conférences qui traitent la problématique sous un angle philosophique.
* Quels sont les résultats escomptés de la conférence annuelle MoroccoAI 2024 ? La conférence ambitionne d'avoir un impact significatif sur l'avenir de l'innovation au Maroc grâce à plusieurs résultats clés, notamment la promotion d'une culture positive de l'innovation, en mettant en avant le potentiel de l'IA ; la contribution à la construction d'un écosystème d'innovation robuste, axé sur l'Intelligence Artificielle ; l'encouragement des participants à innover et à exploiter l'IA pour répondre aux défis sociétaux et économiques ; l'information des décideurs politiques sur les solutions d'IA efficaces, tout en abordant les questions d'éthique et de réglementation ; et la facilitation des partenariats et des collaborations entre les acteurs du monde académique, de l'industrie et du gouvernement, afin de faire progresser l'innovation axée sur l'IA.
* C'est l'occasion pour vous de sensibiliser aux opportunités offertes par l'IA pour l'avenir de l'innovation, mais également pour alerter des dangers de la technologie tant pour les libertés, le respect de la vie privée et l'environnement. Comment vous positionnez-vous face à ces risques ? Toute innovation technologique est une arme à double tranchant. Internet, par exemple, a sans doute facilité l'accès à l'information, mais il a également contribué à la diffusion de fausses informations et de contenus peu crédibles. L'Intelligence Artificielle ne fait pas exception : elle ouvre des opportunités tout en présentant des risques. En tout cas, en tant qu'acteurs de ce domaine, il est difficile d'affirmer avec certitude quels seront les impacts de l'IA sur les libertés individuelles, le respect de la vie privée, le travail ou encore l'environnement. Ces impacts dépendent largement de la manière dont nous choisirons de l'utiliser, en veillant à adopter une approche éthique et responsable.
* Les organismes internationaux se sont saisis du sujet de la réglementation de l'IA et les avis sont multiples entre ceux prônant un contrôle plus important des données et ceux qui souhaiteraient que les données puissent circuler plus librement. Dans ce contexte, comment pensez-vous que l'IA de confiance puisse prospérer ? Dans notre rapport « Recommendations Towards a National AI Strategy For Morocco », nous avons proposé huit piliers fondamentaux pour bâtir une stratégie nationale en Intelligence Artificielle, parmi lesquels l'éthique et la régulation occupent une place centrale. Les questions éthiques et réglementaires liées à l'Intelligence Artificielle doivent être abordées de manière ouverte et inclusive, en impliquant les divers acteurs de la société marocaine. Il est essentiel de veiller à ce que l'IA soit développée et utilisée de manière responsable et transparente, tout en respectant les valeurs marocaines et les principes éthiques fondamentaux. Dans ce sens, nous avons défini quatre recommandations. Premièrement : établir un cadre juridique et réglementaire solide au niveau national, intégrant des mesures incitatives, afin de positionner notre pays comme une juridiction attrayante pour la création d'entreprises axées sur l'Intelligence Artificielle. Deuxièmement : définir des normes et des lignes directrices en matière d'IA pour garantir un développement et un déploiement éthiques et responsables des systèmes d'IA. Ces normes devront couvrir des aspects essentiels tels que la confidentialité, l'égalité, la sécurité, la non-discrimination, l'inclusion, la diversité, la dignité, l'équité, la transparence et la responsabilité dans les applications d'IA. Troisièmement : créer un comité consultatif national sur l'éthique de l'IA chargé de jouer un rôle clé dans l'intégration des considérations éthiques dans le développement et le déploiement de systèmes d'IA responsables. Et enfin : promouvoir l'explicabilité des systèmes d'IA afin de garantir qu'ils soient compréhensibles, vérifiables et responsables. Cela implique l'utilisation de modèles d'IA interprétables et la fourniture d'explications claires concernant les processus de prise de décision des systèmes d'IA.
* Par ailleurs, quelle est la dernière nouveauté ou actualité autour de l'IA qui vous a marqué ? Le 8 octobre dernier, le Prix Nobel de physique a été décerné au Professeur Geoffrey Hinton, l'un des pères de l'Intelligence Artificielle, pour ses découvertes fondamentales et ses inventions qui ont rendu possible l'apprentissage automatique et les réseaux de neurones artificiels. Pour rappel, le Professeur Geoffrey Hinton s'est exprimé lors de la deuxième édition de notre conférence annuelle MoroccoAI en 2022, en tant que lauréat du Prix Turing, la distinction la plus prestigieuse en informatique. Son récent Prix Nobel a été une surprise pour toute la communauté scientifique, tout comme pour Geoffrey Hinton lui-même, qui n'avait jamais imaginé recevoir cette récompense. Le lendemain, le 9 octobre, une nouvelle surprise a été annoncée : le Prix Nobel de chimie a été attribué à Demis Hassabis, cofondateur de DeepMind, l'une des entreprises pionnières en Intelligence Artificielle, pour ses contributions à la conception computationnelle de protéines. DeepMind, rachetée par Google pour devenir Google DeepMind, a également été un sponsor officiel de MoroccoAI lors de presque tous nos événements.
Difficile d'affirmer quels seront les impacts de l'IA sur les libertés individuelles, le respect de la vie privée, le travail... Ces distinctions marquent une époque où les avancées scientifiques et les innovations technologiques se modèlent sous nos yeux. Il est temps pour le Maroc d'adopter pleinement l'Intelligence Artificielle afin de réaliser des progrès significatifs dans de nombreux secteurs. D'ailleurs, le Maroc a gagné quatre places dans l'Indice mondial de l'innovation (GII), se classant 66ème sur 133 pays évalués dans l'édition 2024 du GII. En outre, et vu les énormes avancées de l'IA et les bouleversements rapides qu'elle engendre, il est important de tirer pleinement parti de l'IA pour continuer à progresser dans ce classement.