L'Institut Marocain d'Intelligence Stratégique (IMIS) a publié, lundi, un document stratégique proposant une nouvelle feuille de route pour la coopération maroco-britannique dans un contexte post-Brexit. Détails. Durant ces dernières années, les relations entre le Maroc et le Royaume-Uni sont passées à la vitesse supérieure, surtout grâce à la signature de l'accord d'association en 2021. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a doublé, dépassant les 3 milliards de livres sterling, soit environ 40 milliards de dirhams. Aujourd'hui, cette relation, ancrée dans l'Histoire et en constante évolution, est prête à explorer de nouvelles opportunités offertes par la stratégie Global Britain. Selon le dernier policy paper publié par l'IMIS, Rabat est apte à ouvrir des débouchés commerciaux particulièrement porteurs pour la réorientation des intérêts stratégiques d'une puissance économique encore marquée par les conséquences du Brexit. Le Royaume-Uni, quant à lui, peut permettre au Maroc un leapfrog technologique et commercial par le transfert de savoir-faire et l'investissement dans les chantiers stratégiques promus par SM le Roi Mohammed VI. L'accord bilatéral entré en vigueur il y a plus de trois ans constitue la première étape du renforcement de cette coopération, mais doit servir de base, selon le rapport, pour la libéralisation progressive des échanges entre les deux Etats, ainsi que pour la stimulation des investissements croisés dans les secteurs stratégiques.
Pour un partenariat commercial «win-win»
Grâce à sa position géographique et son rôle de nouveau "connecteur" de la mondialisation, le Maroc peut devenir une porte d'entrée pour les investissements britanniques en Afrique de l'Ouest. L'IMIS propose dix recommandations pour exploiter pleinement le potentiel de ce partenariat rénové. Parmi les initiatives phares figurent l'harmonisation des règles commerciales. Les auteurs du document proposent la suppression des barrières réglementaires héritées de l'accord UE-Maroc, notamment les règles sanitaires et phytosanitaires, qui ne sont plus pertinentes pour les intérêts britanniques. « D'autres mesures de facilitation sont envisageables, comme un accès sans visa au territoire britannique pour les voyageurs d'affaires marocains, et la création d'un Conseil d'affaires conjoint entre le Royaume-Uni et le Maroc pour faciliter la formation de partenariats commerciaux profitables», indique le rapport. L'élimination progressive des tarifs et quotas douaniers pourrait également renforcer les échanges entre le Maroc et le Royaume-Uni. « En facilitant l'accès des produits marocains au marché britannique et vice versa, les deux pays pourront stimuler leur croissance économique mutuelle. Actuellement, divers produits marocains sont soumis à des barrières tarifaires lorsqu'ils entrent sur le marché britannique, ce qui limite leur compétitivité et freine les échanges bilatéraux », explique le rapport. Cap sur l'investissement L'investissement dans le développement des services est un jalon important pour renforcer les liens entre le Maroc et le Royaume-Uni. Depuis le Brexit, les institutions financières britanniques cherchent à s'implanter en Afrique, où le Maroc peut jouer un rôle stratégique grâce à son secteur tertiaire développé et à Casablanca Finance City (CFC). « 48% des 202 entreprises-membres que comptait la place financière en janvier 2024 étaient des professionnels des services aux entreprises (finance, conseil, juridique, audit) dont Boston Consulting Group, Deloitte, ainsi que plusieurs des plus éminents cabinets d'avocats britanniques, dont DLA Piper et Clifford Chance111», note le rapport. Quant au secteur des énergies renouvelables, le Maroc, avec son potentiel en énergie solaire et éolienne, pourrait devenir un exportateur net d'énergie renouvelable, tandis que le Royaume-Uni bénéficierait de cette énergie à faible coût, diversifiant et sécurisant son approvisionnement. La coopération pourrait également s'étendre à l'industrie automobile, notamment dans la mobilité électrique, avec l'exportation de véhicules et la production de batteries à haute valeur ajoutée, renforcée par les réserves de phosphate du Maroc. Cette collaboration pourrait stimuler la croissance économique, créer des emplois et promouvoir le développement durable dans les deux pays. Zones économiques spéciales Rabat et Londres ont une formidable opportunité de renforcer leurs relations économiques en développant des Zones Economiques Spéciales (ZES) au Maroc. Le Maroc est un hub naturel pour les investissements, tandis que le Royaume-Uni, tourné vers l'Afrique de l'Ouest, peut y voir un terrain fertile pour développer ses échanges. L'expansion de ZES comme Tanger Med, ou la création d'une zone industrielle dédiée aux entreprises britanniques dans le Sud du Maroc, ouvrirait de nouvelles perspectives économiques, souligne l'IMIS. Ces initiatives dynamiseraient les investissements étrangers, créeraient des emplois, et offriraient une alternative attrayante aux projets chinois en Afrique, renforçant ainsi la coopération maroco-britannique pour une croissance partagée. Le rapport recommande aussi de créer de nouveaux corridors de transport, qui pourraient renforcer la résilience des échanges et connecter plus efficacement les entreprises britanniques aux réseaux logistiques africains.
Le rapport a également mis l'accent sur le potentiel des provinces du Sud qui constituent pour le Royaume-Uni une opportunité pour explorer des secteurs à forte valeur ajoutée, comme la pêche, un secteur clé générant 40% des revenus locaux, les énergies renouvelables, le tourisme, etc. De plus, UK Export Finance pourrait jouer un rôle crucial en offrant des garanties pour encourager les entreprises britanniques à s'implanter dans cette région prometteuse, contribuant ainsi à son développement économique et à la création d'emplois. Plus d'engagement envers la Santé Le Royaume-Uni qui fait face à une pénurie croissante de médecins généralistes et à une pression accrue sur son système de santé depuis la pandémie, peut également renforcer sa coopération médicale avec le Maroc, bien que les défis persistent, notamment en matière de rémunération et de durée d'études. Une solution innovante, selon l'IMIS, serait de créer un partenariat permettant à de jeunes médecins marocains de travailler temporairement au Royaume-Uni, où ils pourraient acquérir une expérience précieuse et bénéficier de meilleures conditions salariales, tout en évitant la fuite des cerveaux. De plus, ce partenariat pourrait s'étendre à l'envoi de techniciens et ingénieurs marocains pour se former aux dernières technologies médicales, favorisant ainsi un échange de compétences. Ensemble, les deux Royaumes pourraient également co-construire un complexe hospitalier dans le Sud du Maroc, à proximité de l'Afrique de l'Ouest, pour répondre aux besoins humanitaires de la région.
Repères
Maximisation des ponts dans le domaine éducatif
Les auteurs du policy paper insistent également sur le renforcement des liens éducatifs entre le Royaume-Uni et le Maroc comme opportunité clé. Avec l'introduction progressive de l'anglais dans les collèges marocains, l'intérêt pour les études à l'étranger, notamment au Royaume-Uni, ne cesse de croître. Bien que le coût élevé des études et de la vie au Royaume-Uni représente un obstacle majeur pour de nombreux étudiants marocains, la mise en place de bourses d'excellence par les Universités britanniques pourrait rendre ces études plus accessibles, renforçant ainsi les échanges académiques entre les deux pays.
Intensification de la coopération militaire et sécuritaire La coopération militaire et sécuritaire entre le Maroc et le Royaume-Uni est cruciale dans un contexte de tensions régionales, notamment avec l'Algérie, qui a fortement augmenté ses dépenses militaires. Le Maroc, engagé dans la modernisation de son armement, pourrait renforcer ce partenariat, notamment à travers l'acquisition de matériel militaire britannique. Des collaborations existent déjà, comme l'exercice African Lion, co-organisé avec les Etats-Unis. À l'approche d'événements tels que la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030, le Royaume-Uni pourrait également apporter son expertise en matière de sécurité intérieure, grâce à son expérience dans la gestion de grands événements.