Le 1er Congrès international sur l'Economie des soins réunit des participants nationaux et internationaux soucieux de faire de cette économie, avec la protection sociale, un pilier de l'autonomisation des femmes, de la promotion d'emplois, du bien-être et de la résilience familiale. A l'occasion de ce congrès, « L'Opinion » a eu un entretien avec la ministre de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille, Mme Aawatif Hayar.
* Les 25 et 26 juin se tient à Rabat le 1er congrès international sur l'Economie des soins. Que représente pour vous cet événement et quelles en sont vos attentes ?
Ce congrès sur le « Care Economy » (Economie des soins et de la protection sociale) a pour objectif de faire de l'investissement dans l'économie des soins un levier pour l'autonomisation des femmes et la création des opportunités d'emploi afin de réduire le coût des programmes de protection sociale, en perspective d'atteindre le bien-être et la résilience familiale.Ce congrès s'inscrit dans le cadre de la déclinaison des Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l'assiste, concernant l'accompagnement et le renforcement de la résilience des familles et la protection sociale, notamment sur le volet social, mais aussi concernant l'implication des femmes dans le développement du pays. Tenant compte de toutes ces initiatives lancées par le Royaume, le Conseil des Ministres Arabes des Affaires sociales, lors de sa quarante-troisième session tenue au Caire le 20 décembre 2023, a décidé d'accueillir favorablement l'initiative d'organiser ce congrès. Le ministère de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille organise ce congrès en partenariat avec le ministère de la Santé et de la Protection sociale et le ministère de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, le ministère de l'Economie et des Finances, l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et avec la participation des différents partenaires et intervenants impliqués au niveau national et international. Nous avons le plaisir d'accueillir le 1er Congrès dans la région MENA qui sera l'occasion de partager les expériences internationales en économie des soins, avec un programme très riche.
* En tenant compte du grand nombre de participants et d'organisateurs de cet événement, on prend conscience du rôle de l'Economie des soins et la protection sociale dans le développement inclusif et durable. Concrètement, comment cette économie pourra-t-elle promouvoir l'emploi ?
L'Economie de soins fait référence à des activités socio-économiques en lien avec la prise en charge d'autrui, qu'elles soient rémunérées ou non, à travers des services prodigués aux différents groupes d'âge, en particulier les personnes âgées, les enfants en bas âge, les personnes en situation de handicap, les personnes vivant dans l'isolement et les personnes dépendantes, notamment vivant en situation de vulnérabilité, et ce, pour répondre à leurs besoins, selon leurs conditions de santé physiques, physiologiques et sociales.En général, les études montrent qu'une grande partie des activités de prise en charge de ces personnes existe déjà mais se fait de façon informelle et non rémunérée. Dans plusieurs foyers, ce sont souvent les mères de familles qui s'occupent des personnes âgées de la maison, ou des personnes en situation de handicap...L'idée est de développer un écosystème pour que ces travailleurs sociaux soient autonomes financièrement.
* Qu'a fait le gouvernement dans ce sens ?
En mars dernier, le Conseil de gouvernement a adopté le projet de décret que nous avons présenté, portant application de la loi relative aux travailleurs sociaux. Nous avons identifié 18.000 postes, des puéricultrices, des assistantes maternelles, des accompagnateurs des personnes âgées, des accompagnateurs des personnes en situation de handicap, des gestionnaires des infrastructures... Ce sont des métiers qui peuvent demander une grande expertise comme ils peuvent demander une petite qualification. Des femmes au foyer peuvent suivre une formation courte, de quelques mois, être accréditées et obtenir le statut de travailleur social et pouvoir exercer leur métier, depuis chez elles ou au sein d'une entité et être rémunérées. Ainsi, on permettra aux catégories en situation de vulnérabilité, particulièrement les jeunes et les femmes qui subissent des discriminations et des contraintes liées à la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, de sortir de la précarité et d'avoir un emploi décent. On donne la possibilité à des mamans de travailler à partir de chez elles et aux femmes qui travaillent de déposer leurs petits enfants à la crèche en toute sécurité. Comme vous le savez, le taux d'activité des femmes au Maroc est très faible. Et l'Economie des soins leur ouvrira des perspectives. L'investissement dans les services de santé, intégrant les soins aux enfants et les soins de longue durée, permettent de créer, au niveau de la région MENA, 13 millions de postes de travail, selon l'Organisation Internationale du Travail.
* Comment l'investissement dans l'Economie des soins contribue-t-il aux objectifs de développement durable au Maroc ?
L'investissement dans l'Economie des soins est un levier pour construire des communautés saines et durables et appuyer l'atteinte des objectifs de développement durable, notamment : permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien- être de tous à tout âge (Objectif 3), assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie (Objectif 4), parvenir à l'égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et toutes les filles (Objectif 5) et promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous (Objectif 8).Cela participera sans doute à réduire le poids de la prise en charge des personnes dépendantes sur les familles, à renforcer les liens sociaux, le bien-être et la résilience des familles, notamment en gardant les personnes âgées chez elles au lieu de les déposer dans les Centres de protection sociale. C'est ainsi que des mesures proactives permettent de mettre en place une économie de soins dynamique et solide face aux crises. Une économie qui favorise la création des opportunités d'emploi dans les domaines public et privé contribuera à l'équilibre entre les responsabilités des femmes dans le travail et dans la vie familiale, et permettra de fournir des soins de qualité et assurer des conditions de travail décent. Congrès international : Un effort de réflexion Prévu à Rabat, les 25 et 26 juin 2024, le congrès international sur l'Economie des soins est organisé par le Ministère de la Solidarité, de l'Insertion Sociale et de la Famille, en partenariat avec le Ministère de la Santé et de la Protection Sociale, le Ministère de l'Inclusion Economique, de la Petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences, le Ministère de l'Economie et des Finances et avec la participation des différents partenaires et intervenants impliqués au niveau national et international. Le congrès est une opportunité de réflexion afin de mobiliser l'intelligence collective et construire un système intégré de l'Economie des soins, et ce, à travers l'échange des expériences et des connaissances.
Les travaux du congrès permettront d'enrichir le débat autour de plusieurs défis, à savoir l'identification des activités économiques relevant de l'Economie des soins, l'autonomisation économique des femmes, le cadre juridique relatif aux métiers de soins rémunérés et non rémunérés, et les rôles des travailleurs sociaux.
Aussi, ce congrès a pour objectif principal de chercher les moyens de faire de l'Economie des soins une source de création d'emploi. Il s'agit également de scruter les mécanismes nécessaires destinés à construire une feuille de route pour promouvoir l'Economie des soins.
D'autres objectifs plus spécifiques sont fixés. Durant ce congrès, l'accent sera mis sur les approches et les méthodologies adoptées dans le domaine de l'Economie des soins avec un zoom sur les meilleures pratiques internationales en la matière. Congé parental : Vers un repos de longue durée Les expériences de pays développés, à l'instar de la Suède qui fait profiter les parents d'un congé d'une année, ont montré que le soutien du cadre familial a un effet et un coût non négligeable sur la qualité de vie dans les sociétés et sur leur économie. Pour la première fois au Maroc, le gouvernement a réussi à mettre en place le congé parental de 15 jours dans le secteur public. "Nous espérons que cela soit possible dans le secteur privé, quitte à ce que ce congé parental soit d'une longue durée et partagé entre le père et la mère. Si on arrive à mettre en place le système de l'Economie des soins, dans le cadre d'un effort de solidarité nationale, entre le public, le privé et les familles elles-mêmes, on pourra mettre en place un congé parental de longue durée au Maroc", nous explique la ministre Aawatif Hayar. Travailleurs sociaux : Une profession face aux défis de l'encadrement Le projet de décret N°2.22.604 portant application des dispositions de la loi 45.18 relative à la réglementation de la profession des travailleuses et travailleurs sociaux a été adopté, en mars dernier, par le Conseil de gouvernement. Présenté par la ministre de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille, Aawatif Hayar, ce texte intervient en application des dispositions de la loi 45.18 et notamment ses articles 3, 6, 8, 9, 12 et 23 qui font référence, respectivement, aux catégories professionnelles et aux branches incluses dans chaque domaine du travail social.
Il s'agit aussi des conditions, des moyens et de la liste des certificats et diplômes requis pour la délivrance de l'accréditation pour l'exercice de la profession de travailleur social, outre les modalités d'octroi de l'autorisation aux travailleurs sociaux étrangers souhaitant exercer cette profession au Maroc, et les statuts types des associations professionnelles représentant les travailleurs sociaux.
Le projet de décret vise à mettre en œuvre les dispositions de la loi n° 45.18 afin de parachever le système de prise en charge d'autrui, et comprend un ensemble de dispositions, notamment des dispositions générales, ainsi que celles relatives aux modalités d'obtention de l'accréditation, outre les dispositions relatives aux mesures transitoires pour la délivrance de cette accréditation.