Evoluer dans l'industrie du jeu vidéo constitue un défi de taille pour les femmes, dans un domaine largement dominé par les hommes. Cependant, Soukayna Ennaji, une experte marocaine du jeu vidéo, a transcendé les obstacles pour s'imposer avec l'aspiration de créer des personnages féminins exempts de clichés. - Pouvez-vous nous parler de votre expérience au dernier Gaming Expo ? Quelles ont été vos impressions générales ? - J'ai vraiment été positivement surprise par cette première édition de la Gaming Expo, tant par le contenu que par l'organisation. Comme beaucoup d'autres participants, j'ai ressenti la volonté forte du gouvernement de nourrir et de faire grandir cet écosystème du jeu vidéo au Maroc. L'engagement des autorités pour soutenir et promouvoir cette industrie émergente était palpable à chaque instant de l'événement. Ce qui m'a également ravie, c'était de voir la passion, le talent et la créativité des jeunes créateurs de jeux marocains. Pendant les trois jours de l'exposition, j'ai eu l'occasion d'explorer leurs œuvres et de constater de première main leur ingéniosité et leur dévouement. Leurs projets reflétaient non seulement un haut niveau de compétence technique, mais aussi une profonde originalité et une capacité à raconter des histoires captivantes à travers le médium du jeu vidéo. Cette exposition a été une véritable vitrine pour ces jeunes talents, elle a offert un espace où ils pouvaient non seulement présenter leur travail, mais aussi échanger des idées, recevoir des feedbacks et se connecter avec des professionnels de l'industrie. En somme, la Gaming Expo a été une expérience enrichissante qui a mis en lumière le potentiel extraordinaire de la scène vidéo ludique marocaine, et je suis repartie de cet événement avec un sentiment de fierté et d'optimisme pour l'avenir de notre industrie. - Quel élément spécifique de l'industrie du jeu vidéo au Maroc vous a le plus intrigué et a suscité votre désir de participer à l'exposition ainsi qu'à l'animation des ateliers ? Ma volonté principale pour venir à cette exposition était vraiment de voir, en tant que Marocaine, l'évolution de l'industrie du jeu vidéo et de comprendre ses origines. C'était une opportunité unique pour moi de retracer la naissance et le développement de cette industrie fascinante. En outre, l'exposition offrait une chance précieuse de rencontrer et d'encadrer de jeunes talents prometteurs.
Ces jeunes, avides de trouver leur place dans le domaine du jeu vidéo, pouvaient bénéficier des workshops organisés lors de l'événement. Ces ateliers interactifs étaient conçus pour leur faire découvrir les diverses carrières possibles dans cette industrie en pleine expansion. Pour moi, il s'agissait non seulement de satisfaire ma curiosité personnelle et professionnelle, mais aussi de contribuer à l'épanouissement et à la formation de la prochaine génération de créateurs de jeux vidéo. L'idée de pouvoir échanger, partager des connaissances, et potentiellement inspirer ces jeunes m'a particulièrement motivée à participer à cette exposition. - Qu'est-ce qui vous a motivée à entrer dans l'industrie du gaming ? - C'est un métier de passion, un peu comme pour la plupart des professionnels dans mon domaine. J'ai grandi avec les jeux vidéo, et j'ai eu la chance de partager cette passion avec mon petit frère, qui est lui aussi Game Developer chez Rocksteady en Angleterre. Cette passion commune a été un lien fort entre nous et a nourri nos ambitions respectives. Je voulais également partager cette passion avec le monde, en aidant les créateurs de jeux à concevoir de meilleurs jeux. Mon objectif est non seulement de soutenir ces créateurs, mais aussi de vendre du rêve à un public diversifié – des adultes, des enfants et même des seniors – un peu comme j'ai pu rêver toute ma vie grâce aux jeux vidéo. Pour moi, les jeux vidéo ne sont pas seulement un divertissement, mais aussi un moyen de s'évader, de stimuler l'imagination et de créer des expériences mémorables. En travaillant dans ce domaine, je m'efforce de perpétuer cette magie, en espérant que les créations auxquelles je contribue auront le même impact sur les autres qu'elles ont eu sur moi. La passion pour les jeux vidéo m'a accompagnée tout au long de ma vie, et pouvoir en faire mon métier est une véritable source de bonheur et de satisfaction. - Pouvez-vous nous parler des principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme marocaine dans ce domaine ? - L'entrée dans l'industrie du jeu vidéo n'était pas forcément facile pour moi. Je n'avais pas vraiment de mentors ou de personnes que je pouvais facilement retrouver, qui avaient un parcours similaire au mien, qui étaient nées au Maroc, qui avaient vécu au Maroc et qui avaient réussi à trouver leur place dans cette industrie. Ce manque de représentation m'a vraiment freiné au début. Il était difficile de me projeter dans cette carrière, et ce n'est qu'après plusieurs années que j'ai finalement pu envisager de m'y investir pleinement.
À ce moment-là, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai commencé à chercher ma communauté. C'est en trouvant des personnes partageant les mêmes intérêts et en construisant un réseau de soutien que j'ai finalement pu me lancer dans le jeu vidéo. Cette expérience m'a appris l'importance de la représentation et du mentorat, et elle m'a motivée à vouloir aider les autres à surmonter les mêmes obstacles. Aujourd'hui, je suis passionnée par l'idée de contribuer à l'épanouissement des jeunes talents marocains dans ce domaine, en leur offrant le soutien et les opportunités qui m'ont manqué à mes débuts. En outre, je me retrouvais souvent être la seule femme dans les équipes et les réunions auxquelles je participais. Cette situation engendrait un sentiment constant de devoir prouver ma légitimité et de démontrer que je méritais ma place, quel que soit l'endroit où je me trouvais. Cette situation ajoutait une pression supplémentaire à un environnement déjà exigeant. Heureusement, j'ai eu la chance de rencontrer des mentors et des personnes qui ont cru en moi. Leur soutien et leurs encouragements ont été inestimables, ils m'ont aidé à surmonter les défis et à avancer dans ma carrière. Grâce à eux, j'ai pu trouver ma place dans l'industrie du jeu vidéo, un domaine qui est à la fois passionnant et en constante évolution. - Comment voyez-vous l'évolution du secteur du gaming au Maroc et en Afrique du Nord ? - Je suis très optimiste quant à l'avenir du jeu vidéo au Maroc et dans le monde du gaming en général. Je crois fermement qu'il existe une volonté réelle de développer cette industrie, ainsi qu'un immense réservoir de talent et de créativité parmi les jeunes développeurs marocains. Avec le soutien de mentors expérimentés et la mise en place de structures appropriées, je suis convaincue que ces talents pourront non seulement croître et s'épanouir, mais aussi trouver leur place sur le marché mondial des jeux vidéo. L'enthousiasme et la passion que je vois chez les créateurs de jeux marocains me donnent confiance en un avenir où le Maroc deviendra un acteur clé de cette industrie dynamique et en constante évolution. Je pense aussi que notre culture et notre patrimoine, riches en histoires, en mythes et en leçons, constituent une source inépuisable d'inspiration. Le monde entier serait curieux de découvrir ces trésors à travers nos jeux vidéo ou d'autres médias. - Pouvez-vous nous donner des exemples de stéréotypes de genre que vous avez cherché à déconstruire dans vos jeux ? - Je pense que la parité devient un enjeu de plus en plus important dans l'industrie du jeu vidéo. Nous voyons de plus en plus de jeux, grands et petits, mettre en avant la place de la femme, raconter des histoires de femmes et présenter des personnages principalement féminins. Ces jeux bénéficient souvent d'une écriture beaucoup plus intelligente et nuancée, reflétant les enjeux actuels concernant la condition féminine dans le monde. Ce souci de représentation est un baromètre très important pour moi et pour de nombreux professionnels du jeu vidéo. Nous gardons cela en tête non seulement dans les histoires que nous racontons, mais aussi dans la composition de nos équipes. - Avez-vous observé un changement dans la perception des joueurs et de l'industrie vis-à-vis des jeux féministes ? - Ce n'est pas tant la difficulté en soi qui pose problème, mais plutôt le volume de travail à accomplir dans ce domaine, surtout en ce qui concerne la perception des joueurs ainsi que l'industrie dans son ensemble. Malgré les progrès réalisés, il reste encore beaucoup à faire, et il ne s'agit en aucun cas d'une bataille déjà remportée. En tant que femme évoluant dans l'industrie du jeu vidéo, c'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. J'aspire à contribuer à l'amélioration de la situation à travers mes efforts personnels et professionnels. Chaque pas en avant, aussi petit soit-il, est une victoire dans cette lutte pour une plus grande égalité et reconnaissance dans le domaine du jeu vidéo. - Quels sont vos projets futurs dans le domaine du gaming ? - Continuer à partager mon expérience, mes récits et à soutenir mes compatriotes marocains, en particulier les jeunes femmes et hommes qui cherchent leur voie dans l'industrie, restera ma mission. Je m'efforcerai également de représenter dignement mon pays, que ce soit au sein de l'entreprise Virtuos ou ailleurs. C'est une responsabilité que je porte avec fierté et qui me motive à donner le meilleur de moi-même. Mon objectif est de contribuer à ouvrir des portes et à inspirer d'autres talents marocains à poursuivre leurs rêves dans le monde du jeu vidéo.