Voilà une histoire de « relations sexuelles illégales » -un euphémisme, légal, lui, pour qualifier un viol- vieille de trente deux ans mais qui continue de semer le trouble et l'émotion un peu partout dans le monde judiciaire, politique, people ou autre. Le cinéaste Roman Polanski a fait des mains et des pieds pour quitter sa cellule suisse et rejoindre son chalet. Voilà qui est fait. Mais il a dû débourser trois millions d'euros comme prix d'une liberté bien provisoire. Cette libération coûteuse n'est pourtant pas une si bonne nouvelle, puisqu'il risque d'être bientôt « convoqué » pour être jugé chez lui aux Etats-Unis. Au pays de l'Oncle Sam on ne badine pas avec un tel crime ; il n'y a pas prescription et on ne tient guère compte de l'âge avancé de l'inculpé. On ne tient même pas compte de l'appel de sa propre victime, qui propose l'arrêt des poursuites contre son propre bourreau. La justice américaine, bien entendu, jette comme un chiffon périmé les appels nombreux d'hommes de cinéma et de la culture réclamant l'arrêt de la procédure judiciaire au nom de la qualité, de la classe et de l'apport culturel estimable de Polanski. Compte n'est pas tenu non plus de la tragédie qu'il vécut dans les années soixante quand son épouse enceinte fut éventrée et abattue sur ordre d'un gourou hippie. Ironie de l'histoire, alors que le cinéaste recevait des lettres d'insultes et de menaces au fond de sa cellule, le meurtrier sauvage de sa femme reçoit de nombreuses lettres de ses « admirateurs » des quatre coins d'Amérique, certaines formulant des demandes en mariage. Nous vivons dans un monde fou, fou, fou… Voici donc le roman de Roman. Un roman noir et tragique. Certes, le viol, a fortiori d'une mineur, est condamnable. Pourtant, d'aucuns ironisent sur la réaction zélée de la Suisse. Aucun pays au monde n'a répondu aux injonctions américaines, y compris le Maroc où Roman Polanski a déjà séjourné. Sauf les champions mondiaux de la neutralité, ce qui peut sembler contradictoire. D'autant plus que les autorités suisses y sont allées avec une rigueur implacable et une intransigeance inouïe. Et elles ont juré de ne lâcher prise qu'après l'extradition du cinéaste maudit. Donc, plus de trois décennies plus tard l'affaire continue de faire débat. Son ampleur est telle que le cas Polanski a trouvé des avocats de taille en les personnes du président français et son ministre de la Culture et la Communication. Ces prises de position ont fait des émules mais surtout des contradicteurs et une vraie bataille par partis politiques et médias interposés est déclenchée et fait encore rage. Cette ampleur est appelée à exploser quand le créateur américain posera les pieds sur le sol du pays où il sera jugé et sans doute condamné.