La tension entre les futures blouses blanches et le ministère de tutelle bat son plein. D'ailleurs, les étudiants en médecine s'apprêtent à protester, jeudi 29 février, devant le Parlement. Le principal point d'achoppement porte sur la décision de ramener les années de formation en médecine à 6 ans au lieu de 7. Une décision « souveraine », selon le ministère, mais qui cristallise encore davantage le blocage dans le secteur. Les futurs médecins ont haussé le ton face à la récente sortie médiatique des deux ministres de tutelle qui ont mis en garde les grévistes contre la poursuite du boycott. Dans un communiqué officiel, la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie a rejeté catégoriquement la réduction prévue de la durée des études médicales à six ans et a mis au point son cahier de revendications.
Un point de discorde : Les années de formation
Cette réaction survient moins de 24 heures après que le ministre de la Santé et de la Protection Sociale, Khalid Ait Taleb, et le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche Scientifique et de l'Innovation, Abdellatif Miraoui, aient annoncé que ladite décision est « irrévocable ».
En effet, les deux responsables ont tenu, récemment, une conférence de presse officielle, afin d'éclaircir certains points relatifs à ce dossier, lors de laquelle ils ont expliqué qu'une telle décision « sert l'intérêt de tous » et « ne porte nullement atteinte à la valeur scientifique et morale des diplômes ». En outre, ils ont promis d'appliquer des mesures fermes, au cas où la situation persiste.
Or, du côté des étudiants, cette mesure pose plusieurs problèmes. D'une part, elle risque de compromettre les procédures d'équivalence à l'étranger, limitant ainsi leurs possibilités de carrière. D'autre part, elle est perçue comme une stratégie pour les inciter à rester au Maroc, même si cela signifie restreindre leurs options professionnelles.
Sur le plan académique, une année de formation en moins peut signifier moins de temps à la pratique médicale. Cela peut également limiter les opportunités de stages et de formation pratique dans des domaines spécialisés, qui sont souvent essentiels pour acquérir une expertise dans certaines branches de la médecine.
En effet, la septième année de formation médicale, éliminée par la décision de la tutelle, a été conçue pour être une année de pratique intensive sous la supervision directe d'un encadrant. Cette année était considérée comme cruciale pour consolider les compétences acquises au cours des années précédentes et pour permettre aux étudiants de développer une pratique autonome et responsable avant d'entrer dans la profession médicale à part entière. Avec l'élimination de cette année de pratique, « les étudiants se retrouveraient confrontés à une transition abrupte, passant d'+étudiants stagiaires+ supervisés par des encadrants à des +médecins officiels+ en exercice », nous affirme D.E, étudiante en médecine. « Cette transition sans période de pratique intensive sous supervision pourrait poser d'énormes défis en termes de sécurité des patients et de qualité des soins, car nous pourrions manquer d'expérience pour gérer de manière autonome les situations médicales complexes », déplore-t-elle. Sur le plan professionnel, les étudiants, qui souhaitent se pencher dans des spécialités qui n'existent toujours pas au Maroc, pourraient être désavantagés, de même que pour ceux qui souhaitent poursuivre leur carrière à l'étranger, que ce soit pour des opportunités de formation supplémentaires ou des postes de recherche. La médecine est un domaine en constante évolution et dont les pratiquants sont appelés à alimenter régulièrement leur curiosité intellectuelle. Ceci dit, sur le volet de la recherche scientifique, les chercheurs étrangers et les institutions de recherche internationales peuvent être moins enclins à collaborer avec des chercheurs marocains au cas où la durée de leur formation est perçue comme « insuffisante », explique un autre étudiant.
L'avis du ministère
Face aux protestations des étudiants, la réponse des ministères de l'Enseignement Supérieur et de la Santé est très ferme. Selon eux, cette réforme est nécessaire pour répondre à une crise de la santé publique au Maroc. Le pays a désespérément besoin de 34.000 cadres médicaux et il ne peut se permettre de former des médecins qui, une fois diplômés, quitteront le pays pour exercer à l'étranger, aux dires de Khalid Ait Taleb. Nonobstant les différentes interrogations, cette réforme soulève autant de questions fondamentales sur l'adaptation de la politique de formation en santé aux besoins actuels et futurs, ainsi que sur la promotion de la recherche et de l'innovation dans ces domaines.