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Le mouton à crédit
Les lourds sacrifices de la fête du sacrifice
Publié dans L'opinion le 27 - 11 - 2009

« Ne pas sacrifier de mouton parce que ce n'est pas une obligation religieuse ? » .
Ali, la quarantaine, petit fonctionnaire dans une administration à Rabat, nous regarde avec un mépris certain dans les yeux. Ce n'est pas un discours qu'il a envie d'entendre. Que la religion interdise aux musulmans de s'endetter pour pouvoir s'acheter le mouton de l'Aïd El Kébir, Ali s'en moque. Sacrifier le mouton de l'Aïd n'est plus seulement une « sounna » que le musulman accomplit quand il en a les moyens. C'est une obligation sociale qui fait bien des endettés.
Aïd Al Adha est censé commémorer le sacrifice du prophète Abraham, quand celui-ci s'apprêtait, pour obéir à l'injonction divine, à sacrifier son fils, Ismaël, et qu'il reçut un mouton en échange. Dieu l'avait mis ainsi Abraham à l'épreuve, mais Dieu n'en a jamais exigé autant des croyants.
Normalement et à en croire les théologiens, la sounna du sacrifice du mouton ne doit être appliquée que par les musulmans qui en ont les moyens. L'argent nécessaire à l'acquisition du mouton de sacrifice ne doit être ni emprunté, ni volé. Les familles les moins aisées ne doivent nullement se sentir dans l'obligation de procéder à ce sacrifice, qui entraîne pour les plus pauvres moult sacrifices. Les plus aisés semblent beaucoup moins obnubilés par le rite d'Aïd Al-Adha, certains allant jusqu'à voyager pendant la période des festivités pour profiter de l'occasion et s'accorder un moment de détente, loin des contraintes de cette fête qui mobilise argent, temps et efforts.
Ali, le fonctionnaire, marié et père de deux enfants, s'apprête à contracter un crédit auprès d'une société de crédit à la consommation, sociétés qui comptent parmi les premiers gagnants de cette fête religieuse. Il tempête face au manque de solidarité des musulmans, qui ne viennent pas en aide aux plus pauvres pour qu'ils puissent acheter le mouton à leurs enfants, comme l'explique, écœuré, Ali.
« Je ne peux pas ne pas acheter de mouton pour l'Aïd. L'année dernière, je n'étais pas arrivé à rassembler la somme d'argent nécessaire pour acheter un mouton. Ma femme a pris les enfants et est allé passer la fête avec ses parents. Je suis resté seul, honteux. La chose a même failli tourner au drame. Ma femme voulait qu'on divorce, me sortant à l'occasion tous les problèmes d'argent que j'ai. Je sais que contracter ce crédit va me mettre encore plus dans les difficultés. Mais c'est simple, je n'ai pas le choix ».
Puis, avec un petit sourire au coin des lèvres, il conclut : « De toute manière, ce n'est pas tous les jours que l'on mange de la viande ».
Aïd Al Adha, c'est l'occasion pour les éleveurs de faire de bonnes affaires, mais ça l'est également pour les spéculateurs et les sociétés de crédit à la consommation. Il y a quelque chose de très peu religieux dans cette frénésie affairiste qui se saisit des Marocains en cette occasion. Les panneaux publicitaires, invitant les Marocains les moins aisés à s'endetter pour pouvoir s'acheter un mouton, sont partout, installés bien en évidence dans les carrefours et les grandes avenues. Cette année, nous avons pu constater que même dans les souks de moutons, des agents des sociétés de crédit à la consommation à dos de motocyclettes offrent aux clients des crédits accordés sur place. C'est littéralement pousser les gens à s'enfoncer dans l'endettement. Mais les autorités ne semblent pas tentées de réagir. Et les agents de ces sociétés de crédit à la consommation, qui, vu le zèle dont ils font preuve pour attirer les clients, doivent sûrement être payés à la commission, arguent qu'ils rendent ainsi services aux gens.
Crédit gratuit, dites vous ?
Un banquier nous explique qu'il n'existe ni auprès des banques, ni des sociétés de crédit, un crédit pour l'achat du mouton. « C'est juste un crédit à la consommation. Le client fait de l'argent emprunté ce qu'il veut après ».
Quelles sont les conditions d'octroi de ce crédit ?
«  Pour un montant de 3.000 Dhs, le client doit rembourser 290 Dhs par mois, pendant 11 mois. Compte non tenu des frais de dossier, qui vont de 300 à 500 Dhs ».
Qu'en est-il de ces affiches publicitaires qui proposent des crédits à 0% ?
Le banquier part dans un fou rire, presque nerveux, avant de se ressaisir. « Non, mais vous plaisantez ? Vous croyez vraiment qu'un crédit à taux zéro puisse exister ? Si c'était le cas, toutes les banques et sociétés de crédit auraient fait faillite il y a bien longtemps ».
En fait, c'est comme si les gens se leurraient eux-mêmes, puisqu'ils finissent bien par reconnaître qu'ils n'y croient pas, juste après avoir vanté les mérites de telle ou telle société de crédit. « Nous n'avons pas d'autre choix et les sociétés de crédit le savent », explique Aziz, la trentaine, employé du secteur privé, marié et père d'un enfant encore en bas âge. Son épouse est femme au foyer. « Ces sociétés sont beaucoup moins exigeantes que les banques pour l'octroi de crédit. Même si les sommes empruntées reviennent plus cher avec ces profiteurs de la pauvreté des gens. Mais comme j'ai déjà contracté un crédit auprès de ma banque pour acheter le logement ou j'habite maintenant, je n'ai pas d'autre choix que de recourir cette année à une société de crédit. Je ne suis pas dupe, j'ai même quelques notions de comptabilité pour avoir travaillé quelques temps pour un expert comptable. Ce n'est pas à moi que ces vautours vont faire croire que le crédit est gratuit. Et c'est d'ailleurs la première fois de ma vie que j'ai eu recourt à une société de crédit. Mais que voulez vous, « que peut faire le mort quand il est livré à son purificateur ?». Ma femme m'a bien dit de ne pas demander de crédit pour acheter le mouton, que nous pouvions nous en passer, surtout que nous payons les traites de la maison, mais c'est pour moi une question de dignité. Je ne serais pas un homme si je n'arrive pas à acheter à ma famille un mouton. Ca fait seulement un an que je suis marié. Ma belle famille se moquera de moi si je n'achète pas de mouton. Ils diront à leur fille qu'elle a épousé un pauvre, incapable même de lui assurer un Aïd Lekbir comme tout le monde ».
Hachmia, quadragénaire, est secrétaire dans une entreprise privée. Son mari est commerçant. Avec quatre enfants à charge, « dont deux adultes chômeurs, un garçon et une fille », précise Hachmia, triste, « la vie n'est déjà pas facile, alors quand l'Aïd arrive, vous imaginez le calvaire. C'est un moment que j'appréhende chaque année. Plus la date de l'Aïd approche, moins je dors la nuit.
Cette année, mon mari a dû vendre au marché aux puces un vieux tapis, qu'il avait hérité de ses parents. Bon, il est vrai que c'est un tapis usé, mais c'est du travail à la main et il avait une grande valeur sentimentale pour mon mari. Le pire, c'est que la vente de ce tapis n'a pas rapporté grand-chose, et on va finir par recourir à nouveau à une société de crédit, comme l'année d'avant. Nous n'avons même pas encore achevé de payer celui de l'année dernière. Mais la société de crédit nous a trouvé un arrangement et on va pouvoir emprunter à nouveau pour acheter le mouton. Sincèrement, j'en ai marre. J'ai passé toute ma vie à trimer et à enchaîner les crédits pour pouvoir faire face à ce genre de dépenses exceptionnelles. Mon mari de même, mais vous le savez, ce sont les femmes qui se font le plus de soucis. Et tout ça pour passer la journée de l'Aïd à nettoyer et cuisiner, pendant que les hommes se la coulent douce. A part aller chercher un boucher et manger les brochettes, ils ne font rien d'autre pour aider ».
Une «sounna»
devenue obligation sociale
Puis, plus souriante, « mais l'Aïd, c'est une ambiance exceptionnelle. Malgré toutes les souffrances et les sacrifices qu'elle exige, c‘est une fête particulière. Il arrive que mes sœurs viennent avec leurs maris, leurs enfants et leurs moutons passer la fête avec nous, parce que nous avons de l'espace, et rien que pour ces moments avec toute la famille réunie, Aïd Lekbir vaut tout les sacrifices ».
Mais pourquoi les imams et théologiens n'expliquent-ils pas assez aux gens que ce qu'ils font n'a rien à voir avec la religion, que les sacrifices qu'ils s'imposent pour acheter le mouton de l'Aïd n'ont jamais été exigés par Dieu, tout au contraire.
Mounir est un jeune cadre très religieux, diplômé en études islamiques. Barbu et sentant l'ambre, il ne cache pas ses convictions idéologiques. Marié et père d'une petite fille, il vient aussi au souk pour acheter le mouton de l'Aïd Al Adha. « Non, je n'ai pas emprunté pour acheter le mouton », précise t-il en riant. « J'épargne quelques mois avant l'Aïd la somme nécessaire pour ce faire. De toute manière, je ne me suis marié que lorsque j'ai trouvé du travail. Avant, je vivais avec mes parents et passait la fête avec eux ».
Les gens ne s'intéressent pas à ce que dit la religion à propos de l'achat du mouton de l'Aïd, qu'il ne faut pas le faire avec de l'argent emprunté, et que de toute manière, ce n'est pas une obligation religieuse. J'ai des amis qui ne font même pas leurs prières et qui se plient en quatre pour acheter le mouton. J'ai beau leur expliquer que prier est beaucoup plus important que le mouton de l'Aïd, que c'est là une obligation religieuse alors que le sacrifice du mouton n'est qu'une « sounna », que normalement, c'est aux riches d'acheter et de sacrifier des moutons et d'en faire en partie cadeau aux plus démunis. Mais rien n'y fait. C'est comme si je m'adressais à des sourds.
Mais c'est également aux riches marocains qu'il faut adresser des reproches. Pourquoi les riches n'aident-ils pas les pauvres à faire la fête et remplir le cœur de leurs enfants de bonheur ? C'est là la signification véritable de l'Aïd Al Adha. C'est l'un des moments où les riches musulmans doivent faire preuve de solidarité envers les plus démunis de la Oumma. Introduire le bonheur dans le cœur d'un enfant pauvre, en lui permettant de manger une viande que ses parents ne peuvent pas lui offrir tous les jours de l'année, c'est la le secret de cette fête. Nous savons tous qu'il y a pas mal de pauvres au Maroc qui ne mangent la viande que rarement. Ca leur coûterait quoi, aux riches, d'offrir un ou deux moutons à des familles dans le besoin. Ou, du moins, appliquer la règle qui veut que le tiers du mouton doit être donné en aumône. Nous savons tous que les familles marocaines dans leur majorité mangent le mouton en entier en n'en offrent même pas le dixième aux pauvres. Ceux là, pour ceux qui sacrifient un mouton. Mais de plus en plus, nos élites occidentalisées ne font même plus l'Aïd. Je connais même un riche monsieur qui a une très grande ferme dans laquelle il fait de l'élevage de mouton. Il en vend aux gens en cette occasion, encaisse de gros bénéfices sur le dos des pauvres et va passer les jours de l'Aïd en Espagne.
Je ne vais pas manquer l'occasion, en m'adressant à la presse, de transmettre ce message à ceux des Marocains que Dieu a dotés d'une fortune, puisse Dieu leur en donner plus. C'est le moment de préparer le voyage final vers l'au-delà. Et ce genre d'occasion qu'est Aïd Al Adha, offre la possibilité de consentir de bonnes actions qui comptent quand il faudrait rendre compte au Créateur de ses actions au cours de cette existence qui n'est que passagère. Un petit geste envers ceux qui sont dans le besoin, un peu de bonheur insufflé dans les cœurs, ça ne va pas leur coûter grand-chose et ça va leur rapporter beaucoup auprès du Créateur.
C'est juste l'argent d'une ou deux soirées en boîte de nuit. Une ou deux soirées à ne pas faire la fête en contrepartie de l'immense plaisir de lire la satisfaction dans les yeux de gens qui ne font la fête que très rarement, outre le gros bénéfice engrangé auprès de Dieu ».
Bonne fête à tous les Musulmans, en ayant une petite pensée, ou un tiers de la carcasse du mouton sacrifié, pour les plus démunis.


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