Pour la première fois de l'Histoire du Festival de Marrakech, l'Etoile d'Or a été attribuée à un film marocain : « La mère de tous les mensonges » d'Asmae El Moudir. L a 20ème édition du Festival International du Film de Marrakech a pris fin avec une consécration sans précédent pour le cinéma marocain. Sous la présidence de l'actrice américaine Jessica Chastain, le jury a attribué l'Etoile d'Or au film marocain «La mère de tous les mensonges» d'Asmae El Moudir, marquant ainsi un moment historique pour le festival et le cinéma marocain.
L'Etoile d'Or décernée pour la première fois à un film marocain
La réalisatrice de 32 ans explore dans ce documentaire le passé hanté de non-dits de sa famille et, au-delà, celui du Royaume marocain pendant les «années de plomb». Faute d'images d'archives, elle a imaginé un dispositif ingénieux en filmant une maquette du quartier de son enfance casablancaise ainsi que des figurines pour narrer ce passé familial, avec en arrière-plan les «émeutes de la faim», réprimées dans le sang, en juin 1981 à Casablanca.
«Chaque société possède une vérité qui a été enterrée, brûlée, expurgée, effacée mais grâce à la mémoire collective, bien qu'imparfaite, nous préservons l'Histoire, qui ne peut être effacée, par le biais du témoignage, la création et la recréation», a dit Jessica Chastain, la présidente du jury, à propos du film qui avait remporté en mai le Prix de la mise en scène dans la sélection Un Certain Regard, au festival de Cannes.
S'exprimant lors de la cérémonie de clôture de la 20ème édition du Festival, Asmae El Moudir a fait part de ses vifs remerciements et immense gratitude à SM le Roi, «Le Père de tous les Marocains», pour avoir créé l'Académie Mohammed VI de football qui a permis aux Lions de l'Atlas d'atteindre les demifinales au Mondial 2022, et la Fondation du Festival international du Film de Marrakech, ainsi que les Ateliers de l'Atlas qui ont permis aujourd'hui à une des lauréats de ce programme de développement de talents de décrocher une première Etoile d'or pour le Maroc, qu'elle dédie au Souverain.
Cette lauréate des «Ateliers de l'Atlas», programme industrie de développement de talents initié en 2018 par le Festival International du Film de Marrakech, a tenu à cette occasion à partager avec l'assistance son histoire avec ce programme, assurant qu'elle engageait une course contre la montre d'un atelier à l'autre pour aller à la rencontre des metteurs en scènes et des scénaristes qui participent à cette plateforme afin de ne rien rater et profiter pleinement de leurs savoir et expériences. Ali Hajji : la 20ème édition était «exceptionnelle»
Exceptionnelle, telle et la description donnée par le coordinateur général du Festival international du film de Marrakech, Ali Hajji, pour cette 20ème édition. On a vu l'émergence d'un cinéma marocain «de plus en plus fort», nous a affirmé Hajji, rappelant que « Cette année, le cinéma marocain était présent à Cannes avec quatre films et «on ressentait cette présence au festival international du film de Marrakech avec tous les films marocains projetés ».
Cette édition a connu la programmation de 9 films issus des ateliers de l'Atlas, dont 5 sont marocains et 2 sont en compétition, tandis que d'autres sont dans d'autres sections, notamment «Animalia» de Sofia El Alaoui présenté en séance spéciale, «Indivision» de Leila Kilani et «Moroccan Badass Girl» de Hicham El Asri, projetés dans le cadre du panorama marocain, a-t-il détaillé.
Selon le coordinateur général du festival, cette année est très importante pour l'équipe des ateliers de l'Atlas puisqu'elle leur permet de voir tous les projets soutenus depuis longtemps, à l'instar d'Asmae El Moudir, qui a reçu le Prix Atlas au développement en 2019 et un Prix en post-production en 2021.
«C'est la même chose pour Kamal Lazrak que l'on connaît depuis quelques années, puisque l'on a soutenu son projet (Les Meutes) que l'on espère retrouver cette année dans le Palmarès », a-t-il ajouté.
Pour sa part, le directeur artistique du festival, Rémi Bonhomme a précisé que la 20ème édition du festival a été marquée par une programmation «très riche» comme l'est toujours le festival de Marrakech qui allie à la programmation des films, des séries de conversations avec de grands noms du cinéma : comédiens et réalisateurs qui viennent pour partager leur amour du cinéma et leurs secrets de fabrication d'un film.
Il a aussi évoqué les hommages rendus à de «grandes personnalités», estimant que «l'émotion était au centre de cette édition à travers les films, certaines rencontres et les paroles touchantes de cinéastes». Le public a participé en grand nombre aux projections ainsi qu'aux différents programmes du festival.
En tout, «près de 21.000 personnes ont été gratuitement accréditées et ont obtenu leur badge électronique», selon un communiqué des organisateurs. Près de 8.000 élèves, enfants et adolescents de la région, ont assisté aux projections «Jeune public», dont 750 enfants issus de la province d'Al-Haouz, précise la même source.
Le public du Festival a pu découvrir 75 films en provenance de 36 pays répartis sur plusieurs sections : la Compétition officielle, les Séances de gala, les Séances spéciales, le 11ème continent, le Panorama du cinéma marocain, les Séances Jeune Public, en plus des films projetés dans le cadre des hommages.
Comme chaque année depuis 2018, les Ateliers de l'Atlas, rendez-vous industrie et développement du Festival, ont réuni «plus de 300 professionnels autour de 25 projets de films en développement ou en postproduction en provenance de 11 pays», lit-on dans le communiqué des organisateurs.
En six éditions, les Ateliers de l'Atlas ont accompagné 136 projets et films, dont 57 projets et films marocains et trois films primés au Festival de Marrakech cette année.
Le Prix du jury a été décerné ex-aequo au réalisateur marocain Kamal Lazraq pour «Les meutes» et à la réalisatrice franco-algérienne Lina Soualem pour «Bye Bye Tibériade» qui retrace la vie de l'actrice francopalestinienne Hiam Abbass.
«Ce Prix est dédié à tous les Palestiniens qui tentent de trouver leur place dans le monde», a déclaré Lina Soualem dans un message enregistré, appelant à une «cessation des hostilités» dans la bande de Gaza où une guerre a éclaté en représailles à l'attaque du Hamas palestinien le 7 octobre.
C'est le film «Banel et Adama» de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy qui a remporté le Prix de la mise en scène. Le Prix d'interprétation féminine est allé à l'actrice bosnienne Asja Zara Lagumdzija pour son rôle dans «Excursion» et celui d'interprétation masculine à l'acteur turc Doga Karakas pour «Dormitory».
Ce palmarès marque la fin de la 20ème édition du festival, organisée du 24 novembre au 2 décembre et marquée par la «sobriété» en raison de la guerre à Gaza.