Au moment où le chantier de la régionalisation avancée revient au-devant de la scène, le CESE appelle à repenser le rôle de l'Etat au niveau territorial dans le sens de donner un nouvel élan à la dynamique du développement territorial. Mardi dernier, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) s'est donné rendez-vous à Casablanca pour dévoiler les résultats de son autosaisine intitulée « Le développement inclusif des territoires marocains », afin de dresser un bilan d'étape de la régionalisation avancée. De prime abord, le Conseil relève les lacunes du modèle actuel de gouvernance territoriale qui apparaît, à l'épreuve de l'analyse et de l'appréciation des acteurs et experts auditionnés par le Conseil, « encore loin de l'ambition de faire des territoires ''un lieu d'ancrage du développement'' ». Devant un panel de représentants des autorités locales, d'élus et d'acteurs associatifs et de représentants d'organismes nationaux et internationaux, le président du CESE, Ahmed Reda Chami, n'a pas manqué d'indiquer que huit années après l'amorcement de la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée, des progrès notables ont été enregistrés en matière de décentralisation ainsi qu'en termes de modernisation des structures de l'Etat, mais les résultats ne sont toujours pas à la hauteur. « Les efforts consentis peinent encore à atteindre l'impact escompté aussi bien en termes de réduction des inégalités territoriales et sociales qu'en termes de contribution des régions à l'édification de la richesse nationale », a martelé Chami, en appelant à repenser le rôle de l'Etat au niveau territorial à même de donner un nouvel élan au chantier de la régionalisation.
Disparités alarmantes Pour appuyer son constat, le CESE a mis en exergue l'écart des richesses entre les différentes régions du pays, soulignant que la contribution des régions à la richesse nationale est principalement portée par les régions de la dorsale Tanger-El Jadida. Près de 60% du PIB du pays est créé par Casablanca-Settat (32,2%,), Rabat-Salé-Kénitra (15,9%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (10,9%), qui abritent également 45% de la population marocaine. C'est ainsi que se dessine la nécessité, selon le CESE, d'étudier l'efficience de l'investissement public et la pertinence des projets par rapport à leurs retombées économiques, sociales et territoriales et par rapport aux besoins réels des populations. Le Conseil de Chami appelle, dans ce sens, à procéder à une évaluation d'étape du chantier de la régionalisation avancée en impliquant les principaux acteurs et parties prenantes concernées. Sur la base des résultats de cette évaluation, un débat est suggéré en vue de façonner une perspective collective et concertée, tant au niveau de l'approche que du déploiement de ce chantier. Cette démarche devrait mener à une réforme globale et institutionnelle du secteur public susceptible d'améliorer son efficience économique et sociale à plusieurs niveaux. Il s'agit de la rationalisation des choix budgétaires, la péréquation pour réduire les disparités, le transfert des ressources humaines et financières en adéquation avec les compétences et en temps opportun, la matérialisation du principe constitutionnel de la subsidiarité, l'amélioration de l'ingénierie de la programmation et de l'exécution des actions publiques à proximité des citoyens à travers une transformation locale favorisant l'approche Bottom-up. Lois organiques, refonte de l'écosystème, intercommunalité... En outre, le CESE a souligné l'urgence de revoir certains aspects des lois organiques, puisque le manque de précision, au niveau de ces dernières, a impacté le processus d'exécution des projets territoriaux. Le rapport appelle ainsi à réviser les lois organiques des collectivités territoriales afin d'apporter une clarification plus fine quant à leurs attributions, en délimitant de manière précise le champ d'action de chaque échelon territorial au regard de la nature de ses compétences (propres, partagées, transférables). Il note également l'impératif d'établir une plus grande clarté dans les relations entre les acteurs de l'écosystème territorial (wali et gouverneur, les présidents des trois échelons territoriaux - région, province et commune - et les services déconcentrés) pour une meilleure coordination et convergence de leurs actions. Dans l'attente de la révision des lois organiques, le CESE recommande de mettre en œuvre le transfert des compétences propres des départements ministériels concernés vers les régions, en associant ce transfert à des critères objectifs et atteignables. Pour pousser certaines régions vers l'avant, le rapport propose également de promouvoir le développement de l'intercommunalité et la coopération verticale entre les différents échelons territoriaux, afin d'assurer une mutualisation optimale des ressources et améliorer le service dispensé aux usagers. Afin de remédier au problème du manque de compétences dans certaines régions, le CESE note l'importance de valoriser la fonction publique territoriale dans une logique d'attractivité des compétences requises, à même d'assurer le déploiement optimal des chantiers en lien avec la régionalisation avancée. La réussite des objectifs territoriaux repose, toutefois, sur la réalisation effective d'une évaluation de tout projet d'investissement public en vue de préciser ses objectifs et ses impacts (économiques, sociaux et environnementaux) et anticiper les risques éventuels. Dans son exposé, Ahmed Reda Chami s'est attaqué à la « multiplicité des intervenants » dans l'écosystème territorial et l'insuffisance de convergence de leurs actions, obérant la performance de l'investissement public consenti. Il a également déploré la lenteur dans la mise en œuvre effective de la charte de la déconcentration administrative, privant les acteurs territoriaux des capacités humaines, techniques et financières nécessaires à l'exécution efficace et efficiente de leurs attributions. Des lacunes qui s'additionnent à la lenteur de la dématérialisation de l'administration publique, qui est une condition sine qua non pour la réussite de la régionalisation avancée.