Malgré les effets persistants de la crise économique, l'économie nationale aurait progressé timidement au troisième trimestre 2023, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Une dynamique qui devrait se poursuivre durant les prochains mois. Depuis la crise Covid-19, l'économie mondiale est entrée dans une spirale de ralentissement d'activité, impactant ainsi la croissance et créant des tensions inflationnistes d'envergure. Un contexte qui a favorisé le resserrement des politiques monétaire et budgétaire, l'absorption de l'épargne excédentaire des ménages, l'affaiblissement des marges des entreprises et la poursuite du recul de la production industrielle. Malgré la conjoncture défavorable, le Maroc fait montre de résilience, affichant une croissance timide, mais qui demeure positive. Selon la dernière note de conjoncture du HCP, l'économie nationale aurait progressé de 2,4% au troisième trimestre 2023, au lieu de +2,3% le trimestre précédent. Une croissance appuyée par une hausse de la valeur ajoutée agricole de 6%, sachant que hors agriculture, l'activité aurait évolué au même rythme (+2,4%), tirée principalement par les services non marchands.
L'augmentation de la valeur ajoutée agricole aurait été soutenue, comme au trimestre précédent, par la progression de 62% de la production des céréales, relève le HCP, ajoutant que les autres cultures auraient été marquées par une faiblesse relative des récoltes, qui aurait engendré une hausse des prix à la consommation des légumes et des fruits frais de 24,1% et 9,2% respectivement, au cours des deux premiers mois du T3-2023, en variation annuelle.
Prix des viandes... ça chauffe !
Les prix des filières animales se seraient, également, accrus, notamment ceux de la viande rouge. Les activités d'élevage du cheptel avaient été touchées par les sécheresses persistantes ayant marqué ces dernières années et induit une hausse des coûts de production et une réduction de l'offre de bétail destiné à l'abattage. Leurs prix avaient amorcé une tendance haussière au début de l'année qui se serait, toutefois, atténuée avec le renforcement du près du quadruple des importations des animaux vivants.
Hors viande rouge, la note indique que les prix des productions animales auraient décéléré, notamment au niveau de la filière avicole, où une augmentation de la production de viande de poulet de chair de 10,4% aurait été enregistrée.
Les prix du lait se seraient stabilisés avec la reprise de sa collecte, consécutive à l'arrêt de décapitation des vaches laitières et la détente relative des coûts d'affouragement. Ceci dit, ces paramètres impactent considérablement le pouvoir d'achat des ménages, d'ores et déjà, réduit à minima avec la hausse des prix qui dure depuis plus d'une année. Par ailleurs, et dans ce même cadre, le HCP estime que lors du prochain trimestre, la consommation des ménages accélérerait légèrement, dans le sillage de la réduction des pertes du pouvoir d'achat. « En termes nominaux, le revenu des ménages s'améliorerait, alors que les prix à la consommation décélèreraient de nouveau, aussi bien au niveau général qu'au niveau de leur composante sous-jacente », précise le rapport.
Côté commerce, l'activité serait restée, également, peu dynamique. Les intentions d'achat et d'approvisionnement se seraient réduites dans l'ensemble du secteur de commerce de gros comparativement à la même période de l'année passée, souligne la même source, ajoutant que la conjoncture aurait été particulièrement mal orientée dans le commerce des biens agricoles et agroalimentaires, sur fond du maintien des niveaux élevés des prix. La valeur ajoutée des branches secondaires aurait, à l'inverse, connu des évolutions contrastées.
Perspectives un peu plus prometteuses !
Ceci dit, le HCP se montre un peu plus optimiste pour le prochain trimestre, malgré les effets ravageurs du séisme d'Al-Haouz et les enveloppes budgétaires qu'il implique pour le soutien des populations sinistrées. La croissance économique nationale devrait ainsi s'établir à 2,6% au quatrième trimestre 2023, en variation annuelle, principalement suite à une éventuelle hausse de la valeur ajoutée agricole. Le taux d'inflation devrait, cependant, avoisiner 6,1% en 2023, au lieu de 6,6% en 2022. Ceci alors que la hausse des dépenses de consommation des administrations publiques se maintiendrait et leurs dépenses d'investissement seraient particulièrement dynamiques, dans le cadre de l'effort de reconstruction post-séisme. La note souligne également que l'investissement des entreprises non financières conserverait, pour sa part, son rythme baissier, principalement dans les industries manufacturières, mais le mouvement de déstockage amorcé en début de l'année s'atténuerait sensiblement.
Les services poursuivraient leur évolution au ralenti, affichant une hausse de 2,8%, au lieu de 5,4% au début de l'année, alors que l'industrie manufacturière, secteur le plus touché par le fléchissement conjoncturel de l'activité mondiale, verrait son activité se redresser progressivement, grâce à la reprise des industries chimiques et au maintien de la dynamique des activités de fabrication du matériel de transport et de l'automobile, prévoit la même source.
« Le scénario de croissance que nous envisageons pour le quatrième trimestre 2023 repose fermement sur l'hypothèse d'une reprise de la demande adressée aux industries chimiques et activités annexes », précise le HCP, affirmant que tout retournement à la baisse de cette demande pourrait avoir des conséquences significatives sur les perspectives de croissance des branches secondaires, relève la même source. L'autre facteur crucial d'incertitude concerne la prise en compte complète des effets du séisme ayant touché le Royaume en septembre 2023, indique le HCP, notant que cet événement pourrait générer des impacts différenciés qui pourraient affecter les prévisions de croissance pour les prochains mois.
Souhail AMRABI Le drame d'Al-Haouz, un vecteur de croissance La croissance économique au Maroc sera soutenue par les efforts de reconstruction suite au violent séisme qui a secoué certaines régions du Royaume en septembre dernier, a souligné, mardi à Marrakech, Daniel Leigh, chef de la Division de la recherche au Fonds Monétaire International (FMI). La croissance de l'économie marocaine devrait ainsi passer de 1,3% en 2022 à 2,4% en 2023, avant de rebondir à 3,6% en 2024, a expliqué le responsable du FMI lors d'une conférence de presse dédiée à la présentation du rapport sur les Perspectives de l'économie mondiale, rendu public à l'occasion des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale (BM). Cette performance de l'économie nationale est portée par un secteur touristique «très fort» et un secteur agricole «stable» malgré la sécheresse, a poursuivi M. Leigh, rappelant que l'économie marocaine avait enregistré «un semestre très fort avant le tremblement de terre».