Pour ériger le programme de reconstruction des régions sinistrées en modèle de développement territorial intégré et équilibré, le Maroc a opté pour la création d'une Agence dédiée. Le chantier de reconstruction et de réhabilitation des zones sinistrées du séisme d'Al-Haouz sera piloté par une agence spécialement créée. L'annonce officielle a été faite mercredi dernier lors du Conseil de gouvernement qui a approuvé le projet de décret-loi n°2.23.870 portant création de l'Agence de Développement du Haut Atlas. « La création de cette agence est une suite parfaitement logique de la dynamique qui a été enclenchée par SM le Roi Mohammed VI dès les premières heures qui ont suivi le séisme. Cette structure assurera la bonne gouvernance du programme de reconstruction, à l'image d'autres agences de développement et d'aménagement qui ont œuvré pour le développement social, culturel, économique et environnemental. Le choix d'opter pour une agence est judicieux puisque les résultats atteints par des structures de ce genre démontrent un haut degré de performance et une capacité de travail et de coordination rapide et effective », commente Khalid El Harrouni, professeur de l'Enseignement Supérieur et directeur adjoint chargé de la Recherche à l'Ecole Nationale d'Architecture de Rabat.
Programme 2024-2029 Lors de la présentation du projet de décret-loi, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a souligné qu'un programme intégré et multisectoriel, sur une période de 5 années (2024-2029), a été élaboré et présenté devant SM le Roi Mohammed VI lors d'une séance de travail tenue le 20 septembre 2023, précisant que la première version de ce programme couvre les 6 provinces et préfectures impactées par le séisme, à savoir Marrakech, Al-Haouz, Taroudant, Chichaoua, Azilal et Ouarzazate, en ciblant une population de 4,2 millions d'habitants. Le projet de décret-loi vient ainsi concrétiser les contours de l'établissement public qui se chargera d'appliquer les Hautes Instructions Royales appelant à l'adoption d'une gouvernance exemplaire dont les piliers sont la célérité, l'efficacité, la précision et les résultats observables, afin de faire du programme de reconstruction et de mise à niveau générale des régions sinistrées un modèle de développement territorial intégré et équilibré.
Missions et prérogatives Le ministre a par ailleurs souligné que le projet de décret-loi comprend un ensemble de dispositions relatives à la définition des missions et prérogatives attribuées à l'agence, en l'occurrence la réalisation de tous les projets du programme, dont la reconstruction et la réhabilitation des zones affectées, en prenant en considération la dimension environnementale et en veillant au respect du patrimoine unique et des traditions et modes de vie de la population locale, ainsi que des normes de construction parasismique. Le projet de décret inclut également des dispositions liées à la réalisation de projets de développement socio-économique au niveau des zones ciblées par ledit programme, en veillant à assurer une convergence des projets en coordination avec les différents départements et acteurs concernés. « Il s'agit aussi du suivi de la réalisation du programme et de la préparation des résultats, notamment en ce qui concerne le niveau d'avancement des projets, l'engagement des dépenses et les situations de paiement », a ajouté M. Baitas. Contrat-programme En outre, le texte comprend des dispositions prévoyant la conclusion d'un contrat-programme entre l'Etat et l'Agence, définissant notamment les composantes du programme, ses objectifs et les modalités de son financement, ainsi que le calendrier de sa réalisation sur une durée de cinq ans. Il détermine également les organes de direction et de gestion de l'Agence, notamment le Conseil d'orientation stratégique, présidé par le Chef du gouvernement et le directeur général de l'Agence, et fixe les compétences et prérogatives de chacun d'eux, ainsi que l'organisation administrative et financière de l'agence. « Cette nouvelle structure sera très bénéfique pour le développement des zones sinistrées. Gageons qu'elle capitalisera dès le départ sur les compétences et experts nationaux, chacun dans sa discipline et son domaine d'action », conclut Khalid El Harrouni qui est également membre expert du Comité Scientifique International sur l'analyse et la restauration des structures du patrimoine architectural (ISCARSAH) du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS).
3 questions à Khalid El Harrouni « C'est une opportunité pour repenser la ruralité en redéveloppant nos territoires et nos établissements humains » Quels sont les enjeux liés à la reconstruction des zones sinistrées par le séisme ? Je pense que le séisme d'Al-Haouz a malheureusement confirmé que la construction traditionnelle, sans dispositions particulières, est la plus vulnérable aux tremblements de terre. Or, que l'on veuille ou non, il s'agit de construction en matériaux locaux qui fait appel à un savoir-faire ancestral qu'il convient de préserver, d'autant plus que ce genre de cadre bâti est très bien adapté au territoire et peut faire preuve d'un haut degré de résistance lorsqu'il est bien conçu et bien mis en œuvre. En témoignent par exemple les projets réalisés par les maîtres d'œuvre Isabelle Cousy, Khalil Morad El Ghilali, Hadya Nekmouch, qui ont résisté au séisme de magnitude 6,8 à 30 Km de l'épicentre, grâce à leur qualité de conception et de mise en œuvre... L'enjeu sera à mon sens de reconstruire en prenant en compte les normes et standards qui ont été élaborés depuis plusieurs années, notamment le Règlement parasismique des constructions en terre (RPCT 2011) qui constitue l'ensemble des performances requises et des prescriptions techniques destinées à améliorer la résistance des constructions en terre en cas de séisme. Quid de la restauration des constructions historiques qui ont été endommagées par le séisme ? Nous avons effectivement un patrimoine précieux qui a été anéanti par le séisme, notamment la mosquée de Tinmel qui venait d'être restaurée. Malheureusement, ceci a mis en évidence un autre problème : le savoir-faire lié à la restauration du patrimoine vernaculaire. On peut dire qu'il y a eu un échec de la restauration, que ce soit au niveau de la mosquée de Tinmel qu'à la médina de Marrakech puisque le séisme a montré les défauts des travaux de restauration et de réhabilitation. Là encore, l'enjeu sera de renforcer notre savoir-faire de restauration en nous inspirant notamment des expériences d'autres pays, surtout ceux présentant une activité sismique préjudiciable et des conditions socio-économiques similaires. Quelle est, selon vous, la principale opportunité que peut offrir le chantier de reconstruction et de réhabilitation des zones sinistrées du séisme d'Al-Haouz ? Depuis plusieurs décennies, nous avons au Maroc des Universités, des travaux de recherche, des thèses, ou encore des expériences de caractérisation menées par des laboratoires accrédités par les Universités, qui ont largement développé les techniques et les savoir-faire liés à la construction en terre. Je pense que nous pouvons plus que jamais mettre à profit ces travaux afin d'ajouter une addition scientifique nouvelle à un savoir-faire ancestral et vernaculaire. C'est une opportunité pour repenser la ruralité en redéveloppant nos territoires et nos établissements humains qui sont situés dans des zones de haute montagne.
Fonctionnement : Travailler avec efficience dans un cadre défini et limité dans le temps Le projet de décret-loi n°2.23.870 portant création de l'Agence de Développement du Haut Atlas oblige les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à fournir à l'Agence, à sa demande, les données, informations et documents nécessaires pour lui permettre d'accomplir les missions qui lui sont confiées, tout en ouvrant la possibilité au directeur général de l'Agence de recourir aux gouverneurs et walis concernés, afin de délivrer les autorisations nécessaires pour mener à bien les projets du programme en cas de retard injustifié ou de refus des administrations, institutions publiques et organismes concernés d'accorder ces licences. Le projet de décret-loi prévoit par ailleurs que l'Agence de Développement du Haut Atlas soit dotée de ses propres mécanismes de contrôle financier et soit ainsi hors champ de la loi n°69-00 relative au contrôle financier de l'Etat sur les entreprises publiques et autres organismes. La même source prévoit la dissolution de l'Agence de Développement du Haut Atlas pour le 31 décembre 2029 au plus tard. Programme d'urgence : La reconstruction après la prise en charge des populations sinistrées En attendant la prise en main par l'Agence de Développement du Haut Atlas du programme 2024-2029 relatif à la reconstruction et à la réhabilitation des zones sinistrées du séisme d'Al-Haouz, le programme d'urgence pour la prise en charge des catégories les plus affectées par la catastrophe a été activé dès le 14 Septembre 2023. Préparé par la commission interministérielle mise en place sur Hautes Instructions Royales, le programme de relogement cible environ 50.000 logements totalement ou partiellement effondrés dans les cinq provinces sinistrées. Il implique des actions provisoires telles que le relogement sur place et dans des structures conçues pour résister au froid et aux intempéries, ou encore dans des sites aménagés d'accueil disposant de toutes les commodités. Outre les actions provisoires, le programme assure une aide d'urgence de 30.000 dirhams aux ménages concernés. Concernant les actions immédiates, le programme d'urgence prévoit une aide financière directe de 140.000 dirhams pour les logements totalement effondrés et de 80.000 dirhams pour couvrir les travaux de réhabilitation des logements partiellement effondrés. Durant la réunion de travail consacrée à l'activation du programme d'urgence organisée au Palais Royal de Rabat le 14 septembre, SM le Roi Mohammed VI a insisté sur la nécessité que « l'opération de reconstruction soit menée sur la base d'un cahier des charges et sous une supervision technique et architecturale en harmonie avec le patrimoine de la région et qui respecte ses caractéristiques architecturales uniques ».