Avec le contrat programme 2023–2037, la RAM ambitionne de devenir leader continental et transporteur global. D'une compagnie traditionnelle, Royal Air Maroc se rêve désormais en transporteur global. Le 11 juillet, le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch, et le PDG de la RAM Abdelhamid Addou, ont signé un ambitieux contrat-programme 2023–2037, qui vise une transformation et une extension de la compagnie aérienne nationale unique dans son histoire. Le lendemain, le PDG a tenu une conférence de presse pour dévoiler les grandes lignes de cette nouvelle stratégie.
La RAM ambitionne de quadrupler sa flotte, en passant de 60 avions en 2019 (année de référence) à 200 avions à l'horizon 2037. L'entreprise nationale veut aussi passer de 7,5 millions de passagers annuellement à 31,6 millions. Les destinations passeront de 99 actuellement à 143, alors que le chiffre d'affaires évoluera de 16,5 milliards de dirhams à 94 milliards de dirhams en 2037.
La RAM compte devenir la plus grande compagnie aérienne africaine, dépassant des concurrents comme l'Ethiopian Airlines. L'entreprise basée à Addis-Abeba était jusque-là leader du continent, avec une flotte de 126 avions et 15 cargos. La nouvelle stratégie de la RAM veut aussi rester centrée sur l'Afrique, l'Europe de Ouest et l'Amérique du Nord, et un peu moins sur l'Asie où des majors comme Emirates, Qatar Airways ou Turkish Airlines sont plus compétitifs.
Une compagnie aérienne de taille globale était nécessaire pour accompagner la stratégie touristique du Royaume. Les professionnels du secteur touristique déploraient l'insuffisance des lignes aériennes et des dessertes, ne couvrant pas l'entièreté du territoire national. En misant à la fois sur le long et moyen-courrier ainsi que sur les lignes domestiques, la RAM veut être un des moteurs permettant d'attirer 65 millions de voyageurs à l'horizon 2037.
Privilégier l'autofinancement
Concernant le financement de cette ambitieuse stratégie, le gouvernement et la direction de la RAM se sont mis d'accord sur une formule flexible. Chaque année, une réunion se tiendra avec un comité de suivi nommé par le Chef du gouvernement, à l'issue de laquelle sera déterminé le besoin en financement public. Ainsi, une partie sera constituée d'autofinancement, et l'autre d'augmentation de capital. Cela permettra à l'entreprise publique de conserver sa liberté dans le déploiement de sa vision, en tenant compte de la conjoncture.
"Certaines années, nous pourrons accélérer quand les performances le permettront, alors que d'autres années, il y aura besoin de ralentir", commente le PDG. Abdelhamid Addou, donnant l'exemple de l'année 2023, durant laquelle les bonnes performances de la compagnie aérienne ont fait que l'apport en capital de l'Etat est plus faible que prévu.
L'acquisition d'un avion se faisant en partie par de la dette et le reste par apport en cash, ce n'est que ce besoin en liquide qui sera issu de l'augmentation de capital. De plus, seule une partie de ces nouveaux avions sera achetée, puisque d'autres appareils seront obtenus par du leasing longue durée. "Le contrat-programme nous permettra de travailler sereinement, parce qu'on sait que chaque année il y aura cet accompagnement", assure-t-il.
"Nous avons déjà lancé une consultation pour 10 avions, dont 7 ont été sécurisés. Il s'agit de cinq Boeing 737-800 et de deux Dreamliner. Le premier 737-800 a déjà été livré, et les autres arriveront entre mars et fin d'année 2024. Deux avions ont été acquis et 5 en leasing longue durée", a révélé en conférence de presse Abdelhamid Addou.
Boeing ou Airbus ?
Jusqu'à aujourd'hui la flotte de la RAM de 60 avions, réduite à 50 durant la pandémie, est composée exclusivement d'appareils Boeing. Cette fidélité envers le constructeur aéronautique américain se justifie par le nombre limité d'avions dont dispose la RAM. "A moins de 60 avions, cela ne fait pas trop sens d'avoir deux constructeurs. Et ce, pour des questions d'efficacité, en termes de maintenance et de gestion des équipages. Un pilote de Boeing 737 ne peut pas commander un Airbus, il faut refaire sa qualification. Pour garantir le retour sur investissement, il vaut mieux être sur une seule marque", justifie Abdelhamid Addou.
Cette donnée pourrait bien changer dans l'avenir. "Désormais, on est sur un projet d'une autre dimension. L'appel d'offres sera ouvert, et que le meilleur gagne suivant la meilleure offre possible", indique-t-il. Cette offre ne tiendra pas seulement en compte le côté financier et technique, mais également des retombées pour le tissu industriel local. Avec une industrie aéronautique nationale dynamique et prospère, dont la RAM était "un des initiateurs et demandeurs", selon les mots de son PDG, le critère de transfert technologique fera partie des critères de sélection du futur fournisseur des nouveaux appareils.
Ressources humaines
La réussite de cet ambitieux plan dépend aussi des ressources humaines. "Un des enjeux importants pour la RAM est de mobiliser suffisamment de ressources humaines pour accompagner ces nouveaux avions, qu'ils soient pilotes, personnel navigant, mécaniciens, ou personnel au sol", a expliqué Abdelhamid Addou. Chaque compagnie aérienne a une moyenne d'employés par avion, qui dépend de sa taille et de son efficacité. Pour la RAM, cette moyenne se situe autour de 55 employés par avion. Ainsi pour le besoin de la nouvelle flotte, la population à recruter dépassera les 8.000 personnes, "ce qui revient à doubler la taille de la compagnie en termes de ressources humaines", détaille le patron.
A la tête de ces nouvelles recrues, on retrouve évidemment les pilotes. En 2020 durant la crise Covid, la RAM avait licencié 65 pilotes, et engagé un bras de fer avec l'Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL) qui aboutira sur une dissolution du syndicat ordonné par la Justice. En juillet de la même année, le Conseil des ministres avait adopté un projet de décret qui confie à l'Ecole royale de l'air de Marrakech la formation des pilotes civils.
"La première promotion de septembre 2020, composée de 20 jeunes cadets, sortira cette année. Et depuis cette date, chaque année des jeunes issus des classes préparatoires ou des écoles d'ingénieurs marocaines ou étrangers, entrent dans cette formation pour devenir pilotes de la RAM", explique Abdelhamid Addou. Pour la promotion de septembre 2023, pas moins de 100 jeunes cadets ont intégré l'Académie de Marrakech. "Nous avons anticipé ce besoin en pilotes. L'Académie est là, les moyens humains pour accompagner cette formation sont là, pour que nous ayons suffisamment de jeunes souhaitant suivre ce métier-là", poursuit-il.
Concernant les techniciens au sol, la formation est assurée par l'Institut Spécialisé des Métiers de l'Aéronautique et de la Logistique Aéroportuaire (ISMALA) relevant de l'OFPPT. Pour cette formation "il va falloir monter plus vite en charge et en volume", commente le PDG. Avant de poursuivre qu'"il y a un travail qui est en train d'être fait afin de doter cette école de plus de moyens, nous permettant au final de récupérer plus de mécaniciens".