L'égalité des genres dans l'acquisition de financement des start-ups des femmes est un parcours de combattant. Ainsi, les start-ups dirigées par des hommes captent plus de 97% des financements en Afrique. Et cela malgré la hausse continue des levées de fonds réalisées par les start-ups africaines au cours des dernières années, les inégalités de genre restent très criantes. Heureusement, la BAD est là pour mettre les pendules à l'heure. Coïncidence ou simple hasard de calendrier ? Toujours est-il que la dernière mesure de la Banque africaine de développement (BAD) d'allouer 950.000 dollars (plus de 500 millions de francs CFA) aux PME dirigées par des femmes dans le Sahel remet les pendules à l'heure en matière d'égalité du genre. Ainsi, le fonds fiduciaire pour l'égalité des sexes de l'institution financière panafricaine a décidé d'accorder cette enveloppe au Programme de promotion des liens d'affaires pour les petites et moyennes entreprises du Sahel. Mieux, ce don qui vient compléter un autre antérieur de la facilité d'appui à la transition de la BAD, devra permettre de soutenir 1400 entreprises dirigées par des femmes du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger, et contribuer à la résilience économique et à la cohésion sociale de la région. Cette initiative est venue à point au moment où un rapport vient d'être publié et qui dévoile le fossé entre les hommes et les femmes dans le domaine de financement des start-ups sur le continent. En effet, selon ce document, les start-ups dirigées par des hommes captent plus de 97% des financements en Afrique. Et cela malgré la hausse continue des levées de fonds réalisées par les start-ups africaines au cours des dernières années, les inégalités de genre restent très criantes. Résultat : en 16 mois, les start-ups dirigées par des femmes n'ont capté que 119 millions $. Intitulé « Diversity Dividend : Exploring Gender Equality in the African Tech Ecosystem », le rapport précise que ce montant représente 2,9% du total des levées de fonds réalisées par les jeunes pousses du continent durant la période sous revue (4,05 milliards de dollars). Les start-ups qui comptent au moins une femme dans leur équipe fondatrice ont levé 369,10 millions de dollars. D'aucuns parlent de scandale. C'est pour cela que la démarche de la BAD est salutaire à plus d'un titre car elle met la femme au cœur du développement et plus précisément dans le Sahel. En effet, le Programme de promotion des liens d'affaires pour les PME en Afrique leur procurera les outils et les ressources dont elles ont besoin pour surmonter ces obstacles et faire croître leurs entreprises. Il contribuera également à accroître la productivité et les opportunités d'emploi, en particulier pour les jeunes femmes et hommes, en offrant notamment un renforcement des capacités en matière d'entrepreneuriat, de fonctions commerciales de base et de formation à la gestion.
Données plus solides Cette démarche de la BAD, lit-on dans un document, est le résultat de trois études menées par le département du genre, des femmes et de la société civile de la Banque. Pour son élaboration, il a consulté les chambres de commerce de la région du Sahel, afin d'identifier les entreprises dirigées par des femmes qui pourraient participer au programme. Par cette action, la Banque apporte aussi son soutien aux bureaux nationaux de statistiques afin qu'ils produisent des données plus solides qui tiennent compte de la dimension genre, ce qui aide à mesurer l'impact du programme. Dans cette vision, la BAD entend promouvoir les liens d'affaires pour les petites et moyennes entreprises en Afrique. Le programme s'inscrit dans la droite ligne de la Stratégie de développement du secteur privé 2021-2024 de la BAD, de sa Stratégie pour le genre 2021-2025 et de sa Stratégie pour remédier à la fragilité et renforcer la résilience en Afrique 2022-2026. C'est à juste raison quand la directrice du Genre, des Femmes et de la Société civile à la BAD, Malado Kaba, souligne que l'inclusion des femmes dans le développement économique est l'une des clés de la construction de sociétés africaines résilientes. Pour revenir au rapport édité par Disrupt Africa, une plateforme d'information spécialisée dans les écosystèmes tech en Afrique, il est évident que l'égalité du genre reste une préoccupation sur le continent. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur les 711 start-ups qui ont levé des fonds entre janvier 2022 et avril 2023, 149 (21%) comptent au moins une femme dans leur équipe fondatrice alors 83 sont dirigées par des femmes (11,7%). Le Nigeria arrive en tête des pays d'origine des start-ups comptant au moins une femme dans leur équipe fondatrice qui ont réussi à lever des fonds, devant le Kenya, l'Afrique du Sud, l'Egypte, le Ghana et la Tunisie. Quant au Maroc, il est cité comme un pays qui peut mieux faire. Elaboré en collaboration avec Madica, un programme d'investissement de pré-amorçage qui cible les fondateurs sous-financés en Afrique, le document révèle que le paysage de la tech en Afrique est largement dominé par les hommes.
Opportunités professionnelles Ainsi sur un total de 2395 pépites de la tech suivies par Disrupt Africa, 350 seulement (14,6%) ont été fondées ou cofondées par des femmes tandis que 230 seulement (9,6%) ont à leur tête des femmes. Mais au-delà de cette inégalité dans l'acquisition de financement, les écarts sont encore plus criards. Ils n'ont d'autres noms que le sexisme. Selon Disrupt Africa, qui a réalisé un sondage auprès des fondatrices et cofondatrices des start-ups africaines couvertes par le rapport, il en ressort que 80,8% des sondées déclarent avoir perçu des préjugés à leur encontre sur le plan professionnel parce qu'elles sont des femmes, alors que 50% affirment avoir perdu des opportunités professionnelles pour le même motif. C'est dire que les préjugés ont la peau dure. D'où l'appel d'Africa CEO Forum, organisé la semaine écoulée à Abidjan, pour l'émergence de « champions » continentaux. Quand on sait que le continent africain compte aujourd'hui environ 345 sociétés qui font plus d'un milliard de dollars annuel de chiffre d'affaires, dont un tiers sont des filiales de multinationales. A titre de comparaison, l'Amérique latine en compte 210 et l'Inde 170. Seulement, cet idéal ne peut se réaliser qu'en incluant tous les acteurs et animateurs de l'activité économique. Que ce soit homme ou femme, il faut un traitement égal : miser tout simplement sur la compétence.