Le problème du surpeuplement carcéral a pris une nouvelle dimension, avec un effectif qui compte de plus en plus de jeunes. Le Maroc recense près de 97.204 détenus, dont près de 48.18% âgés de moins de 30 ans, selon le dernier rapport de la DGPAR. Cette réalité contraignante rend de plus en plus difficile la mission de la Délégation Générale à l'Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR) qui consiste à assurer aux détenus des conditions dignes d'hébergement, d'alimentation et de soins, de formation, d'encadrement, mais surtout pour réussir la gestion sécuritaire au sein des différents établissements de détention du Royaume. Ce défi est d'autant plus difficile à relever que la Délégation dispose de crédits limités pour la mise en œuvre de ses programmes de sécurité et de réformes.
Ainsi, après avoir enregistré une baisse notable dans le contexte de la pandémie de Covid-19 en 2020, le nombre de détenus est reparti à la hausse, passant de 86.384 en 2019 à 84.990 en 2020 avant d'atteindre 88.941 en 2021 et 97.204 détenus en 2022.
Ces faits s'expliquent, selon la DGAPR, par l'augmentation du nombre de personnes en détention préventive qui constituent 40% de la population carcérale, ainsi que par la durée de leur incarcération, ce qui met la Délégation dans la contrainte de construire de nouveaux établissements pénitentiaires.
Pis encore, les chiffres affichés par la DGAPR devront repartir à la hausse dans les années à venir. D'après les prévisions présentées dans son rapport, la population carcérale atteindra les 98.963 détenus en 2024 puis 101.512 en 2025 et 104.000 en 2026.
Par genre, le rapport de la DGAPR fait ressortir une augmentation de 13% des détenues femmes entre 2021 et 2022. La gent féminine représente 2,42% de l'ensemble de la population carcérale alors que les mineurs et les personnes en situation de handicap en constituent respectivement 1.21% et 0.34%.
Un autre constat frappant affiché par la délégation : la population carcérale est plutôt jeune avec 48,18% des détenus âgés de moins de 30 ans et 2,04% de personnes âgées.
Concernant la nature des faits ayant valu condamnation, 41.016 des détenus sont inculpés pour délits de droit commun alors que 31.920 l'ont été pour des affaires liées aux crimes financiers.
Surpopulation vs amélioration des services : Un double défi
Dans ce contexte d'augmentation de la population carcérale, la DGAPR est en course contre la montre pour trouver des alternatives et donc permettre aux détenus de purger leur peine dans des conditions favorables. Dans ce sens, de grandes réformes sont menées pour assurer la modernisation des établissements existants, augmenter leur capacité ou encore construire d'autres centres.
D'ailleurs, l'année 2022 a connu la construction de deux établissements pénitentiaires. D'autres sont en cours de restauration et d'extension pour répondre aux besoins. De même, la Délégation s'emploie à mener des chantiers d'équipement des espaces d'hébergement, de sécurisation des infrastructures ainsi que l'amélioration des services de nutrition, d'hygiène et de soins de santé au profit de la population carcérale.
En matière d'infrastructures sanitaires, la flotte d'ambulances de la DGAPR a été renforcée grâce à l'Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), qui a permis de mobiliser 4 nouvelles ambulances au profit des prisons de Taounate, Midelt, Essaouira et Khénifra. Le nombre total se trouve ainsi porté à 66 ambulances (couvrant les besoins de 80% des établissements pénitentiaires). Il en va de même concernant les unités médicales qui ont été dotées de nouveaux dispositifs médicaux plus performants pour le diagnostic et le suivi des maladies sous incarcération, explique-t-on.
Concernant les ressources humaines, la Délégation priorise, comme souligné dans son rapport, le renforcement et la valorisation du personnel des établissements pénitentiaires. Dans ce sens, 628 fonctionnaires, 500 surveillants-éducateurs, 50 officiers-éducateurs et 66 officiers-éducateurs supérieurs, 7 médecins généralistes et 5 médecins-dentistes ont été recrutés dans différents établissements du Royaume. L'effectif global des fonctionnaires se monte, désormais, à 12.710 fonctionnaires.
Les nouvelles recrues ont bénéficié, d'après la Délégation, de cinq sessions de formation ainsi que d'une formation régionale de terrain, afin d'améliorer leurs compétences et leurs connaissances.
En dépit des efforts notables déployés par la Délégation, un travail de longue haleine devrait se faire encore pour renforcer l'encadrement des détenus, car le Royaume ne dispose que d'un surveillant pour onze détenus.
Levier important pour réussir l'intégration des détenus dans la vie sociale, la formation qui leur est destinée bénéficie de tout l'intérêt de la part de la DGAPR qui s'est engagée dans la mise en œuvre de programmes d'éducation, à différents niveaux, notamment concernant l'éducation non formelle au cours de la saison scolaire 2021/2022.
Des formations ont aussi été organisées en étroite collaboration avec le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH), en faveur de 30 personnes, au niveau national, notamment concernant le dispositif national de prévention de la torture. Le programme de formation continue pour l'année 2022 a aussi bénéficié à 320 fonctionnaires, à travers 37 modules dans le domaine de droits de l'Homme.
Un système numérique d'identification biométrique
Pr ailleurs, les méthodes d'identification des détenus sont en passe de connaître une évolution notable après le développement par la Délégation Générale à l'Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR) d'un système mobile d'identification des détenus par empreinte digitale (technologie biométrique). Ce nouveau système devrait assurer une détection plus précise des cas de récidive.
Dans son rapport, la Délégation a annoncé le programme de numérisation en faveur des détenus, conçu en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ainsi que la généralisation d'un programme informatique sur la gestion et le suivi de l'efficience de fonctionnement de l'ensemble des établissements pénitentiaires, outre un programme spécial pour le suivi et la gestion du transfèrement des prisonniers, et ce, dans le cadre de la stratégie de numérisation et de modernisation de l'administration.