PwC, un cabinet de conseil, d'audit et d'expertise juridique et fiscale dont le siège est à Londres, s'est penché, dans un nouveau Policy Paper, sur les défis et opportunités qui s'offrent à l'économie nationale dans un contexte international difficile, marqué notamment par la montée des tensions géopolitiques. Ainsi, la publication, rédigée par Stéphanie Villers, Conseillère économique à PwC France et Maghreb, a traité de différents sujets, notamment l'impact de la guerre russo-ukrainienne, des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement depuis la crise sanitaire et de la sécheresse sur l'économie marocaine.
« La montée des tensions géopolitiques et les perturbations dans les chaînes d'approvisionnement depuis la crise sanitaire ont débouché sur des pressions inflationnistes. La hausse de l'indice général des prix a atteint 8,3% fin 2022. S'y est ajoutée localement une vague de sécheresse historique qui a entraîné un fort recul des cultures pluviales et a mis en exergue un niveau inquiétant des réserves d'eau menaçant l'agriculture irriguée. La dégradation des conditions climatiques a poussé les prix alimentaires à la hausse », peut-on lire dans ce document intitulé : « L'économie marocaine entre défis et opportunités ».
Et de poursuivre: le Maroc a traversé en 2022 sa période la plus sèche depuis 30 ans. « D'après la Banque Mondiale, la sécheresse a entraîné au Maroc une baisse de 15,3% de la valeur ajoutée du secteur agricole. Cela s'est matérialisé par une perte de plus de 200.000 emplois en milieu rural, touchant en particulier les ménages marocains les plus modestes. Près de la moitié du ralentissement économique a été induite par un recul brutal de la production agricole. La chute de la production a atteint 67% pour les céréales. Ainsi, les aléas climatiques constituent une source d'inquiétude grandissante et un défi incontournable pour les autorités publiques mais aussi pour le secteur privé », souligne la même source.
L'inflation inquiète
Les ménages subissent, par conséquent, une inflation brutale et quasi-inédite, indique PwC. « Le Maroc fait face à une inflation importée due à la fois à la flambée des prix de l'énergie et à la pression à la hausse exercée sur les prix des produits agricoles importés. Par ailleurs, les récoltes ont localement été largement impactées par une grave vague de sécheresse en 2022 qui s'est poursuivie par un hiver particulièrement rigoureux début 2023 », explique la même source, ajoutant que le Royaume, compte tenu de sa dépendance aux importations de blé et de pétrole, subit les conséquences de la guerre en Ukraine. « 20% de ses importations de céréales proviennent de la Russie et de l'Ukraine et 60% des besoins céréaliers sont couverts par les importations. Plus globalement, 40% des besoins de consommation courante sont garantis par les importations », fait observer PwC dans ce document, publié mardi 2 mai.
Face à l'urgence climatique, souligne le cabinet de conseil et d'audit international britannique, le gouvernement tente d'apporter des solutions à travers le déploiement de mesures de soutien aux producteurs, l'accélération de la mise en place d'une assurance sécheresse ou encore l'abaissement des charges financières pour le secteur agricole. Malgré ces mesures, le pouvoir d'achat des Marocains a globalement reculé de 2% en 2022.
Bank Al-Maghrib intervient
Dans ce contexte, PwC rappelle que Bank Al-Maghrib (BAM) a procédé en septembre 2022 au premier relèvement de son taux directeur. L'institut monétaire l'a ensuite augmenté graduellement. En mars 2023, le taux directeur a atteint 3%. L'objectif est de permettre d'enrayer la hausse des prix, en particulier alimentaires, qui affecte les ménages les plus modestes.
BAM a resserré sa politique monétaire à l'instar de la Banque Centrale Européenne (BCE), qui fait face à la même problématique de lutte contre l'inflation importée à travers la flambée des prix des matières premières. Si, aujourd'hui, la hausse des prix se diffuse sur l'ensemble des composantes de l'indice, le déclencheur a bien été l'envolée des cours de l'énergie initiée par la reprise économique après Covid-19, puis amplifiée par les conséquences de la guerre en Ukraine.
Or, BAM a du mal à agir sur l'évolution des prix des biens importés. Cela explique en partie le décalage observé dans le resserrement monétaire entre la BCE et BAM avec celui de la FED, qui a agi dès mars 2022.
PwC observe aussi que les taux d'intérêt réels au Maroc, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis, restent négatifs. Ce qui signifie, selon ce cabinet de conseil, que le recours à l'emprunt demeure attractif.
Des déficits jumeaux sollicités mais sous contrôle
Autre point évoqué dans ce document : le Maroc dispose de réserves de change confortables de plus de 32 milliards d'euros. Ces réserves représentent près de six mois d'importations. Néanmoins, les importations ont marqué en 2022 une forte progression, à près de 40%, du fait de l'envolée des cours mondiaux à la fois sur les produits énergétiques et agricoles. En effet, d'après la Banque Mondiale, près de 50% de la hausse des importations s'explique par l'envolée des prix des matières énergétiques et agricoles importées. La dépréciation du dirham a par ailleurs amplifié la dégradation de la balance commerciale.
Ainsi, l'envolée du cours des hydrocarbures et des prix des céréales a dégradé le déficit courant 2022, qui n'a pu être compensé par les exportations de fertilisants (le Maroc est le cinquième exportateur mondial d'engrais). A contrario, le tourisme retrouve ses niveaux d'avant pandémie et devrait assurer des recettes confortables en 2023, tout comme les revenus de transfert des Marocains résidant à l'étranger, qui ont atteint un record en 2022. Ces deux facteurs devraient ainsi permettre de limiter la détérioration du solde courant en 2023, prévoit PwC.
Par ailleurs, le Maroc demeure une destination privilégiée pour les investissements directs étrangers. Les IDE ont progressé de plus de 31% en 2022 dont la moitié est destinée au secteur manufacturier. Le niveau élevé des IDE démontre la confiance dont bénéficie le Maroc vis-à-vis des investisseurs étrangers et des bailleurs de fonds (UE, BERD, Banque Mondiale, FMI, etc.).
Cette progression est de même un des premiers signes tangibles des nouvelles stratégies mises en place par les entreprises européennes qui souhaitent raccourcir les délais de livraison et sécuriser leurs approvisionnements.
La situation des finances publiques reste sous contrôle
De même, PwC pense que la situation des finances publiques reste sous contrôle. « Les mesures de soutien aux ménages et à certains secteurs, qui visaient notamment à maintenir des tarifs réglementés pour le gaz, le blé et l'électricité, ont pesé sur les dépenses publiques. Celles-ci ont enregistré une augmentation de plus de 14% en 2022. Mais la dynamique des recettes a permis en partie de compenser cette hausse pour empêcher une trop forte dégradation du déficit public (5,3% du PIB en 2022) », explique PwC.
Dans ce sens, le cabinet de conseil et d'audit international britannique rappelle que la loi de finances 2023 table sur un déficit public de 4,5%. Cet objectif risque cependant d'être entravé par le maintien d'un niveau d'investissement public soutenu (6% du PIB) dans les infrastructures, l'éducation ou encore la santé. En revanche, la dette publique, à hauteur de 70% du PIB et libellée principalement en monnaie locale (75%), n'est pas soumise au risque de chocs exogènes, étant détenue principalement par les résidents nationaux, estime PwC.
Pour 2023, ce cabinet d'audit note que le Maroc a fait face à un hiver 2023 particulièrement rigoureux. Dans ce contexte, les récoltes ont été de nouveau impactées par les conditions climatiques, obligeant le gouvernement à restreindre les exportations de certaines denrées alimentaires, telles que les tomates, oignons et pommes de terre. Ces produits sont désormais interdits à l'exportation à destination du marché ouest-africain.
La mesure vise à lutter contre l'envolée des prix des produits agroalimentaires, assurer la sécurité alimentaire et stabiliser le marché intérieur. Plus globalement, PwC pense que l'économie marocaine sera de nouveau confrontée cette année 2023 à une activité internationale dégradée compte tenu de la conjoncture économique défavorable dans l'Union Européenne, partenaire classique du Royaume.