Avec un million de postes vacants, un taux de natalité qui chute depuis des années, le Canada affiche un besoin de davantage de gens, surtout que 70% des Canadiens sont plus que jamais favorables à l'immigration. Le pays, signale son ministère, compte accueillir 465.000 nouveaux résidents permanents l'an prochain, 485.000 en 2024 et 500.000 en 2025. L'accent est clairement mis sur la croissance économique : 60% des admissions se feront sur des critères économiques dans trois ans. Ottawa compte, en outre, accélérer la réunification des familles et s'assurer "qu'au moins 4,4% des nouveaux résidents permanents hors Québec sont francophones". Mais si le Canada accueille chaque année des centaines de milliers d'immigrants, la plupart n'accèderaient qu'à des emplois sous-qualifiés et mal payés, prévient une chroniqueuse du "Toronto Star". L'actuelle politique migratoire du pays s'inscrit selon elle dans une tradition séculaire d'exploitation des travailleurs étrangers. Shree Paradkar, qui a été journaliste en Inde et à Singapour avant de tenir une chronique pour le Toronto Star, tient à avertir les centaines de milliers d'immigrants accueillis chaque année au Canada pour aider le pays aux prises avec le vieillissement de sa population et une pénurie inquiétante de main-d'œuvre : "La bonne nouvelle est que vous serez nombreux à trouver un emploi. Certains d'entre vous seront même bien payés. Mais d'autres verront leurs rêves de stabilité et de confort sérieusement remis en question".
Une tradition séculaire d'exploitation des travailleurs
Le Canada a historiquement bénéficié de l'immigration, reconnaît-elle, tout comme les nouveaux venus, surtout les professionnels qualifiés. Mais ce nouveau "blitz" en matière d'immigration est fait pour fortifier son économie et servir "non pas la majorité des immigrés, qui seront orientés vers des emplois peu qualifiés et souvent temporaires, mais ceux qui sont au sommet". La vague actuelle d'immigration s'inscrit dans une tradition séculaire d'exploitation des travailleurs dans les Amériques, tient à souligner la chroniqueuse. "Lorsque les tentatives des colons européens pour asservir les populations autochtones ont échoué pour diverses raisons, des travailleurs sous contrat sont arrivés dans les années 1600 pour s'occuper de vastes terres que les premiers colons avaient obtenues, achetées ou volées". Deux cents ans plus tard, la Grande-Bretagne a aboli l'esclavage dans la plupart de ses colonies. L'Amérique du Nord a connu alors sa première pénurie de main-d'œuvre, à laquelle elle n'a pu faire face qu'en important d'autres travailleurs pauvres des colonies britanniques. La poussée migratoire actuelle, qui s'effectue comme autrefois en fonction des dynamiques fluctuantes de l'offre et de la demande, s'accompagne de la privation de droits économiques, souligne Shree Paradkar : "Le travail temporaire dans le cadre d'emplois précaires rend les travailleurs vulnérables à des conditions de travail abusives". En Ontario, la province qui doit accueillir une part très importante de cette nouvelle vague d'immigrants, 60% des postes vacants ne demandent au mieux qu'un diplôme d'études secondaires et certains ne nécessitent même pas un an d'expérience professionnelle. La chroniqueuse déplore que les politiques sociales "radines" mises en œuvre par cette province s'étendent à l'éducation et aux soins de santé, "en plus de ne pas construire assez de logements abordables dans les zones résidentielles".